Opinion Mia Homsy

Le faux débat du remboursement de la dette du Québec

Y a-t-il un conseiller financier qui vous a récemment recommandé de retirer de l’argent de vos placements personnels pour accélérer le remboursement de votre hypothèque ou de votre marge de crédit pour mieux vous préparer au cycle baissier de la Bourse ? Ça m’étonnerait.

C’est pourtant ce que le gouvernement vient de faire en accélérant le remboursement de la dette à partir de ses économies (plus précisément, à partir des sommes accumulées dans le Fonds des générations – FDG). Paradoxalement, les analystes et les économistes des institutions financières ont été les premiers à applaudir à cette annonce, alors que d’autres, comme Force Jeunesse, une association qui représente les jeunes, l’ont vivement décriée.

La stratégie financière du nouveau gouvernement

Dans sa mise à jour économique, le gouvernement a confirmé qu’il puiserait 8 milliards dès cette année et 2 milliards l’an prochain pour rembourser une partie des sommes qu’il doit emprunter sur les marchés. Les libéraux avaient déjà annoncé qu’ils commenceraient à rembourser 10 milliards de la dette, mais sur cinq ans plutôt que sur deux ans.

Le nouveau gouvernement, tout comme ses prédécesseurs, a invoqué le risque de baisse des marchés pour justifier sa décision de puiser dans le FDG (est-ce vraiment le rôle du gouvernement de faire de la spéculation financière, ou est-ce plutôt celui de la Caisse de dépôt qui gère le FDG ?). Il s’est toutefois bien gardé de parler du butin dont il privait les contribuables.

Payer la dette plus rapidement comporte un avantage : celui de diminuer les risques de pertes si les marchés devaient s’effondrer. Cela permet de réduire du même coup les risques tant financiers que politiques. Il en résulte également des économies en paiements d’intérêt de quelque 300 millions par année (1,8 milliard sur cinq ans).

Par contre, ce qu’on dit moins, c’est qu’il y a un revers à la médaille : en retirant de l’argent du FDG pour rembourser la dette, on se prive de rendements qui pourraient être supérieurs aux coûts des emprunts gouvernementaux, comme ce fut généralement le cas par le passé.

Le FDG est alimenté par des versements qui lui sont dédiés, mais aussi par le réinvestissement des intérêts de placement. C’est justement cette stratégie, qui consiste à faire grossir le butin grâce aux revenus des placements, qui a permis d’accumuler près de 13 milliards dans le FDG depuis 2006. Le ministère des Finances du Québec avait lui-même calculé dans le rapport préélectoral du mois d’août qu’en remboursant 10 milliards plus rapidement (sur cinq ans), le gouvernement se privait de 1,9 milliard de revenus de placement sur cinq ans.

Changer quatre trente sous POUR UNE PIASTRE

Comme le FDG est déjà inclus dans le calcul du poids de la dette nette du Québec, rembourser la dette brute avec une partie des milliards accumulés dans le FDG ne change strictement rien au poids de la dette publique du Québec.

Sur la question du rendement, à moins de pouvoir prédire les rendements futurs des marchés financiers, personne n’est réellement en mesure de savoir si la décision de rembourser 10 milliards de la dette, plutôt que de laisser cette somme fructifier dans le Fonds des générations (FDG), est la bonne.

C’est impossible d’affirmer avec assurance laquelle des options s’avérera la plus bénéfique pour les contribuables. Tout ce qu’on sait, c’est qu’entre ces deux stratégies financières, l’écart est mince et incertain.

C’est un débat technique sans grand enjeu. Le choix de l’approche relève davantage du degré d’aversion pour le risque de chacun que du débat d’idées.

Là où il y a réellement matière à débattre, c’est sur l’usage futur des sommes qui restent dans le FDG.

Le vrai débat

Dans un passé pas si lointain, la CAQ proposait d’utiliser les sommes du FDG pour soutenir les entreprises québécoises. Maintenant que l’économie se porte bien, que les surplus sont au rendez-vous et que la réserve de stabilisation créée par les libéraux s’élève à près de 8 milliards, cette tentation semble disparue. Et c’est tant mieux.

Le ministère des Finances anticipe toutefois un ralentissement de l’économie – conforme aux taux de croissance de long terme – au cours des prochaines années. Donner suite aux coûteux engagements électoraux sans retomber en déficit sera alors beaucoup plus complexe. C’est à ce moment-là que les tentations passées de piger dans le FDG (ou la réserve de stabilisation) pour payer les dépenses courantes pourraient resurgir.

Le défi du ministre des Finances sera alors de s’assurer que la vocation du FDG n’est pas modifiée et que la réserve ne sert qu’à financer des dépenses ponctuelles. C’est dans le prochain budget qu’il devra nous rassurer sur sa détermination à demeurer sur la voie de la prudence malgré les vents contraires qui pourraient se lever.

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