Ça s’explique

Le marché du carbone

Chaque dimanche, l’équipe de Pause prend le temps d’expliquer une parcelle d’actualité.

Cette semaine, on se demande ce qu’est le marché du carbone.

Le marché du quoi ?

Le marché du carbone est un outil créé par le gouvernement québécois en 2013 pour forcer les entreprises les plus polluantes à réduire graduellement leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Concrètement, il s’agit d’un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (SPEDE). Le principe est simple : pour avoir le droit de polluer, les entreprises doivent payer.

Qui est visé ?

Toutes les entreprises qui émettent plus de 25 000 tonnes de gaz à effet de serre par année : les alumineries, les cimenteries, les raffineries, les papetières, les producteurs d’électricité comme Hydro-Québec sont visés. On parle d’environ 100 entreprises au Québec.

« Depuis 2015, le règlement s’applique aussi aux entreprises qui importent et distribuent des carburants comme c’est le cas de Produits pétroliers Norcan », précise Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.

Établir un plafond

Le gouvernement établit un plafond annuel d’émissions de dioxyde de carbone (CO2). En 2015, il était de 65 millions de tonnes. Chaque année, ce plafond va diminuer. En 2020, il sera de 55 millions de tonnes. Les entreprises visées doivent se procurer des droits d’émission pour chaque tonne de GES. Ce sont des unités d’émission. L’été dernier, les droits d’émission étaient de 18,74 $ l’unité. Ces unités sont échangées dans des ventes aux enchères.

Le marché

Le gouvernement vend aux enchères ces droits d’émission. « L’essentiel de ce marché, ce sont des émetteurs qui achètent du gouvernement, ça s’arrête là, il n’y a pas d’autres échanges, explique Pierre-Olivier Pineau. Les entreprises qui n’utilisent pas toutes les unités qui leur sont allouées peuvent les vendre à des entreprises qui ont dépassé le nombre d’unités permises, mais c’est très rare que ça arrive. »

Quatre fois par année

Les droits d’émission sont mis aux enchères quatre fois par année. « Pendant trois heures, les entreprises peuvent acheter sur le site du marché des blocs d’émissions, détaille le professeur de HEC Montréal. Le système prend les offres les plus élevées jusqu’à ce que tous les droits d’émission soient vendus. »

Fonds vert

Les sommes récoltées dans ces ventes aux enchères sont versées dans le Fonds vert du gouvernement du Québec. À ce jour, ce fonds a permis d’amasser 500 millions. Ces sommes-là permettent de financer des projets de réduction de GES, dans les transports en commun, dans des programmes d’éco-camionnage, d’éco-rénovert ou d’achat de voitures électriques.

Partenariat avec la Californie

En 2014, le Québec et la Californie ont décidé d’unir leurs efforts pour créer un marché commun du carbone. Le Québec a donc lié son système à celui de la Californie, qui est à la tête de la Western Climate Initiative (WCI), le marché du carbone le plus important en Amérique du Nord. Depuis le 1er janvier, l’Ontario s’est joint au groupe. Ce qui rend le marché encore plus intéressant.

Est-ce que nos émissions de GES diminuent ?

« Pas encore, nous dit Pierre-Olivier Pineau. Même si le plafond diminue d’année en année, les entreprises peuvent utiliser leurs droits d’émission passés au moment où elles le veulent, ce qui a un effet sur les émissions. L’autre élément, c’est qu’en 2016, les émetteurs ont déserté le marché du carbone. Seulement 11 % des droits d’émission ont été achetés par des émetteurs. En 2017, la situation s’est rétablie, mais il y a un rattrapage à faire. » L’objectif du Québec est de réduire ses émissions de GES de 20 % d’ici 2020 – par rapport au niveau de 1990. Actuellement, on est à environ 10 %.

Ça va changer, mais quand ?

Selon Pierre-Olivier Pineau, même si les émissions de GES sont encore au même niveau, le marché du carbone n’est pas un échec. « Techniquement, ça fonctionne, mais ce n’est pas encore contraignant. L’impact va se faire sentir lorsque la baisse du plafond aura un effet de rareté sur les droits d’émission et que le prix de l’essence commencera à augmenter. À moins que les gens anticipent cette rareté en passant à des modes de transport qui émettent moins de GES. Mais ce n’est pas le cas, puisque la vente de produits pétroliers est en augmentation. »

Ailleurs au Canada

La Colombie-Britannique est membre de la Western Climate Initiative (WCI), mais elle ne participe pas au marché du carbone. Le gouvernement impose plutôt une taxe sur les énergies fossiles de 30 $ la tonne. L’Alberta a aussi une taxe sur le carbone. Elle vise les entreprises qui émettent plus de 100 000 tonnes de dioxyde de carbone (CO2). Celles-ci doivent réduire « l’intensité » de leurs émissions de gaz à effet de serre, sous peine d’une amende de 15 $ la tonne. 

Le gouvernement canadien souhaite d’ailleurs mettre en place un système semblable à celui de l’Alberta. Toutes les provinces qui ne participent pas au marché du carbone seront invitées à s’y joindre.

À suivre à l’automne

« Les entreprises émettrices vont devoir montrer au gouvernement leurs droits d’émission pour les années 2015-2017, note Pierre-Olivier Pineau. On sait combien elles ont émis de GES, là on va voir si elles correspondent aux droits d’émission. Sinon, elles risquent d’être pénalisées. »

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