Opinion : Montréal et les aînés

Accueillir la vieillesse avec audace 

Tandis que Montréal émerge des bancs de neige et de la glace, ses citoyens s’aventurent à sortir pour renouer avec la vie urbaine. Pour nombre de personnes âgées, hiver signifie confinement à la maison, et pour cause : températures glaciales, trottoirs verglacés et routes dangereuses sont au rendez-vous. L’été amène un temps plus doux, mais aussi de nouveaux risques. La vague de chaleur de juillet 2018 a tué 66 personnes à Montréal, dont bon nombre étaient des hommes âgés célibataires.

Les politiques pour une ville-amie des aînés, telles que le plan d’action 2018-2020 Montréal, métropole à l’image des personnes aînées, décrivent un vaste et ambitieux mandat de leadership concerté. Ce projet municipal s’inspire d’une initiative lancée par l’Organisation mondiale de la santé en 2007 et intitulée Ville-amie des aînés. Ce type de transformation implique tous les ordres de gouvernement, exigeant une coordination réfléchie ainsi que la participation de citoyens âgés.

Quatre grands axes y sont définis : faire de Montréal une ville de quartiers à échelle humaine ; favoriser une meilleure cohésion sociale ; faire participer les citoyens aînés à la vie de leur communauté et placer la population aînée au cœur des partenariats. Dans chacun de ces champs d’action planent les problèmes qui touchent tout spécialement la vie des personnes âgées, allant des préoccupations en matière de sécurité au besoin de logements abordables.

Cependant, il existe bien souvent des décalages entre les documents de politique et les réalités que vivent les aînés.

Les défis qu’affrontent les populations vieillissantes à Montréal se posent à longueur d’année. Aussi devrions-nous tous nous en préoccuper. Souhaitant favoriser des progrès à ce chapitre, nous accueillerons avec fierté l’événement trilingue (anglais, français et langue des signes québécoise) de deux jours B/OLD : Vieillir dans notre ville. Il s’agit d’un symposium public et d’une exposition de deux semaines (jusqu’au 24 mai) qui aura lieu à ESPACE 4, une installation de Concordia. L’événement encourage les échanges intergénérationnels sur ce que signifie le fait de vieillir à Montréal.

Partager les stratégies

La mise en œuvre d’un programme de ville-amie des aînés est entravée par le partage des pouvoirs et responsabilités entre la Ville de Montréal et ses arrondissements, situation qui résulte de la défusion de 2006. Cette fragmentation permet aux arrondissements d’élaborer des programmes répondant expressément aux besoins de leurs habitants. Ainsi, d’excellents programmes et des stratégies favorables aux aînés, comme ceux du plan d’action Municipalité amie des aînés de l’arrondissement de Saint-Léonard, fondé sur des observations recueillies lors de promenades dans le quartier en compagnie d’aînés du coin, peuvent être adoptés dans un secteur de la ville et pas les autres. Ces stratégies, leurs succès et leurs échecs gagneraient à être partagés. Mais comment y parvenir dans le contexte actuel ?

Nous pourrions, par exemple, créer au sein de l’administration municipale un « bureau du vieillissement » qui soit adéquatement financé, doté d’un personnel compétent et assez influent pour que tous les services municipaux intègrent des préoccupations touchant les aînés dans leurs flux de travaux. La formation d’un comité consultatif sur les aînés – semblable au Comité consultatif sur la jeunesse déjà en place – serait une autre possibilité.

La démarche et les plans pour une ville-amie des aînés visent à rehausser la visibilité de notre population vieillissante et ses enjeux.

En plus de consulter en permanence les citoyens âgés, il faut consacrer des ressources à des interventions concrètes et opportunes, visant par exemple à rendre le transport public montréalais accessible à tous. Cela fait d’ailleurs partie du plan 2018-2020.

La mise en œuvre fructueuse d’un programme pour une ville-amie des aînés exige aussi un plus grand appui à ces organismes, dont bon nombre emploient des bénévoles locaux entretenant des liens continus avec la population locale. Beaucoup de ces groupes ont subi des coupes budgétaires pendant de nombreuses années. Ils réussissent malgré tout à fournir un soutien inestimable qui n’est souvent pas apprécié à sa juste valeur.

Nous vivons dans un monde très bien intentionné lorsqu’il s’agit de composer avec le vieillissement, mais les bonnes intentions ne suffisent pas. La réalisation d’un programme de ville-amie des aînés passe par une coordination et une collaboration réfléchies entre les gouvernements fédéral et provincial et les administrations municipales, entre les différents arrondissements de même qu’entre les intervenants des divers secteurs d’activité de notre société.

Chacun vieillit, et nous devons toutes et tous prendre part à une réflexion à la fois visionnaire, ouverte à la diversité et audacieuse. La ville-amie des aînés commence à la maison, quelle que soit notre demeure. 

* Kim Sawchuk est directrice du projet de recherche Ageing + Communication + Technologies (ACT) mené à l’Université Concordia ; Meghan Joy est professeure adjointe au département de science politique de l’Université Concordia ; et Shannon Hebblethwaite est directrice du centre de recherche sur le vieillissement engAGE de l’Université Concordia

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