NÄAK

DES SPORTIFS ET DES GRILLONS

Chaque semaine cet été, Marie-Claude Lortie nous présente une entreprise innovante dans le secteur de l’agroalimentaire au Québec. 

Pourquoi cette entreprise ?

Parce que travailler avec la farine de grillon, une protéine alternative écologiquement hyper sensée, mais difficile à vendre vu les préjugés culturels contre les insectes, est un défi de l’avenir.

Les produits

Ces barres Näak ont été mises au point par des sportifs de type extrême, qui aiment bien les sports non traditionnels, en commençant par le triathlon – la course sur piste, très peu pour eux, ils préfèrent courir dans les forêts avec plein de dénivelé. Français d’origine, ils se sont qualifiés en 2015 pour le championnat mondial de triathlon et cherchaient alors de quoi se nourrir écologiquement pendant leurs entraînements. Quelque chose de bien énergétique, mais aussi de responsable d’un point de vue environnemental. C’est là que les amis ont constaté qu’il y avait de la place pour de tels produits sur le marché et que la possibilité de travailler avec la farine de grillon s’est imposée. Ces petites bêtes prennent 2000 fois moins d’eau que le bœuf pour la même quantité de protéines et produisent 100 fois moins de gaz à effet de serre… Cette farine est très riche en vitamine B12, en calcium. Le produit a d’abord été mis au point dans une cuisine, testé auprès des copains, vendu en ligne, fabriqué à la mitaine. C’est après en avoir vendu 4000 unités, entre mai et octobre 2016, que les gars ont décidé de se lancer dans la production de masse. Les barres Näak coûtent aujourd’hui 3,29 $ l’unité et il en existe quatre variantes : choco-bananes, choco-orange, coco-macadamia et framboise-abricot. On les trouve d ans les Avril, Tau, Rachelle-Béry, MEC, Sports Experts et compagnie, donc surtout des épiceries de produits naturels ou des boutiques de produits sportifs. Évidemment, les gens de Näak aimeraient être dans les dépanneurs aussi et sont ravis que Circle K ait accepté de tester leurs produits dans quelques commerces de la chaîne en Ontario.

Les gens

L’entreprise, qui compte quatre employés à temps plein et deux à temps partiel, a été mise sur pied par trois partenaires, mais l’un d’eux est parti depuis. Il reste William Walcker, 28 ans, Bourguignon issu d’une famille d’entrepreneurs, et Minh-Anh Pham, 31 ans, du sud de la France. Les deux ont fait des écoles de gestion et de commerce, à Lyon et à Sherbrooke notamment, et se sont connus alors qu’ils travaillaient chez Groupon. Leurs produits sont fabriqués par la société Nutri-France, à Saint-Jean, spécialisée dans la pâte à muffins congelée ! « Ils ont cru en nous dès le début », dit William Walcker. La recette des barres a été mise au point au départ avec l’aide du chef Louis-Philippe Breton, du Pastaga. L’entreprise appartient à William et Minh. Plusieurs acteurs leur ont prêté des fonds, dont la BDC, Futurpreneur Canada, la Fondation Montréal inc., PME Montréal.

Les défis

Le défi premier est évident : faire accepter l’idée de manger des grillons. Ceux-ci sont réduits en poudre fine, et on ne goûte rien de particulier, à part peut-être une subtile amertume, mais l’idée est culturellement difficile à accepter dans les pays du Nord, où on ne mange pas les insectes traditionnellement. (C’est courant dans des dizaines de pays du Sud, en Afrique, en Amérique latine et en Asie.) C’est d’autant plus difficile que ces barres énergétiques sont toutes, de façon générale, conçues plus en fonction des apports nutritionnels que de la gourmandise des clients. « Donc, on a changé nos recettes pour qu’elles soient plus gourmandes », souligne William Walcker. Le but étant d’abord et avant tout de démocratiser et de faire connaître la farine de grillon, l’entreprise a donc opté pour une approche un peu moins nutritionniste qui rapproche la barre du biscuit tendre sucré aux dattes et au sirop d’érable. Les réactions de la clientèle varient beaucoup, explique William. Dans l’Ouest, par exemple, « on a eu beaucoup moins de ark ! ». Les gars font beaucoup de dégustations et de marketing direct dans les événements sportifs et ils comptent sur l’aide de nombreux athlètes porte-parole.

L’avenir

« Les mentalités évoluent vite. Même depuis nos débuts, il y a deux ans, on a vu une différence », souligne William Walcker, qui a espoir de voir leurs marchés s’agrandir. « On a fait pour 60 000 $ de ventes la première année et 250 000 $ la deuxième. » « Et il y a encore tout à faire dans le reste du Canada, où on est vendus seulement dans une trentaine de magasins. » L’entreprise n’est pas encore rentable, mais c’est l’objectif avant la fin de 2018.

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