Le courrier de la sommelière

Mon vin sent l’écurie !

La liste des arômes qui peuvent se retrouver dans le vin est longue. Parmi les plus communs, il y a les arômes de fruits, de fleurs, d’épices, de bois, des arômes du monde végétal et d’autres qui évoquent le monde minéral. Puis, il y a toutes ces références au monde animal. Quand notre vin sent l’écurie ou le fumier, y a-t-il lieu de s’inquiéter ?

Dans cette famille d’arômes, on peut retrouver le cuir, la viande rouge crue, le saucisson et le gibier, mais aussi l’écurie, le cheval et son crottin, le fumier… Lorsque ce n’est pas plus explicite !

Je me souviendrai toujours d’un vigneron bourguignon qui s’était exclamé lors d’une dégustation : « Ça sent bon le cul de jument ! »

Comme pour tant de choses qui concernent le vin, parce qu’on parle de goût et aussi de chimie, la réponse n’est jamais simple. Mais voici une tentative d’explication, très simplifiée, basée sur l’expérience de la dégustation et concernant, pour cette fois, les vins rouges.

Des arômes de type animal dans les vins rouges peuvent provenir de plusieurs sources. En ce qui me concerne, en dégustation, je les attribue le plus fréquemment à trois choses : le caractère variétal du cépage, les brettanomyces ou la réduction.

Le caractère variétal

Le caractère variétal du cépage, c’est l’ensemble des arômes qui proviennent du raisin et qui sont propres à chaque variété. Le cabernet sauvignon a souvent des arômes de cassis ; le sauvignon blanc, des arômes d’agrumes. La syrah, quant à elle, présente souvent des odeurs animales : saucisson, viande crue, fumée ou faisandée. C’est sûrement le cépage auquel on associe le plus fréquemment ce type d’arômes. Peu importe le pays ou la région où les raisins sont cultivés, les vins élaborés avec de la syrah peuvent présenter ces odeurs. Ce n’est par contre pas automatique : selon le climat, la nature des sols, les modes de vinification, ces arômes peuvent ou non être présents. Jamais simple, vous ai-je dit…

D’autres cépages présentent aussi des arômes du type animal. Je pense au mourvèdre et au carignan, par exemple. Mais comme ils sont plus rarement vinifiés seuls, ces arômes sont souvent moins évidents.

Les brettanomyces

Pour ce qui est des brettanomyces, souvent simplement appelés bretts, ce sont des levures qui peuvent aussi être source de ce type d’arômes dans le vin. Je vous épargnerai ici les détails chimiques, mais ces levures peuvent modifier certains composés du vin et lui conférer des arômes qui rappellent l’écurie, la sueur ou l’urine de cheval, le fumier.

À petite dose, ils peuvent contribuer à la complexité du vin. À forte dose, ils sont considérés comme néfastes. Bien sûr, il y va de notre tolérance personnelle : certains dégustateurs ne tolèrent pas du tout les bretts, alors que d’autres les apprécient en petite quantité. Avant que ces odeurs soient reliées à l’action des bretts, on les avait d’ailleurs souvent attribuées au terroir.

Et, une fois de plus, ce n’est pas simple. Il existe plusieurs souches de brettanomyces et elles ne travaillent pas toutes de la même façon. Selon le milieu – le taux d’alcool et de sucre du vin, sa température, la maturité du fruit, par exemple – les réactions ne seront pas les mêmes, et le type d’arômes qui en découlent non plus. Par contre, elles concernent presque uniquement les vins rouges.

Pour moi, ce sont en effet des arômes qui rappellent l’écurie, le cheval. D’autres y retrouvent des arômes qui font penser aux sparadraps (Band-Aid).

