OPINION

L’enlisement du Parti québécois

La tendance indiquée par les sondages ne ment pas. Les intentions de vote pour le Parti québécois (PQ) déclinent. Loin de voguer sur le « chemin des victoires », ce parti cherche désespérément de l’oxygène et une transfusion sanguine qui lui permettrait de retrouver un élan. 

Comment le PQ peut-il être dans un état si lamentable après les espoirs de 2013 ? La stratégie privilégiée par Jean-François Lisée depuis deux ans a été dévastatrice sur trois plans : par la mise au rancart de son projet de laïcité, réduit à une peau de chagrin ; par le flirt avec Québec solidaire, dévastateur par ses résultats ; et par la multiplication d’improvisations et raccourcis opportunistes minant la crédibilité du parti. Dans ce brouillamini, le PQ s’est littéralement enlisé.

L’enlisement, c’est d’abord le cafouillis de Lisée sur la question de la laïcité, marqué par des fléchissements, zigzags et incohérences.

Après la défaite de 2014, celui-ci s’est d’abord empressé de renier la « charte de la laïcité » de son propre gouvernement. Pourtant, à la veille des élections, ce projet recueillait 60 % d’appuis parmi la population et 70 % chez les Québécois francophones. Il propulsait même le PQ en tête des sondages avec 40 % d’intentions de vote.

En déclenchant une élection précipitée sur un budget impopulaire, en laissant la laïcité à l’arrière-plan et en permettant le poing levé de l’indépendance de Pierre Karl Péladeau, Pauline Marois a livré le pouvoir aux libéraux sur un plateau d’argent. Elle a aussi permis une poussée inattendue de la Coalition avenir Québec (CAQ), elle qui promettait une charte de la laïcité sans souveraineté. Avec un score final de 23 %, le tout s’avérant payant.

La reddition tranquille pointait du nez. En octobre 2015, le Parti québécois s’associait à la motion empoisonnée de Françoise David sur l’islamophobie, au grand plaisir de la mouvance islamiste, arcboutée contre la laïcité. Qui plus est, en février 2017, Alexandre Cloutier soutenait qu’il y avait une « vraie islamophobie ambiante au Québec ». Quelques jours plus tard, la direction du Comité national des jeunes du PQ réuni en congrès accusait de « racisme » les jeunes appelant à l’affirmation de la laïcité.

Avec une conviction laïque fragile, le PQ s’est donc laissé charmer par le discours de la gauche communautariste.

Devant le projet de loi 62, le nouveau plan d’action du chef péquiste fut d’exploiter « le potentiel » de cette législation anti-laïque. Pas question de la combattre fermement. Le nouveau « programme minceur » péquiste en matière de laïcité a pris le relais, s’en tenant aux recommandations de la commission Bouchard-Taylor en ce qui concerne le port de signes religieux, soit moins que ce qui prévaut en Algérie. Le corps enseignant des écoles primaires et secondaires ainsi que les éducatrices de CPE seraient toutefois tenus à une réserve complète, sous réserve d’une clause « grand-père » pour les employés arborant déjà des signes religieux. La vaste majorité de la fonction publique et parapublique ne mériterait qu’un prix de consolation, la « laïcité de préférence ». Une option plus que douteuse : car si des clauses « grand-père » ou de « préférence » avaient été appliquées pour l’interdiction de fumer dans les organismes publics, les commerces et les entreprises, tout le monde serait encore enfumé. Pourquoi en serait-il autrement avec les signes religieux alors que les mouvances intégristes en font un combat essentialiste non négociable ?

Maintenant, Jean-François Lisée annonce qu’avec un gouvernement péquiste, le crucifix resterait dans le Salon bleu de l’Assemblée nationale, enlevant ainsi tout le crédit à son discours. Qui pourrait maintenant le croire avec un tel vacillement au gré du vent ?

Le naufrage de la convergence

L’enlisement, c’est le fait d’avoir fait miroiter aux yeux des militants du Parti québécois que la « convergence des forces souverainistes » avec Québec solidaire (QS) était possible et avantageuse.

Aveuglé, Lisée a lancé l’idée d’une candidature commune pour l’élection partielle de Verdun en 2016 ; il a aussi offert gracieusement un siège à Gabriel Nadeau-Dubois dans Gouin.

Pourtant, malgré ses prétentions « souverainistes », QS est foncièrement un parti fédéraliste et communautariste. Il est aussi un allié de la mouvance islamiste. En appelant à la convocation d’une assemblée constituante dans le cadre du régime fédéral actuel, QS ne fait que lancer de la poudre aux yeux en reprenant une vieille position fédéraliste du NPD-Québec. Une réelle assemblée « constituante » ne peut trouver son sens qu’après une indépendance ou un changement de régime, son essence étant d’établir les bases d’un nouvel État à construire et non de réformer un régime existant.

QS a aussi toujours dénoncé le discours « identitaire » du Parti québécois, jugé « dangereux ». Il n’a jamais vraiment voulu d’une convergence avec le PQ, lui opposant « un projet souverainiste inclusif », c’est-à-dire ouvert aux intégrismes religieux. En avril 2016, Amir Khadir disait que la seule convergence intéressante, c’était celle des « luttes de portée sociale ». La fin de non-recevoir des « solidaires » n’a donc pas tardé ; elle est sortie brutalement de la bouche de Dalida Awada au congrès de QS et a été récemment confirmée par la candidature de Vincent Marissal contre le chef du PQ dans Rosemont. Haroun Bouazzi et Ève Torres viendront l’épauler pour la prochaine élection.

Rejeté par Québec solidaire et désarçonné par la baisse de ses appuis dans les sondages, Jean-François Lisée y est allé d’artifices.

En mai 2017, il a déclaré que son parti était désormais celui de la « nation verte ». Il a aussi nommé Véronique Hivon au poste de vice-cheffe. Il a fait revenir Camil Bouchard et Jean-Martin Aussant au bercail. Mais rien n’y fait.

Il n’y a pas de vague annonciatrice pour le Parti québécois. Le lien de confiance a été rompu, notamment à cause de sa vision tronquée de la laïcité et de son aventure désastreuse avec Québec solidaire. Déboussolé, Lisée s’est embourbé. Hélas pour ce parti qui a été longtemps le véhicule des aspirations des Québécois.

Pendant ce temps, la CAQ maintient le cap.

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