Opinion

La vie privée existe-t-elle encore ?

En 2018, est-ce un leurre d’utiliser l’expression « vie privée » ? N’est-elle pas déjà tellement malmenée ? Depuis longtemps, prenons l’exemple des cartes de crédit, débit, points bonis, des téléphones intelligents ou même des caméras partout dans la ville. Il y a une ingérence omniprésente et impudique dans nos vies. Tout peut être su, vu, analysé et retracé. Même l’ermite qui résiste subit cette intrusion à son insu. Une des options sera-t-elle d’adhérer à un service de messagerie ultra-sécurisée et cryptée comme Proton Mail, basé en Suisse ?

C’est bien évidemment le cas avec tous les réseaux sociaux et en particulier avec Facebook. Tout membre de la confrérie FB qui fait acte d’allégeance (sans bien tout comprendre d’ailleurs) cède une partie de son anonymat et s’expose lourdement. D’où l’importance de l’utiliser avec parcimonie et discernement. Tout est stocké, ad vitam aeternam. C’est un sujet que j’aborde fréquemment avec mes enfants qui seront les utilisateurs de demain… Pas le droit aux conneries qui resteront indélébiles ! C’était quand même plus simple avant…

Ce préambule établi, je m’interroge sur l’étonnement de certains médias concernant l’affaire Cambridge Analytica. Sommes-nous si naïfs ? Facebook est sans aucun doute la pointe de l’iceberg. La porosité du Net est notoire et les exemples de fuites importantes sont nombreux : grandes chaînes commerciales, banques, institutions gouvernementales, etc. Rien n’est gratuit et à la moindre application que nous téléchargeons, nous cédons nos données et nos droits. Nous louangeons les super algorithmes, mais ils se retournent aussi contre nous en nous imposant des choix et en nous manipulant. 

Il y a lieu de s’insurger, bien sûr, mais pas de jouer à l’« étonné(e) ». Pas en 2018 !

Pas dupes

Pourquoi M. Zuckerberg conserve-t-il toutes nos données alors qu’il s’agit d’un réseau social ?

Je ne crois absolument pas à son attitude navrée ni à son honnêteté candide face à cette crise. Il y a des situations où il est trop facile de dire combien on est désolé. Y a-t-il eu tromperie, manque d’éthique, fausse représentation ? Ce PDG milliardaire est-il entièrement responsable de la situation ? On est en droit de se poser la question.

Malgré son air d’ado repenti, ne soyons pas dupes ! M. Zuckerberg est très malin, intelligent et maîtrise savamment le jeu. Rappelons-nous ses débuts à Harvard et la façon dont il a écarté les frères Winklevoss pour finalement s’approprier l’idée de départ et faire cavalier seul. Il avait sans doute déjà compris que cette idée brillante et idéaliste serait un moyen de dominer. Avec 2,5 milliards d’utilisateurs de Facebook, Zuckerberg augmente sa valeur et son pouvoir en échange d’une collection gigantesque de données personnelles.

Les projets de Zuckerberg

Chaque année, Mark Zuckerberg se lance un défi comme apprendre le chinois ou encore lire 25 livres en 12 mois. Celui de 2017 était de visiter tous les États américains afin de comprendre les gens de son pays. La machine à rumeurs s’est aussitôt emballée : le PDG de Facebook lorgnerait-il la présidence américaine ? Il est vrai que tout cela avait des allures d’ambitions politiques. Facebook lui offre même les moyens de préparer le terrain, en amont.

Étrangement, selon le magazine Forbes en avril 2016, « Facebook aurait transmis un document aux autorités financières américaines officialisant la possibilité que Mark Zuckerberg puisse occuper un rôle au sein du gouvernement sans perdre le contrôle de son entreprise ». Donald Trump aurait apprécié ! Étrange mon cher Watson, n’est-ce pas ?

Il est évident et même impératif d’encadrer, de légiférer et de réglementer Facebook et tous les autres réseaux sociaux. 

Le Canada accuse un retard sur la protection de la vie privée par rapport à d’autres pays, entre autres la France. Malgré son soi-disant désir d’obtempérer pour apaiser la vague de ce scandale, je doute fortement que M. Zuckerberg accepte de s’autoréglementer. Il a un tel pouvoir entre les mains, dont celui de contrôler nos perceptions. Et comme l’évoque si bien l’éditorialiste en chef François Cardinal dans La Presse+ : Ne pas. Lui faire. Confiance.

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