Étude montréalaise en cardiologie

Un médicament peu coûteux aux effets remarquables

Un cardiologue montréalais a dévoilé samedi dans un important congrès à Philadelphie une grande nouvelle pour le traitement des infarctus. La colchicine, médicament peu coûteux utilisé pour traiter la goutte, réduit de 23 % les complications d’une crise cardiaque. L’incidence clinique devrait être immédiate.

AVC et angine

Dévoilée samedi matin lors du congrès annuel de l’American Heart Association (AHA) à Philadelphie, l’étude montréalaise montre que l’administration de colchicine diminue de 75 % le risque d’avoir un accident vasculaire cérébral (AVC) et de 50 % le risque d’avoir une nouvelle chirurgie cardiaque, dans les deux ans suivant une crise cardiaque. « C’est un bénéfice très, très élevé », explique Jean-Claude Tardif, directeur de recherche à l’Institut de cardiologie de Montréal, qui dirige l’étude internationale COLCOT (essai sur les résultats cardiovasculaires avec l’administration de colchicine) et présentait ses résultats à Philadelphie, dans la séance « la plus prestigieuse » du congrès de l’AHA. Comme la colchicine est déjà utilisée pour le traitement de la goutte et de la péricardite, une inflammation du cœur, avec peu d’effets secondaires, son approbation post-infarctus devrait être rapide. Le Dr Tardif pense même que de nombreux médecins commenceront immédiatement à en prescrire à leurs patients. « On va certainement en discuter à Philadelphie », dit-il.

Un bémol sur les crises cardiaques

L’étude australienne LoDoCo (colchicine à faible dose), qui portait sur 500 patients, a montré en 2013 que le risque de récidive diminuait de 67 % après une crise cardiaque avec la colchicine. L’étude COLCOT n’a pas observé de diminution statistiquement significative à ce chapitre. Pourquoi ? « Ça arrive souvent avec les premières études, il y a une surévaluation des bénéfices, dit le Dr Tardif. Mais quand on regarde seulement les patients qui ont bien pris leur colchicine, on a un résultat encore plus grand pour le risque composite. L’effet est aussi plus grand si on regarde le nombre total d’événements durant le suivi. » Le « risque composite » comportait quatre facteurs, dont les crises cardiaques, les AVC et une nouvelle chirurgie de revascularisation. L’étude COLCOT portait sur 10 fois plus de patients que l’étude LoDoCo. Ils étaient suivis en moyenne 23 mois.

Prévention

Le Dr Tardif va faire prochainement une autre annonce, concernant l’utilisation de la colchicine en prévention pour les patients ayant un risque cardiovasculaire élevé (antécédents familiaux, haute pression, etc.), mais ne pouvait en dire plus lors de notre entrevue, vendredi. Il note que l’étude australienne LoDoC02, dont les résultats seront dévoilés en août prochain, porte justement sur la colchicine utilisée en prévention.

Depuis l’Antiquité

Dérivée d’une plante poussant en Europe, le colchique d’automne, la colchicine est utilisée contre la goutte depuis l’Antiquité. « Elle a des propriétés anti-inflammatoires. » La colchicine est aussi utilisée depuis un certain temps pour traiter l’inflammation de l’enveloppe du cœur, la péricardite, dit le Dr Tardif. « Des résultats sur les animaux ont montré qu’elle pouvait réduire l’athérosclérose, une inflammation qui est responsable de la grande majorité des crises cardiaques. » Le grand avantage de la colchicine est son coût, moins de 50 cents par jour.

Une centaine d’hôpitaux

Des patients d’une centaine d’hôpitaux dans 12 pays participaient à l’étude COLCOT, notamment 200 à l’Institut de cardiologie et plus d’un millier au Québec. Près des trois quarts des patients, dont la moyenne d’âge dépasse 60 ans, sont des hommes, ce qui reflète leur risque accru d’athérosclérose. Le recrutement – les patients devaient avoir eu une crise cardiaque dans le mois ayant précédé leur inclusion dans l’étude – a commencé au début de 2016 et le suivi se terminera à la fin de 2019.

14 %

Proportion des hommes canadiens âgés de 55 à 64 ans qui ont déjà eu une crise cardiaque. Chez les femmes, l’incidence est un peu moins élevée, soit 8 %.

4 %

Risque d’avoir une deuxième crise cardiaque dans les deux ans suivant la première. Le risque de subir un AVC pendant cette période est quant à lui de 1 %.

Sources : Journal canadien de cardiologie, Agence de la santé publique du Canada

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