Société

Deux ouvrages pour parler du racisme

Pour les plus grands

« Voilà ce qu’il faut que tu saches : en Amérique, la destruction du corps noir est une tradition – un héritage. Je ne voudrais pas que tu te couches dans un rêve. » Dans ce récit coup-de-poing, Ta-Nehisi Coates raconte à son fils – qui vit avec lui à Harlem – les difficultés d’être noir en Amérique encore aujourd’hui. Même si le pays a élu – et réélu – un président noir et en a officiellement terminé avec la ségrégation, l’égalité des droits pour tous n’est encore qu’un rêve, explique-t-il à son fils, expériences et faits à l’appui. C’est dur, très dur, mais terriblement nécessaire. En cela, ce n’est pas sans rappeler la série documentaire présentée sur Netflix, When They See Us, fort bon complément ou prologue à cette lecture.

Une colère noire

Ta-Nehisi Coates

Éditions Autrement

2016 (pour la version française)

Pour les adolescents

De A à Z, d’Alien à Zoo, cet ouvrage survole en 60 mots autant de facettes du racisme pour mieux démontrer l’ampleur et l’omniprésence du problème. L’ouvrage plaira aux adolescents qui souhaitent explorer la question du racisme, au-delà des principes de base enseignés à l’école. La mise en page est colorée, les textes sont concis, néanmoins instructifs, avec des suggestions de lectures et de films à consulter pour pousser la réflexion plus loin sur chacun des thèmes abordés. Un premier ouvrage de référence pour les 9 ans et plus.

Les mots indispensables pour parler du racisme

Alexandre Messager

Éditions Syros

2013

Société

À l’ aide,
mon meilleur ami
est raciste !

Le président Donald Trump tient régulièrement des propos controversés, mais, parfois, c’est un ami, un collègue ou un partenaire qui dérape. Et il est délicat de réagir, que ce soit sur les réseaux sociaux ou en personne. Trucs et conseils afin de vous guider dans d’épineuses situations où vous faites face à des commentaires à caractère raciste.

Un ami laisse échapper un commentaire raciste. Faut-il le reprendre ?

Il est plus facile de critiquer un politicien qui n’entendra jamais nos griefs que de le faire auprès d’un ami, d’un amoureux ou d’un collègue, c’est vrai. « Mais il ne faut pas se taire, insiste Michèle Vatz Laaroussi, professeure à l’Université de Sherbrooke, spécialisée en médiation interculturelle. Si l’on ne réagit pas, on légitime quelque part les propos de la personne. » Pire, cela pourrait l’encourager à recommencer. « La personne se dit : ‟Tiens, je ne suis pas toute seule à penser comme ça”, et elle est plus susceptible de répéter ses propos », dit Mme Vatz Laaroussi.

Comment réagir avec les enfants qui tiennent de tels propos ?

Il est d’autant plus important de répliquer, explique Micheline Labelle, professeure de sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et auteure de plusieurs ouvrages sur la question du racisme. « C’est notre rôle éducatif de parent qui s’impose. Est-ce qu’on accepterait qu’un enfant de 10 ans dise que toutes les filles sont des imbéciles ? Non. Il y a une intervention à faire. On est responsable. »

Est-il possible de dire à une personne raciste qu’elle est raciste ?

Le racisme est basé essentiellement sur l’idée qu’il y a un lien entre les attributs physiques et les attributs intellectuels ou moraux d’un groupe, relève Micheline Labelle. C’est cette généralisation erronée qu’il faut dénoncer. « Il faut dire à la personne : “Attention, vous faites une généralisation”, conseille Micheline Labelle. Vous pouvez trouver quelqu’un d’un groupe donné qui est caractérisé d’une certaine manière, mais vous ne pouvez pas affirmer que tout le groupe a ces mêmes caractéristiques. »

Avons-nous toujours besoin d’employer le mot « raciste » ?

Non. Cette étiquette est probablement l’une des plus négatives dans la société, remarque Luc Faucher, professeur au département de philosophie de l’UQAM et auteur de plusieurs articles sur la question du racisme. « C’est presque aussi fort que de dire à quelqu’un qu’il est un terroriste : on lui dit que son comportement est inacceptable, extrêmement négatif. » Dans certains cas, l’utilisation du mot aura pour seul effet de choquer la personne, qui se défendra haut et fort d’avoir des intentions haineuses, sans reconnaître qu’elle approuve des politiques ou des discours discriminatoires… « On risque parfois de se perdre en discussions sur le sens du mot “raciste” », prévient Luc Faucher. Cela dit, si la personne démontre plus d’écoute, il faudra l’utiliser pour mieux démontrer la portée des propos discriminatoires.

Comment se comporter sur les réseaux sociaux ?

Certes, on peut très facilement rompre le lien d’amitié sur Facebook avec un « ami ». Mais la personne ne s’en rendra peut-être même pas compte et elle ne fera pas nécessairement le lien avec les propos déplacés. « Sans être agressif, cela vaut la peine de mentionner à la personne notre position et de lui faire comprendre l’idéologie sous-jacente à ses propos. Des fois, ça marche, d’autres fois non, mais ça vaut la peine d’essayer », croit Michèle Vatz Laaroussi.

Mon ami réplique qu’il n’est pas raciste puisqu’il a un ami noir : on oublie tout ?

C’est une excuse classique. Mais ce n’est pas une excuse valable, note Micheline Labelle. « C’est mal vu d’être raciste, alors on cherche une façon de s’excuser. Mais l’un n’empêche pas l’autre : un homme peut être sexiste et bien aimer sa femme », lance l’experte. « C’est un réflexe de protection. Mais je pense qu’il faut se méfier de quelqu’un qui se justifie ainsi, dit Lilian Thuram, ex-footballeur professionnel français qui a créé une fondation à son nom vouée à l’éducation contre le racisme. Si son ami est bien son ami, il ne devrait pas le catégoriser, ne pas remarquer qu’il est noir. » C’est son ami, point.

Peut-on tenir des propos racistes sans être raciste ?

On peut sans doute avoir des propos de racisme ordinaire sans porter toute l’idéologie raciste, mais c’est quand même cette idéologie-là qu’on reflète, note Michèle Vatz Laaroussi. « Beaucoup de gens ont des propos racistes et ne le savent pas, remarque Lilian Thuram. Il faut que les gens prennent conscience qu’être blanc ou noir, ce n’est pas la même chose dans notre société actuelle. » Selon Luc Faucher, la population a aussi plus de mal à reconnaître le racisme maintenant que la ségrégation a disparu. « Les gens vont dire que s’il y a des inégalités sociales, les victimes n’ont qu’à s’en prendre à elles-mêmes puisqu’il n’y a plus de ségrégation explicite. […] Sans reconnaître qu’un groupe qui a été exploité, négligé, maintenu dans des conditions perdantes dans le passé est en arrière sur la ligne de départ dans la société. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.