OPINION

AIDE MÉDICALE À MOURIR Choisir le moment en toute conscience

La Cour supérieure du Québec entend actuellement un recours sur la question du lien entre « mort imminente » et demande d’aide médicale à mourir.

Cette obligation de mort imminente pose problème. Personne ne sait l’heure exacte de sa mort et pour certaines maladies, le patient peut être cérébralement mort pendant des années avant même que le reste du corps ne meure. 

La loi sur l’aide médicale à mourir est jovialiste. Elle reflète bien notre société qui refuse de voir la mort en face.

Pour avoir droit à cette aide, il faut en faire la demande et la confirmer jusqu’au dernier moment. On désire imaginer un malade ayant vécu une vie bien remplie et qui a eu la chance de vieillir. Sa fin de vie approche, il a préparé tous ses papiers, il a communiqué ses dernières volontés. Il partira en paix avec lui-même et avec les siens. Au bout du chemin, sur son dernier lit, il réitérera sa demande : « Je veux mourir. Je suis prêt, en toute conscience, je vous dis adieu. » Le déroulement d’une fin de vie qui permet à un humain d’être lucide jusqu’aux derniers moments soutenables est plutôt rare. 

Dans les faits (et il serait intéressant d’avoir des statistiques sur ce sujet), c’est parce que presque tous les malades désirent se rendre le plus loin possible, vivre le plus longtemps possible, et parce que ce possible reste inconnu sinon très imprécis que la plupart des mourants deviennent inconscients avant de mourir ; que ce soit à cause de la maladie ou des médicaments offerts en soins palliatifs, il est rare de mourir dans la béatitude, le calme et la pleine conscience. 

Que faire si on se sait atteint de la maladie d’Alzheimer ou d’un glioblastome qui menace notre personnalité, nos souvenirs, nos sentiments, notre caractère, notre conscience ? Pourquoi devrions-nous accepter de vivre en zombie et surtout, pourquoi devrions-nous souffrir de savoir qu’un jour, on nous obligera à survivre dans un tel état ? Qu’est-ce qu’on fait si, se sachant atteint d’une maladie neurodégénérative, on ne souhaite pas survivre à notre esprit ? 

Pour un être qui désire être « libre jusqu’à la fin », cette exigence à demander l’aide médicale à mourir en pleine conscience ne l’oblige-t-elle pas à devancer sa mort ? N’est-ce pas, d’une certaine façon, une incitation au suicide ? 

Rappelons-nous Robin Williams, Pauline Julien et tant d’inconnus qui ne feront jamais les manchettes, mais qui sont partis peut-être trop tôt, peut-être parce que seuls face à leur maladie. L’aide médicale à mourir ne devait-elle pas justement soulager ces êtres sensibles et leur permettre de vivre leurs derniers mois de lucidité parmi les leurs plutôt que de les passer à planifier leur mort interdite par une loi ? 

J’en appelle à l’empathie des politiciens : SVP, permettez aux vivants sains d’esprit de donner des directives claires quant à leurs choix de fin de vie. Comme on prévoit un testament, on peut regarder la mort en face et prédire jusqu’où on veut que notre corps respire. Nous sommes Canadiens, éduqués. Nous sommes des êtres sensibles et responsables. Et une chose est sûre : bientôt, plus vite qu’il n’y paraît et envers et contre tous, nous vivrons ce moment inexorable où nous ferons face à la mort. 

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