La taxe sur le carbone aura des impacts au Québec

À partir de l’an prochain, une taxe sur le carbone sera imposée dans chacune des provinces canadiennes, a annoncé hier le gouvernement de Justin Trudeau. Le nouveau système, loin de faire l’unanimité, est cependant un pas dans la bonne direction, estiment les environnementalistes.

En quoi consiste l’annonce d’hier ?

Le gouvernement fédéral a confirmé qu’il imposerait une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre dans les quatre provinces qui n’ont pas déjà mis en place un système de lutte contre le réchauffement climatique, soit l’Ontario, la Saskatchewan, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick.

« À partir de l’an prochain, on ne pourra plus polluer gratuitement au Canada », a dit le premier ministre Justin Trudeau lors de l’annonce.

Il en coûtera d’abord 20 $ en 2019 pour émettre l’équivalent d’une tonne de dioxyde de carbone (CO2). Cette somme sera majorée de 10 $ par année pour atteindre 50 $ en 2022, soit environ 12 cents par litre d’essence.

Le gouvernement espère qu’il réduira ainsi les émissions de gaz à effet de serre au Canada de 50 à 60 millions de tonnes d’ici quatre ans.

Le Québec est donc épargné ?

Bien qu’il dispose déjà d’une bourse du carbone et qu’en théorie, il ne soit pas visé par l’annonce fédérale d’hier, le Québec sera touché de plusieurs façons.

« Les entreprises québécoises, comme les papetières et les cimenteries, qui détiennent des usines dans ces provinces et qui émettent plus de 50 000 tonnes de CO2 par année devront payer une compensation », explique la PDG du Conseil patronal de l’environnement du Québec, Hélène Lauzon.

Le transport de marchandises depuis le Québec vers les provinces assujetties au programme fédéral sera aussi touché par la redevance sur le carburant.

« Lorsqu’elles transporteront des biens en dehors de la province, les entreprises québécoises auront à assumer le coût de la redevance, dit Hélène Lauzon. Et peut-être même lorsqu’elles expédieront des marchandises à l’extérieur du pays. La loi présentée hier est très claire, mais comprendre comment elle s’applique, c’est d’une très grande complexité. On en parle présentement avec les gens de Revenu Canada et on espère bientôt élucider tout ça. »

Les entreprises déplorent surtout de devoir composer avec un système qui n’est pas uniforme d’un océan à l’autre.

« On a une bourse du carbone au Québec, des taxes dans une autre province, et peut-être un autre système hybride ailleurs, une taxe en Colombie-Britannique : sur le plan administratif, c’est coûteux et c’est beaucoup de travail », dit Hélène Lauzon.

Qu’en est-il du transport aérien ?

Le prix des vols qui font escale dans la Ville Reine pourrait aussi être majoré, prévient le Conseil national des lignes aériennes du Canada (CNLAC).

Les transporteurs qui feront le plein en Ontario pourraient devoir payer la taxe fédérale sur le carbone, mais cela n’a pas été confirmé hier, dit Massimo Bergamini, président-directeur général du CNLAC.

« Nous avons l’impression que le gouvernement Trudeau a encore énormément de détails à régler. »

Ottawa prétend que l’impact sur l’économie sera presque nul. Qu’en est-il réellement ?

L’économie canadienne va croître de près de 1,7 % en 2022, estime le fédéral, contre une croissance attendue de 1,8 % si une telle taxe n’avait pas été imposée.

Surtout, le gouvernement se targue de remettre à la population, au moyen de remboursements d’impôt, toutes les recettes qui seront tirées de la taxe carbone. « La plupart des ménages recevront une plus grande somme que ce qu’elles payeront dans le cadre de ce système », a dit hier Justin Trudeau.

Ainsi, Ottawa s’attend à ce que la tarification du carbone coûte environ 560 $ à une famille ontarienne moyenne en 2022. Cette même famille recevra cependant près de 700 $ du fédéral, une somme présentée par le gouvernement comme un « Incitatif à agir pour le climat ».

Les Québécois recevront-ils aussi un chèque d’Ottawa ?

Non. Au Québec, l’argent généré par la bourse du carbone s’accumule plutôt dans le Fonds vert, qui le réinvestit ensuite dans des projets de développement durable.

Des groupes environnementaux comme Équiterre croient toutefois que la province en sort gagnante. « La bourse du carbone a généré depuis sa mise en place en 2014 des revenus totaux de 2,6 milliards qui ont été réinvestis dans l’économie québécoise », dit la directrice des relations gouvernementales du groupe environnementaliste, Annie Bérubé.

« On a un avantage fiscal énorme d’avoir adopté ce système à l’avance, et le Québec continue de pouvoir choisir la façon dont ces revenus sont réinvestis. »

En fin de compte, ce plan atteindra-t-il son objectif de réduire les émissions de gaz à effets de serre au pays ?

« C’est un petit pas, mais ô combien nécessaire, pour le climat », dit Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal.

Le spécialiste des questions environnementales note toutefois que la hausse prévue des prix à la pompe risque peu d’influencer les consommateurs. « En 2022, ça va représenter une somme supplémentaire d’environ 12 cents le litre, dit-il. L’essence varie davantage que ça durant une semaine sans qu’on voie un impact sur la consommation. »

« C’est un geste symbolique, mais c’était mieux que de ne rien faire. »

— Avec l’Agence France-Presse et La Presse canadienne

Québec se dit satisfait

La nouvelle ministre de l’Environnement, MarieChantal Chassé, « apprécie énormément la grande marque de respect du fédéral [qui] reconnaît le programme déjà en place au Québec », le marché du carbone. Ottawa n’impose pas son modèle de taxe sur le carbone ici. Mme Chassé ne voit aucun problème à ce qu’Ottawa verse une compensation aux contribuables des provinces touchées par sa mesure pour le coût que représentera la taxe sur le carbone, alors qu’il ne le fait pas pour les Québécois. Elle dit du même coup qu’elle ne connaît « évidemment pas tous les détails du programme fédéral ». Les revenus tirés du marché du carbone au Québec vont dans le Fonds vert. Les Québécois font des efforts en payant plus cher leur essence, par exemple, et cet argent « est redonné en projets pour protéger l’environnement, ce que les consommateurs désirent grandement », affirme Mme Chassé. Elle a par ailleurs rappelé que son gouvernement voulait revoir le fonctionnement du Fonds vert et réduire le fardeau fiscal des Québécois. 

— Tommy Chouinard, La Presse

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