La réduction

Finalement, la troisième source commune pour ce type d’arômes est ce qu’on appelle la réduction, même si le terme n’est pas tout à fait correct d’un point de vue chimique. Lorsqu’un vin est élaboré en limitant énormément son exposition à l’oxygène, certains arômes de ce type peuvent apparaître. Ce sont essentiellement des composés de soufre ayant des odeurs pouvant aller du chou aux œufs pourris, en passant par l’ail et le caoutchouc brûlé. Mais ce sont aussi parfois des odeurs animales, de type viande faisandée, ou encore des odeurs de renfermé, de moisi. En général, parce que ce n’est pas toujours le cas, mais c’est fréquent, ces arômes peuvent disparaître à l’aération. Mais ça nécessite habituellement plus que de simplement ouvrir la bouteille. Passer le vin en carafe, le plus vigoureusement possible, et même répéter cette action à plusieurs reprises, s’avère parfois nécessaire.

Pour simplifier à l’extrême, et de façon pas du tout scientifique, je dis souvent que si ces arômes disparaissent à l’aération, c’est de la réduction, et que s’ils persistent, c’est de la brett.

Peu importe la source de ces odeurs, elles font partie du grand monde des arômes du vin. Et peu importe l’arôme, s’il domine le vin, ce n’est pas très intéressant. Une des qualités principales du vin est sa complexité et son harmonie aromatique. Même quand ce n’est pas un défaut, comme dans le cas d’un arôme variétal, si on ne sent que ça, le vin est monotone et peu complexe.

Château Mourgues du Grès Galets Rouges, Costières de Nîmes 2016

Issu principalement de syrah, avec grenache et un peu de mourvèdre et de marselan, un croisement entre cabernet sauvignon et grenache. Il a la couleur violacée soutenue de la syrah, ainsi que des notes de bacon, de viande fumée qu’on associe volontiers au cépage. Mais aussi un caractère animal que j’associe plutôt à la réduction. Après un passage en carafe d’une heure ou deux (ou rebouché jusqu’au lendemain), ces arômes disparaissent et laissent toute la place à un éclat fruité aux notes de framboise et de mûre. La bouche est franche, épicée, avec des accents de garrigue, de poivre, et toujours cet éclat fruité et une pointe florale. Un fruit mûr, une acidité fraîche et des tanins modérés mais fermes en font un vin tout indiqué pour la table, avec des côtelettes d’agneau aux herbes, un magret de canard ou des saucisses grillées.

17,55 $, 14,0 % Bio (10259753)

Sclavos Vino de Sasso, Robola de Céphalonie 2016

Un vin de caractère qui nous transporte à Céphalonie, en Grèce. Dans cette île au relief montagneux, le cépage indigène robola, cultivé dans des sols calcaires très pauvres, donne des vins tout à fait uniques. Particulièrement entre les mains d’un vigneron talentueux comme Vladis Sclavos. Jaune soutenu et légèrement trouble, signe ici d’une vinification très naturelle, ce vin offre une richesse et une complexité surprenantes pour un vin qui titre 12,5 %. Le nez se démarque tout de suite avec ses notes fumées. Un fruit mûr, mais restreint, avec des notes de poire jaune et de pomme Russet, mais aussi tout plein d’arômes d’herbes séchées et une minéralité omniprésente. La bouche donne une impression de puissance, mais sans aucune chaleur ou lourdeur. Délicieux avec des fruits de mer.

27,05 $, 12,5 % Bio (non certifié) (12485877)

Nicolas Grosbois La cuisine de ma mère, Chinon 2017

Très beau chinon, au nez parfumé de fruits rouges, framboise surtout, avec des notes de fleurs, de mine de crayon et un caractère végétal noble – pas des notes végétales qui dénotent un fruit pas mûr, genre poivron, mais au contraire issues d’une vendange mûre à point et qui contribuent au parfum et à la complexité du vin. Dans ce cas-ci, ça me rappelle les feuilles d’un framboisier. Et si quelqu’un veut me dire que ça ne sent rien, comme on me l’a dit à propos des feuilles de tomate, il serait temps d’aller renifler dans un jardin ! Bref, un vin sec, franc, savoureux, pas super complexe mais super délicieux, tout en fruit et en fraîcheur, avec un caractère gourmand. Passe-partout à table avec de la charcuterie, un poulet rôti, du chou ou des légumes farcis (aubergines, courgettes, poivrons).

21,65 $, 12,5 % Bio (12782441)

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