Nature

Faire la fête aux abeilles

L’Organisation des Nations unies (ONU) a décrété le 20 mai Journée mondiale des abeilles. Elle souligne ainsi l’importance de ces pollinisatrices qui collaborent avec les humains depuis des millénaires et rappelle que l’équilibre est désormais fragile.

Ce n’est pas un hasard si on a choisi le 20 mai pour attirer l’attention sur cet insecte autrement discret. Cette date marque en effet l’anniversaire du Slovène Anton Janša (1734-1773), considéré comme le père de l’apiculture moderne.

Une menace qui plane

L’initiative lancée par la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) vise à mettre en lumière l’apport des abeilles à notre alimentation et à nos écosystèmes, à un moment où elles sont plus vulnérables que jamais. 

Plusieurs facteurs qui résultent de l’activité humaine causent leur fragilité, selon différentes études qui pointent entre autres l’utilisation de pesticides et l’agriculture intensive. « Les insectes envahissants, les pesticides, les changements d’utilisation des terres et les pratiques de monoculture qui réduisent les nutriments disponibles constituent autant de menaces pour les colonies d’abeilles », indique la FAO.

L’importance des abeilles

L’abeille est un bourreau de travail qui, durant sa courte vie de 40 à 60 jours, butinera environ 7000 fleurs par jour afin de produire le précieux nectar que les humains utilisent comme nourriture et médicament. En pollinisant les végétaux, les abeilles jouent aussi un rôle crucial dans la préservation de l’environnement et de sa biodiversité.

« Aujourd’hui, les pollinisateurs apportent une contribution supplémentaire à la sécurité alimentaire, car non seulement ils favorisent la vie végétale mais ils servent aussi de sentinelles pour les risques environnementaux émergents puisqu’ils avertissent sur l’état de santé des écosystèmes locaux », a fait valoir la FAO.

Sur les 100 espèces végétales qui fournissent 90 % de la production alimentaire dans le monde, plus de 70 sont pollinisées par les abeilles (ONU).

Montréal, terre d’accueil

Les abeilles retrouvent graduellement une place en ville et Montréal leur en réserve une belle. La ville a le potentiel de leur procurer un écosystème accueillant, notamment en raison de sa biodiversité et de l’absence de pesticides.

Au cours des cinq dernières années, l’entreprise d’apiculture urbaine Alvéole a implanté à elle seule 450 ruches dans le Grand Montréal, sur les toits d’entreprises ou chez des particuliers. Elle supervise notamment les 72 ruches de l’Accueil Bonneau qui produit son miel urbain pour la cinquième saison. « La production de masse ne fonctionne pas, estime le cofondateur d’Alvéole, Étienne Lapierre. Les abeilles doivent avoir accès à une biodiversité et à une alimentation saine pour être en santé. »

La ville est, sur ce plan, un territoire favorable. « Montréal est une ville verte. C’est un exemple à suivre en matière d’agriculture urbaine. On a des parcs, le littoral, des potagers », note l’apiculteur en soulignant toutefois l’importance de continuer à s’investir dans le verdissement de la ville. « Tout ce qu’on plante, c’est l’ensemble des pollinisateurs qui en bénéficie. Et quand on verdit notre espace, on a plus envie de le protéger. On protège ce que l’on aime. C’est dans l’intérêt de tout le monde de créer une biodiversité en ville. »

« L’abeille est un symbole fort. Si ça va mal avec les abeilles, on est les prochains sur la liste. » 

— Étienne Lapierre, d’Alvéole

Une ville comme garde-manger

Les abeilles ont besoin d’un écosystème diversifié. Au même titre que l’être humain, elles ne peuvent manger la même chose tout le temps pour rester en santé. En retour, elles contribuent à la biodiversité en pollinisant les potagers, les arbres et autres végétaux dans un rayon de 3 à 5 km autour de la ruche.

« On a observé que les ruches qui se développent proche d’un jardin produisent plus de miel et sont en meilleure santé », soutient Alexandre Ferrari-Roy, président et directeur de Microhabitat, entreprise spécialisée en potagers urbains. Avec Alvéole, Microhabitat a participé à l’implantation d’un espace entièrement consacré à la production de nourriture, à la recherche et à l’éducation, dans le Mile End, il y a quatre ans, ainsi qu’à la création de jardins mellifères pour le programme apicole de réinsertion sociale de l’Accueil Bonneau.

« Le milieu urbain est aride. Quand on installe une ruche, c’est généralement sur un toit qui est très exposé. Il y a donc beaucoup de chaleur, de soleil, de vent », souligne Alexandre Ferrari-Roy. En plantant à proximité d’une ruche, on fournit un habitat qui non seulement nourrit les abeilles et les abreuve, mais crée aussi une zone tampon où elles peuvent se protéger du soleil, explique-t-il.

« Si on veut implanter un jardin en considérant le bien-être des abeilles, il est important de considérer le choix des plantes. Les fleurs mellifères fournissent encore plus de nourriture aux abeilles, car elles produisent plus de pollen et de nectar que d’autres plantes, signale le président de Microhabitat. En s’assurant qu’elles ont des périodes de floraison différentes, on fait aussi en sorte que les abeilles ne manquent jamais de nectar et de pollen. »

Des plantes qui aiment les abeilles

Le trèfle, les fines herbes (menthe sauvage, thym, origan, sauge, ciboulette à l’ail), la camomille, l’échinacée, la verge d’or, l’aster, la lavande.

Pour une saine cohabitation

On confond souvent l’abeille avec la guêpe. Les abeilles sont dociles et végétaliennes. Elles sont attirées par les fleurs et ne s’intéressent pas à votre assiette, précise Étienne Lapierre. À moins que leur ruche ne soit mise en danger, les risques qu’elles piquent sont assez faibles.

Les plantes mellifères attirent toutefois tous les pollinisateurs : des abeilles, mais aussi des papillons, des colibris et des guêpes, notamment. Reste à évaluer si on a envie d’être en contact avec ces insectes. On peut toujours planter ces végétaux dans des zones moins fréquentées. « Il faut considérer qu’il y aura des abeilles au jardin. Les abeilles sont plus actives de jour. On peut donc prendre les moyens pour y aller au moment où il y aura moins d’activité », conseille encore Alexandre Ferrari-Roy.

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