Opinion Jocelyn Coulon

Accalmie dans la péninsule coréenne

Les Jeux olympiques d’hiver s’ouvrent aujourd’hui en Corée du Sud alors que règne une étrange accalmie dans la péninsule coréenne. Cette période de détente, la Corée du Sud l’a voulue et sa voisine du Nord s’y est associée afin d’offrir au monde une autre image de la vie sous le régime dictatorial de Kim Jong-un.

Et les choses ont été faites dans cette optique. La sœur du leader nord-coréen sera dans la tribune officielle aux côtés du vice-président américain Mike Pence. Les deux Corées formeront une seule délégation et défileront sous un drapeau commun. Certaines équipes seront mixtes. Tout l’esprit olympique de tolérance, de paix, de fair-play se retrouve dans ces gestes d’un grand symbolisme.

Mais derrière la parade, la partie de bras de fer entre les États-Unis et la Corée du Nord se poursuit, même si le régime de Pyongyang a suspendu ses essais nucléaires et de missiles balistiques depuis deux mois et que les Américains et les Sud-Coréens ont reporté à plus tard leurs exercices militaires annuels. En même temps, les sanctions adoptées l’an dernier par l’ONU et chaque pays individuellement commenceraient, selon certains, à produire leurs effets.

Dès lors, la conjonction de ces diverses mesures a-t-elle le potentiel d’ouvrir une nouvelle étape et de permettre la relance du processus diplomatique ? Il est trop tôt pour le dire.

Les sanctions font mal, et les États-Unis promettent d’en adopter de nouvelles. Mais, écrit Richard Nephew, ancien coordonnateur de la politique des sanctions au département d’État, ces sanctions ont des limites. Dans un livre paru il y a quelques semaines (The Art of Sanctions. A view from the Field), cet ancien négociateur du régime des sanctions contre l’Iran et dont l’effet a forcé Téhéran à signer l’accord sur la limitation de son programme nucléaire, la Corée du Nord est dans une position unique. Isolée depuis sa création en 1948, elle représente la quintessence de l’État autarcique. À cet égard, elle « est peut-être faible du point de vue de la théorie économique, mais forte pour ce qui est d’éviter les pressions économiques venant de l’extérieur », écrit l’auteur.

Dans ces conditions, la communauté internationale risque fort de tourner en rond si le régime des sanctions n’est pas accompagné d’une stratégie diplomatique robuste.

Nephew décrit avec précision cette stratégie où chacun des protagonistes – la Corée du Nord comme les États-Unis – doit absolument se voir offrir une sortie politique honorable. Toutefois, écrit-il, un échec est possible à cause des conditions particulières de la crise nord-coréenne qui n’ont rien à voir avec celles entourant le nucléaire iranien.

Si cette stratégie ne fonctionne pas, Nephew écarte l’option militaire. Pour lui, la diplomatie devra se rabattre sur une posture d’endiguement. « Le mieux que nous pouvons faire consiste à nous servir des sanctions pour négocier la retenue – pas d’essais nucléaires ou de missiles en 2018, pour que la situation se stabilise – et, le temps venu, de passer au contrôle des armements, et peut-être à la dénucléarisation  », déclarait-il au début janvier.

La Corée du Nord est déjà un État nucléaire. Elle a pris tous les moyens pour le devenir, même les plus extrêmes comme ceux qui affectent sa population. En cela, elle a marché dans les pas du Pakistan, allié des États-Unis, dont un des dirigeants, Zulficar Ali Bhutto, déclarait que son pays aurait la bombe même si les Pakistanais devaient manger de l’herbe.

La recherche de la sécurité absolue et à tout prix est un sentiment profondément ancré dans la psyché des dirigeants de certains États qui craignent pour leur existence. L’obscène budget militaire des États-Unis et la propension de leurs dirigeants à tout vouloir contrôler sur la planète en sont une bonne illustration.

Avec la Corée du Nord, il faut donc apprendre à vivre avec le danger. Cela nécessite l’articulation d’une stratégie politique et diplomatique qui y fait place. Il n’y a pas d’autre possibilité.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.