France

Des vélos qui dépassent les bornes 

À Paris, c’est l’invasion des vélos en libre-service sans ancrage. Pour le meilleur et pour le pire…

PARIS — Ils sont de couleur jaune serin, orange fluo, vert lime. Ils se nomment Ofo, oBike ou Gobee Bike. Et depuis quelques mois, ils sont partout à Paris.

Si vous êtes venu récemment dans la capitale française, vous les avez sans doute remarqués. Garés n’importe où sur les trottoirs, ils sont impossibles à rater, tant par leurs couleurs criardes que par leur stationnement anarchique.

De prime abord, cela a tout d’une bonne nouvelle, puisque ces nouveaux vélos en libre-service offrent une souplesse que le bon vieux Vélib’, équivalent parisien du BIXI montréalais, n’avait pas.

Disponibles au bout d’un clic, ils fonctionnent à l’aide d’une application pour téléphone intelligent. Pour le libérer, il suffit de balayer le code-barre du vélo que vous aurez préalablement géolocalisé. Le tarif oscille entre 0,50 et 1 euro la demi-heure (caution non comprise, qui est d’ailleurs minime : à peine 5 euros pour oBike, inexistante chez Ofo).

Une fois votre course terminée, vous laissez l’engin où vous voulez. Car, contrairement au vélo en libre-service traditionnel, ces nouveaux vélos ne sont ancrés à aucune borne. C’est ce qu’on appelle le free floating, le dockless ou, si vous préférez, le « vélo-partage sans station d’ancrage ».

Le compteur s’arrête au moment où vous réactivez le cadenas intégré.

Quel bordel !

Les Parisiens semblent avoir rapidement adopté ces bicyclettes ultra-flexibles. Il faut dire que ces dernières ont largement profité des cafouillages du nouveau Vélib’, qui a changé d’opérateur, et qui connaît actuellement des ratés dans sa réimplantation parisienne. « J’en avais marre d’attendre, alors je suis passée à Ofo », lance Lucie, ancienne utilisatrice du Vélib’, montée sur sa bécane jaune. En un sens, c’est plus simple. »

Plus simple, oui, mais quel bordel !

Comme si Paris n’était pas déjà assez chaotique, ces nouvelles entreprises originaires de Pékin, Hong Kong ou Singapour donnent à la capitale française une impression supplémentaire de désordre, leurs vélos étant généralement garés n’importe où, voire n’importe comment.

La Mairie espère remédier au plus vite à ce problème, envisageant d’exiger une redevance de l’occupation de l’espace public, dont les recettes pourraient servir à développer des aires de stationnement.

Il est aussi question que les usagers soient responsabilisés par un système de points – qui leur seraient retirés s’ils ne garent pas le vélo correctement. On parle même d’une « Charte de bonne conduite ». Mais rien de trop contraignant, comprend-on, puisque la Ville ne posséderait que peu de leviers légaux pour encadrer cette invasion.

On ajoutera, petit détail, que ces vélos sont de piètre qualité. S’ils vous mènent du point A au point B, ces low-cost de la bicyclette sont aussi très bas de gamme, offrant un dépannage plutôt qu’un moyen de transport digne de ce nom. « Nos vélos sont faits pour parcourir des trajets inférieurs à 10 minutes » avouait récemment le directeur d’oBike-France, Alban Sayag, au journal Le Monde.

Bref, beau et pas cher… mais pas trop bon.

Et ici ?

Paris n’est pas le seul endroit où ces nouveaux acteurs jouent du coude. Outre de grandes villes d’Asie, on les trouve aussi à Lyon, Londres, Manchester, San Francisco… La société Ofo, établie à Pékin, se targue notamment d’être présente dans 200 centres urbains.

Au Québec, la Ville de Westmount a lancé en août dernier un projet pilote avec la société torontoise Dropbike, aussi présente à Kingston. Les vélos devaient obligatoirement être garés sur le trottoir, dans une aire délimitée à cette fin. Selon le directeur général de la Ville, Benoît Hurtubise, il est « probable » que Westmount reconduira l’expérience l’été prochain, bien que la décision ne soit pas encore prise.

De son côté, la Ville de Montréal n’a pas caché son inquiétude devant ce phénomène en expansion.

Il y a un an, le porte-parole de la métropole, Philippe Sabourin, confiait à La Presse que la Ville était « outillée » pour intervenir rapidement, si ce système de vélos « parasites » devait faire son apparition dans l’île. « Différents règlements pourraient trouver une application », avait-il alors déclaré.

Même préoccupation chez BIXI Montréal, où l’on ne voit pas d’un très bon œil l’arrivée de ce concurrent potentiel. Dans le même article, la porte-parole de l’organisme, Bérengère Thériault, avait notamment dénoncé la « maintenance inexistante » et les « problèmes évidents de logistique » causés par ces nouveaux vélos.

Mais peut-être ne faut-il pas s’inquiéter. Dans certaines villes d’Europe, comme Bruxelles, Lille et Reims, la sélection naturelle a déjà fait son œuvre : trois mois après son implantation, la compagnie Gobee a plié bagage.

Raisons invoquées : le « vandalisme » et les « dégâts causés à la flotte »…

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.