Un plan de rentrée scolaire inadéquat

Cette lettre s’adresse au premier ministre François Legault, aux ministres Christian Dubé et Jean-François Roberge, et aux directeurs de santé publique du Québec et de Montréal, Horacio Arruda et Mylène Drouin

En tant que médecins, scientifiques et parents d’enfants d’âge scolaire, nous sommes déçus du plan de retour à l’école du gouvernement du Québec, divulgué le 10 août 2020. Nous croyons que le plan actuel de la rentrée scolaire est inadéquat et devrait être amélioré. Tel que décrit, le plan de rentrée pourrait mettre les enfants et les enseignants à risque de contracter la COVID-19. De plus, ce plan pourrait mener à des éclosions dans leurs familles et dans leur communauté. Cela pourrait brimer les efforts que nous avons faits collectivement au cours des six derniers mois pour contrer cette pandémie.

Nous croyons que la grande majorité des parents québécois souhaitent voir leurs enfants recommencer l’école en septembre. Cependant, cela doit être fait de façon sécuritaire. Ainsi, l’objectif devrait être d’optimiser l’environnement scolaire pour diminuer le risque de transmission du SRAS-CoV-2 le plus possible. Pour ce faire, le gouvernement devrait méticuleusement revoir le plan de rentrée scolaire et considérer fortement les éléments suivants :

Distanciation physique

La distanciation physique (une séparation d’au moins 1 mètre entre élèves) devrait être établie pour tous les enfants, dans tous les endroits de l’école et à tous les niveaux scolaires. Le plan du gouvernement de ne pas prioriser la distanciation physique dans les classes (certaines ayant plus de 30 élèves) est à l’encontre des recommandations actuelles de plusieurs groupes d’experts. Le nombre d'élèves par classe devrait être réduit le plus possible et les ressources nécessaires devraient être déployées pour ce faire. Le Danemark et la Norvège ont réussi leur rentrée scolaire avec des classes réduites de 12-15 élèves. Les services de garde devront aussi être modifiés pour limiter l’interaction entre enfants de différentes classes.

Le port du couvre-visage dans tous les lieux de l’école 

Plusieurs études menées par des institutions de réputation internationale démontrent l’efficacité du port du masque afin de diminuer la transmission du SRAS-CoV-2. Cependant, le plan de retour à l’école du Québec ne recommande pas le couvre-visage dans les classes, où les élèves passeront la plus grande partie de leur journée à proximité de leurs pairs. En effet, l’Académie américaine de pédiatrie a déclaré que le port du masque devrait être recommandé pour tous les élèves au primaire et au secondaire. Le port du couvre-visage devrait être utilisé le plus souvent possible pour réduire le risque de contagion.

Vérification quotidienne des symptômes de SRAS-CoV-2

Le meilleur moyen de prévenir les éclosions est d’éviter que le virus s’infiltre dans nos écoles. Pour ce faire, les parents, éducateurs et élèves devraient être vigilants à tous les symptômes potentiels d’une infection au SRAS-CoV-2 et devraient rester à la maison s'ils sont présents.

Nous suggérons que les parents remplissent quotidiennement un questionnaire de vérification de symptômes SRAS-CoV-2.

Puisque le taux d’absentéisme risque d’augmenter dû aux nouvelles mesures de précaution, l’école devrait mettre en place des mesures d’apprentissage à domicile. Le gouvernement doit aussi s’assurer d’offrir un soutien aux familles en isolement.

De plus, le Québec devrait envisager une stratégie de dépistage active dans les écoles, et évaluer des approches novatrices telles que l’utilisation de la salive pour le prélèvement et les tests rapides.

Apprentissage en ligne 

Dans le contexte de la pandémie actuelle, le gouvernement devrait mettre à disposition l’option de l'enseignement en ligne à tous les parents qui le souhaitent. Chaque famille devrait avoir le droit de décider si ses enfants fréquenteront l’école cette année. Cela permettrait conséquemment de réduire la taille des classes et d’améliorer la distanciation physique.

Qualité de l’air/ventilation

Plusieurs écoles au Québec occupent de vieux immeubles qui sont surpeuplés d'élèves. Ainsi, un effort devrait être fait pour optimiser la qualité de l’air et les systèmes de ventilation dans toutes les écoles. Les systèmes de ventilation devraient être évalués et mis à jour, tel que requis, dans les plus brefs délais. Entre-temps, des solutions simples pour améliorer la ventilation devraient être recommandées (ex. : ouvrir les fenêtres, donner des cours à l’extérieur, etc.).

D'après l’expérience de plusieurs pays du monde (ex. : Norvège, Corée du Sud), on comprend que le retour en classe peut se faire de façon sécuritaire si les mesures appropriées sont mises en place. Toutefois, dans d’autres pays (ex. : Israël), la réouverture des écoles a mené à des éclosions importantes et une vague d’infection dans la communauté, démontrant que la réouverture des écoles peut entraîner des effets néfastes.

Puisque c’est impossible de prédire de façon définitive l’impact de la réouverture de nos écoles, vaut mieux agir avec prudence. Le plan actuel de réouverture des écoles ne tient pas suffisamment compte des recommandations en matière de prévention des infections reconnues par la communauté scientifique et médicale pour minimiser les éclosions dans le milieu scolaire. Cela pourrait compromettre la santé de nos enfants, des enseignants, de leurs familles et de leurs communautés. Nous souhaitons que le plan actuel soit réévalué et rectifié pour nous assurer d’une rentrée scolaire plus sécuritaire pour tous.

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