Série

Quand les lieux réinventent la ville

Une flopée de lieux d’un nouveau genre, innovants et fédérateurs, réinventent Montréal et redynamisent le quartier où ils s’installent. La Presse+ dresse cet été un petit état des lieux non exhaustif…

Lieux urbains

Paradoxe City

Prenez une entreprise d’économie sociale qui se spécialise dans l’insertion des jeunes en difficulté. Ajoutez des besoins de locaux et une église à vendre. Vous obtiendrez le Théâtre Paradoxe, dans Ville-Émard.

Lauréat du grand prix « Redonner vie » 2017 de l’Opération patrimoine de Montréal, ce théâtre doit son existence à Gérald St-Georges, 54 ans, fondateur et directeur du Groupe Paradoxe, qui a acheté l’église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, en 2013, pour une bouchée de pain.

Une bouchée de pain, certes. Mais les rénovations (3 millions) ont été réalisées sans la moindre subvention. Tout était à refaire : plomberie, électricité, toilettes, toiture, monte-charge… « C’est plus coûteux qu’on pensait. Mais la population est super contente », assure M. St-Georges.

Que font les jeunes en difficulté dans cette église ? Ils apprennent les métiers de la scène : son, éclairage, tournage, montage, postproduction… La formation est rémunérée et basée sur des situations réelles de travail dans une vraie salle de spectacle. Taux de succès : 89 %.

Des salles de formation ont été aménagées au sous-sol pour accueillir les 30 jeunes admis chaque année. Certaines contiennent de l’équipement audiovisuel. D’autres, des tables, des chaises et des ordis. Tous les pieds carrés de l’ancienne église sont utilisés.

Les architectes Rayside Labossière ont conservé les vitraux, les boiseries et les confessionnaux. Mais ils ont éliminé les bancs pour dégager la nef qui peut accueillir jusqu’à 850 personnes. Deux bars, un au rez-de-chaussée, l’autre à la mezzanine, ont été réalisés avec des bancs d’église recyclés.

Le théâtre sert notamment de plateau de tournage pour l’émission Y’a du monde à messe, animée par Christian Bégin, à Télé-Québec. On y célèbre aussi des mariages. On organise des cocktails et on y donne des spectacles, des cours du yoga, de Pilates et de zumba.

La sacristie a été transformée en loges : petites et grandes, dont certaines avec toilette et douche. Plusieurs artistes ont laissé des signatures et des messages sur les murs blancs, en guise de souvenir.

L’acoustique de la salle est top. « Angèle Dubeau, en concert ici avec La Pietà, a dit que c’était la meilleure salle pour le son, après la Maison symphonique », assure M. St-Georges.

Fondé il y a 21 ans, le Groupe Paradoxe tire 55 % de ses revenus d’Emploi-Québec. Le reste (45 %) de son financement provient de fonds autogénérés. Le Théâtre, lui, est autonome à 100 % et ne reçoit aucune subvention. Une campagne de financement sur trois ans est en cours depuis l’an dernier. Objectif : 3 millions de dollars.

« Chaque fois qu’une personne loue la salle ou achète un billet, elle encourage un jeune, dit M. St-Georges, qui ne regrette pas une seconde son aventure. « Ce n’est pas toujours facile, loin de là. Mais je me dis que ça fait quand même 21 ans que je ne rentre pas travailler ! C’est un gros plus, même si c’est un gros défi. »

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