Chronique

On est (nombre d’employés), faut se parler 

Avez-vous lu mon entrevue avec Nadine Renaud-Tinker, parue hier en ces pages ? C’était un texte sur la progression remarquable de cette banquière partie d’un job de caissière dans une succursale, jusqu’à la tête de la RBC au Québec.

Qu’est-ce qui lui a permis ainsi de gravir les échelons ? Bien des qualités de gestionnaire, bien sûr, mais un élément inhabituel de son CV semble avoir joué un rôle crucial, admet-elle la première : elle est diplômée de premier cycle non pas en finance ou en comptabilité ou même en maths ou en économie ; avant toute chose, Mme Renaud-Tinker est diplômée en psychologie. 

Plus tard, elle a complété cette formation avec d’autres programmes plus spécialisés pour les banquiers, notamment un MBA, mais au départ, c’est la connaissance du fonctionnement de la tête des humains qui l’a lancée sur cette voie où elle a fait tant de progrès.

Devrions-nous tous nous mettre aussi à la psycho pour mieux comprendre nos clients, nos fournisseurs, nos employés, nos dirigeants ?

Pourquoi pas ? La psycho et les communications.

Parce qu’une chose est claire, on n’en sait jamais trop sur l’art de mettre les autres de son bord. C’est au cœur du succès de tout projet.

Mais cette nécessité de créer de la confiance, de la loyauté, de l’ascendant auprès des membres de ses équipes est particulièrement indispensable actuellement, dans notre monde en mutation numérique marqué par la transformation des emplois et, en parallèle, la pénurie de main-d’œuvre.

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Les gestionnaires jonglent aujourd’hui avec deux réalités en parallèle : recruter et garder ses employés ; garder la motivation et l’efficacité dans des univers de travail où les définitions de tâches changent constamment.

Bref, il ne suffit plus d’avoir une machine à espresso, une table de baby-foot et des horaires flexibles à volonté. Il faut aussi savoir parler et écouter les travailleurs. Et les comprendre. Et saisir leurs objectifs, leurs motivations. On devra peut-être tous avoir une psy de service en entreprise, comme le personnage de Wendy Rhoades, dans la série Billions, la grande conseillère des gestionnaires du fonds spéculatif Axe Capital qui les aide à atteindre leur meilleur niveau de performance et assure la cohésion des équipes.

En tout cas, « la communication à l’interne va être un grand enjeu en 2019 », croit Catherine Chantal-Boivin, directrice du Studio Casacom.

Dans ce monde où le recrutement et la rétention des employés sont essentiels à la réussite des projets d’entreprises, celles-ci doivent se poser des questions : qu’est-ce qui rend mes employés heureux chez nous ? Et comment créer une loyauté à toute épreuve ? « Comment stimuler la fierté, l’engagement ? », demande Mme Chantal-Boivin.

Et en 2019, cette communication interne devra être ancrée dans la réalité d’aujourd’hui. On est rendu loin des notes d’encouragement façon 1973 ou des tournois de golf pour former l’esprit d’équipe.

On parle de capsules vidéo sur LinkedIn ou YouTube ou d’utilisation de plateformes de travail en commun telles Slack comme leviers. On parle d’applications de communication interne. On parle d’encourager, d’écouter, d’être en conversation avec des gens qui sont d’une génération scotchée sur Facebook ou Instagram, collectionnant les « J’aime » et les petits bonshommes sourire jaunes. On parle de sites d’entreprises réellement actuels où l’on peut voir ce que les équipes accomplissent, présenté d’une manière crédible, actuelle, interactive. La photo en rang d’oignons ? Pas sûre…

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Selon Staffbase, une société new-yorkaise qui a créé une application spécialisée pour la communication interne au sein des grandes entreprises, un sondage sur LinkedIn, de mai 2017 à décembre 2018, montre que le nombre de postes décrits comme « responsable de l’expérience employé », a augmenté de 173 %. 

Cette préoccupation pour le bien-être mental est plus grande que jamais.

Parce que, j’insiste, on ne parle pas nécessairement ici du meilleur centre de yoga au bureau ou même de garderies en milieu de travail. On parle beaucoup de psychologie, de tout ce qui permet aux employés de se sentir utiles, essentiels, compris, motivés, rassurés… 

Le tout dans un monde où les informations circulent à une vitesse folle, où un employeur, par exemple, ne peut pas se permettre de voir des changements touchant l’entreprise de façon déterminante relayés par Twitter et lus par tout le monde avant que l’information officielle ne soit publiée. 

Et puis tous les secteurs font face au changement à des rythmes effrénés. Positifs et négatifs. Les sources d’inquiétude et de décrochage, d’emballement et de nouvelles attentes sont à tous les carrefours. Certains suppriment des postes, d’autres transforment les postes, d’autres embauchent massivement. Les sources d’insécurité et la nécessité d’être bien compris sont partout.

Et puis pourquoi ne pas regarder au-delà de la simple gestion de loyauté nécessaire à la rétention ?

Un employé serein devient aussi un vecteur pour le rayonnement de l’entreprise dans ses propres réseaux, ce qui est important pour toutes celles qui embauchent, et elles sont nombreuses actuellement. Comme le disait Mme Renaud-Tinker de la RBC, les employés sont souvent les meilleurs recruteurs en parlant des possibilités qu’offre leur employeur à leurs amis, leurs ex-collègues pour qui ils ont une grande crédibilité.

Et puis la loyauté créée par la bonne communication permet aux employés d’agir s’il y a gestion de crise nécessaire sur les réseaux sociaux, réalité cruciale aujourd’hui.

Alors, on étudie tous la psycho ou les communications en 2019 ?

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