L’architecte de la Place Ville Marie est mort
De la Place Ville Marie au bâtiment est de la National Gallery of Art de Washington, en passant par la pyramide du Louvre, l’architecte Ieoh Ming Pei a laissé sa trace dans de nombreuses villes du monde. Il s’est éteint à l’âge de 102 ans dans la nuit de mercredi à hier.
Une construction en forme de croix, au cœur de Montréal, avec vue sur le mont Royal. En 1962, à l’inauguration de la Place Ville Marie, le projet était novateur.
L’architecte sino-américain Ieoh Ming Pei est considéré comme l’homme derrière cette tour – même s’il ne faut pas oublier l’apport de son collègue Henry N. Cobb au projet. Hier, l’annonce de sa mort, à 102 ans, a fait réagir.
« C’est quelqu’un de très important, et pour Montréal en particulier. Il a fait entrer la ville dans la modernité au moment où le Québec se redéfinissait. »
— Nathalie Dion, présidente de l’Ordre des architectes
À cette époque, Pei n’avait pas encore atteint la notoriété qu’il connaîtrait plus tard, souligne au téléphone la professeure émérite de l’UQAM France Vanlaethem, coauteure de Place Ville Marie – L’immeuble phare de Montréal.
Elle-même s’est déjà rendue dans les bureaux de l’entreprise de Pei, mais ne l’a pas rencontré. « Il a fait de grandes choses », lance-t-elle, ajoutant qu’il a continué à faire les projets qui l’intéressaient jusqu’à la fin.
Il a en effet travaillé sur le Musée d’art islamique de Doha, au Qatar, ouvert en 2008, et sur le centre des sciences de Macao, en Chine, inauguré l’année suivante.
Mais l’œuvre la plus célèbre de l’architecte, et aussi la source de la plus grande polémique de sa carrière, reste sans contredit la pyramide du Louvre. Avec sa forme et ses facettes en verre, le projet a essuyé de vives critiques lors de la présentation de sa maquette, en 1984. Pei a dû affronter l’opposition et les insultes.
Aujourd’hui, c’est l’une des réussites les plus marquantes de l’homme. « C’était un projet d’exception », rappelle au téléphone Dinu Bumbaru, directeur des politiques d’Héritage Montréal. Il y voit aussi une « solution très ingénieuse » au problème d’éclairage de la cour souterraine.
À l’époque, Pei était un architecte célébré – il venait tout juste de remporter le prix Pritzker, considéré comme le Nobel de l’architecture –, mais il travaillait principalement aux États-Unis. Son annexe à la National Gallery de Washington, avec son atrium triangulaire transparent, construite en 1978, avait séduit François Mitterrand. Devenu président, il lui avait confié le projet au Louvre.
« Son musée à Washington, c’était assez marquant et remarquable, avec les lignes extrêmement simples, complètement minimales, mais avec des volumes qui n’étaient pas des cubes. C’étaient des prismes, avec des volumes triangulaires », explique M. Bumbaru.
Né en 1917 en Chine, Ieoh Ming Pei s’est installé aux États-Unis en 1935. Il a notamment été l’élève de Walter Gropius, fondateur du Bauhaus, à Harvard.
L’architecte a eu une longue carrière. Il a été assistant à Harvard et a fini par créer son propre cabinet d’architecture en 1955, I. M. Pei et Associés. Il s’est fait remarquer cette année-là pour un complexe immobilier au Colorado, le Mile High Center, à Denver.
L’ancienne première dame Jackie Kennedy lui a assuré une véritable notoriété en 1964 lorsqu’elle l’a choisi pour concevoir la John Fitzgerald Kennedy Library, près de Boston.
« C’était une grande figure de l’architecture américaine », affirme Dinu Bumbaru.
Selon le New York Times, l’architecte ne souhaitait pas seulement résoudre des problèmes, mais produire « une architecture d’idées ».
Pei a poursuivi sa carrière dans de nombreux pays. Il a notamment réalisé le siège de la Banque de Chine à Hong Kong en 1982.
« Il a fait des choses très innovatrices et très audacieuses », juge Nathalie Dion.
Pei a reçu de nombreuses distinctions au cours de sa carrière, dont la médaille présidentielle de la Liberté en 1992, la plus haute distinction civile aux États-Unis.
— Avec l’Agence France-Presse