Le retour à la bière… et au hockey

Les leçons d’affaires d’Eric Molson

Dans son livre Le retour à la bière… et au hockey, la coach en leadership Helen Antoniou raconte l’histoire de son beau-père, Eric Molson. Et elle en tire, avec son conjoint Andrew, de grandes leçons d’affaires. En voici cinq.

Un leader introverti peut être un chef motivant

Eric Molson a été président du conseil de Molson et de Molson Coors de 1988 à 2009. Avocat, il est aussi diplômé en chimie. « Il a un esprit scientifique, dit Helen Antoniou. C’est un homme humble et discret qui écoute, examine et évalue les situations. Il n’aime pas l’affrontement. » Un leader « tranquille » peut-il être un chef motivant ? « Qu’il soit charismatique ou pas, l’important, c’est qu’il ait un objectif clair et de la détermination », dit-elle. Eric Molson avait les deux. Son style plus effacé permettait, quand il le fallait, de laisser la place aux autres et aux idées qui sont plus grandes que lui. « Il avait une bonne connaissance de lui-même et des gens autour de lui, dit Andrew Molson. Et il a su s’entourer des bonnes personnes. »

Intégrer sa passion et sa vision prend du temps

Développer sa passion et la transposer clairement en vision d’entreprise peut prendre une vie. Plus jeune, Eric Molson suivait fidèlement la stratégie portée par ses aînés. Et ce, même si d’autres options lui semblaient plus rentables. À l’époque, la mode était à la diversification. Les Compagnies Molson s’activaient dans la bière, les produits chimiques, les matériaux de construction et le divertissement. « Sa passion a toujours été la bière, dit Helen Antoniou. Ça lui a demandé du temps et du courage pour se recentrer sur sa passion et sur sa vision. Mais quand il a réussi, tout s’est enclenché. » M. Molson a été nommé président du conseil à 51 ans. « Quatre ans plus tard, il a décidé de revenir à la bière et de vendre les autres entreprises », précise son fils Andrew.

Être clair sur ses valeurs

Être responsable et intègre, travailler fort, respecter les autres et tenir parole. « Eric était très clair sur ses valeurs, dit Mme Antoniou. Ça sert l’entreprise, car ça la soutient dans les moments de crise. Quand ça va mal, si nos valeurs sont claires, on peut donner la priorité à ce qui est important. On évite ainsi les pentes glissantes et les problèmes plus grands. » Cette ligne directrice servira à M. Molson à prendre des décisions stratégiques et à survivre aux luttes de clans. Avec son fils Andrew, avocat et diplômé en gouvernance d’entreprise, il a produit en 2002 un document intitulé Les principes de la famille Molson. On y reconnaît l’importance d’un comportement éthique rigoureux. Et on s’engage à préserver la grande tradition familiale. « On s’en sert toujours », précise Andrew Molson.

Décider pour le long terme

Eric Molson a misé sur des stratégies à long terme. C’est ce qui l’a mené, entre autres, vers une fusion d’égaux avec Coors, plutôt que de vendre au plus offrant. Et c’est pourquoi il a refusé d’encaisser un dividende spécial pour conclure la transaction. Avec son frère Stephen, il a plutôt redistribué les 51 millions aux autres actionnaires. « Il l’a fait parce qu’il croyait au futur de l’entreprise, dit Helen Antoniou. Il n’a pas juste pensé à ses gains personnels. » Cette attitude peut s’avérer utile à l’heure où le marché boursier se concentre sur les résultats à court terme. « Un actionnaire actif, engagé et connaissant, qui pense à long terme, c’est bon pour une entreprise, dit Andrew Molson. Mais il ne faut pas que ses décisions causent un arrêt de croissance. »

Communiquer avec les membres de la famille

« La communication était l’un des défis d’Eric », dit Helen Antoniou. Mais il a fait ce qu’il fallait. Molson a été fondée en 1786. Les petits-enfants d’Eric Molson forment la huitième génération. « Il parlait de l’entreprise à ses fils [Andrew, Justin et Geoff], mais il y avait aussi son frère Stephen, ses sœurs, les cousins, etc., ajoute-t-elle. Ça devenait complexe. » Pour informer tous les membres de la famille, il a mis en place des réunions. « C’était la bonne façon de garder le canal de communication, dit-elle. Souvent, les familles ne se parlent pas assez. » Dans son livre, Mme Antoniou ajoute : « Il ne perdit jamais de vue ce qui comptait le plus pour lui : renforcer l’héritage de Molson et léguer à la génération suivante plus que ce qu’il a reçu. »

Ce qu’il faut pour être un bon propriétaire selon Eric Molson ? 

1. Comprendre l’entreprise et la suivre de près ; idéalement siéger au conseil d’administration.

2. S’assurer d’avoir la bonne personne au poste de chef de la direction, la soutenir et ne pas interférer (à moins de graves erreurs).

3. Contribuer à définir la mission de l’entreprise et à approuver les stratégies pour atteindre ses objectifs.

4. Mettre en application les normes les plus élevées d’éthique et d’intégrité en donnant l’exemple (ne pas profiter de sa situation d’actionnaire majoritaire, éviter le népotisme, ne pas accepter des régimes de compensation déraisonnables et injustifiés, etc.).

5. S’assurer que le conseil agit dans l’intérêt de tous les actionnaires, pas seulement de ceux qui exercent le contrôle.

Source : Le retour à la bière… et au hockey – L’histoire d’Eric Molson, par Helen Antoniou

Qui sont Helen Antoniou et Andrew Molson ?

Helen Antoniou est coach en leadership pour dirigeants de sociétés, notamment pour L’Oréal, PWC et BLG (Borden Ladner Gervais). Elle a exercé le droit et elle est diplômée de McGill, Paris II et Harvard. Elle est administratrice bénévole dans les domaines de la santé, de l’éducation et des arts.

Andrew Molson est actionnaire et président du Groupe conseil Res Publica, qui regroupe cinq firmes de conseil en communications au Canada (National), aux États-Unis et en Europe. Il siège au conseil d’administration de Molson Coors. Il est membre de plusieurs conseils, dont la Société en commandite Groupe CH (qu’il possède en majorité avec ses frères Geoff et Justin), propriétaire du Canadien de Montréal. Avocat, il est notamment titulaire d’une maîtrise en gouvernance d’entreprise et en éthique des affaires de l’Université de Londres. Il siège aussi au conseil de plusieurs organismes à but non lucratif.

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