Opinion : Développement international

Le Canada est-il vraiment de retour ?

L’accord de libre-échange États-Unis–Mexique–Canada étant maintenant réglé, le gouvernement Trudeau reviendra-t-il enfin aux engagements pris sur la lutte contre la pauvreté et les changements climatiques ?

Le Canada a ratifié en novembre 2015 l’Agenda 2030 des Nations unies visant une croissance économique pour tous et l’élimination de la faim et de la pauvreté extrême, une plus grande justice sociale ainsi que la protection de l’environnement partout sur la planète, y compris au Canada. Peu après, en décembre 2015, le Canada s'est joint à l’Accord de Paris sur la lutte contre les changements climatiques pour limiter le réchauffement de la planète à moins de 2 degrés.

Un rapport dévastateur

Mais en avril dernier, le Vérificateur général du Canada a produit un rapport dévastateur qui dénonçait le manque flagrant de leadership du gouvernement fédéral et l’absence de plan concret pour la mise en œuvre de l’Agenda 2030, en particulier le manque de coordination et de suivi des divers ministères. Peu après, la société civile canadienne, par la voix du Conseil de coopération internationale de la Colombie-Britannique, a énoncé le même verdict de manque de coordination et de suivi de l’engagement du Canada, en particulier avec les partenaires de la société civile.

Pourtant, en juin 2017, la ministre Marie-Claude Bibeau a lancé la nouvelle politique d’aide internationale féministe qui présente la promotion de l’égalité des sexes et le renforcement du pouvoir des femmes et des filles comme le moyen le plus efficace pour réduire la pauvreté et favoriser une croissance économique pour tous. Cela représente un défi particulier en Afrique sub-saharienne dont un tiers des pays ont enregistré une baisse de revenus de 40 % des populations les plus pauvres, la seule région au monde dans cette situation selon un récent rapport de la Banque mondiale. Les femmes africaines peuvent faire une différence, mais elles ont besoin d’appuis financiers et autres beaucoup plus importants pour soutenir leurs efforts dans les domaines sociaux, économiques et environnementaux ainsi que pour la reconnaissance de leurs droits. Une promotion théorique du principe d’égalité n’est pas suffisante.

Le gouvernement Trudeau devrait mettre l’Afrique comme priorité centrale de son programme d’aide internationale et exercer un leadership fort auprès des pays de la région et de la communauté internationale pour que des mesures concrètes soient prises en vue d’améliorer la situation des plus pauvres et des plus vulnérables, dans l’immédiat et à plus long terme. Il pourrait aussi appuyer des partenariats efficaces entre les sociétés civiles locales et celles du Canada pour des actions visant un développement local durable, équitable et juste.

Le Canada a déjà été reconnu comme un leader dans ce domaine. Pourtant, nous sommes maintenant parmi les derniers des pays de l’OCDE en n’y accordant que 0,28 % de notre PIB.

Le gouvernement Trudeau a-t-il vraiment l’intention de reprendre ce leadership en y mettant les ressources qui feront vraiment une différence ?

Pipelines et cohérence

Sur les changements climatiques, on peut se demander si effectivement le Canada peut se présenter en modèle international, en construisant plus de pipelines pour les sables bitumineux. La Commissaire fédérale à l’environnement et au développement durable et ses collègues des provinces ont d’ailleurs noté en mars dernier la piètre performance du Canada à rencontrer nos objectifs de limiter la production de gaz à effet de serre.

Même si notre premier ministre nous dit que la protection de l’environnement et le développement de l’économie vont de pair, nous pouvons rester incrédules face à l’évidence actuelle des effets du réchauffement du climat. Et les experts le disent, ce sont les populations les plus pauvres qui souffrent les premières des changements climatiques et qui tentent de migrer vers l’Europe ou l’Amérique du Nord.

On est malheureusement obligé de conclure que le Canada « n’est pas de retour » sur la scène internationale. Face à la montée des populismes, le monde a besoin d’un leadership fort du Canada pour promouvoir un plus grand humanisme et faire face aux défis de la protection de l’environnement et de l’adaptation aux changements climatiques.

* Cosignataires :

Mario Renaud, Robert Letendre, Nicole Saint-Martin, Nigel Martin, Yves Pétillon et Pierre Véronneau, membres du Groupe de réflexion en développement international et coopération (GREDIC), formé d’anciens directeurs généraux d’organismes de coopération internationale et de l’Agence canadienne de développement international. Le GREDIC est associé à l'Observatoire canadien sur les crises et l'aide humanitaire (OCCAH) de l'UQAM.

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