Derrière la porte

De l’importance de la communication

Pause vous propose chaque samedi un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes.

CETTE SEMAINE : JONATHAN*, 45 ANS

C’était il y a quelques semaines. Nous avons raconté ici l’histoire d’une femme, en couple depuis 20 ans, sexuellement éteinte. Une femme à la vie par ailleurs confortable : ni malheureuse ni follement heureuse. Le récit, classique et tragique à la fois, en a touché plusieurs. Notamment Jonathan, 45 ans, lui aussi en couple depuis 20 ans. « Ça vient me chercher ! »

Le jeune homme, marié, père de trois enfants, nous a écrit un texte-fleuve, dénonçant tour à tour tout ce qui tue les couples aujourd’hui, selon lui : nos vies de fou, le manque de communication et le manque d’éducation, de vraie éducation, en matière de sexualité, surtout.

« Les gens ne mettent pas assez d’importance là-dessus, lance-t-il, assis dans un centre commercial de l’est de la ville. Et on est encore en train de se demander, comme société, si on devrait offrir des cours d’éducation sexuelle à nos enfants ? » Visiblement, il n’en revient pas…

De son côté, il est encore amoureux fou de sa femme, précise-t-il d’emblée. Malgré les années, les enfants, la routine et tout. La preuve : chaque matin, il la regarde, la désire, comme aux premiers jours. Même s’il y a eu des hauts et des bas. Mais nous y viendrons plus loin. Parce que Jonathan a plusieurs choses dont il a envie de parler ici. De dénoncer. Et si son discours est un peu décousu, il est néanmoins drôlement senti.

Oui, on croit qu’on est hyper informés, enchaîne-t-il, on parle de sexe dans les journaux, à la télé, consulter un sexologue n’est plus tabou, mais est-ce que les couples durent plus longtemps pour autant ?

« Les couples ne restent pas plus ensemble ! Parce qu’ils ne communiquent pas plus ! »

— Jonathan, 45 ans

Or il y a des choses qui doivent se dire. S’apprendre. Se communiquer. Parce qu’on ne peut tout simplement pas les deviner. Et ça, il peut en témoigner.

Prenez sa première relation sexuelle. Il avait 17 ans. « Ma première pénétration, j’étais au septième ciel. Ça a pris quatre coups, et j’étais sûr qu’elle était au septième ciel aussi. Mais ça me surprendrait qu’aujourd’hui, elle parle de moi en disant : “Oh, lui, il était bon !” », rit-il. Mais comment savoir ? « Tu ne le sais pas ! Ce n’est pas inné ! Si personne ne te le dit ! »

Quelques années plus tard, dans la jeune vingtaine, Jonathan a travaillé dans des bars. Et c’est là, comme barman, qu’il a fait son éducation sexuelle. Littéralement. À raison d’une fille par semaine, environ. Surtout des femmes un peu plus âgées, séparées, plus mûres, bref, qui savaient ce qu’elles voulaient. « Moi, tout a changé la première fois qu’une fille m’a dit : “Nan, nan, nan, tu ne fais pas ça…” » en lui indiquant, précisément, quoi faire. Et comment.

« Un barman m’a déjà dit : “Quand tu couches avec une fille, c’est à elle que tu dois penser en premier. Elle. Elle. Elle. Toi, de toute manière, tu vas avoir ton plaisir.” J’ai toujours gardé ça en tête… »

— Jonathan

Il a aussi beaucoup appris sur les femmes en leur servant à boire. À boire ? « Un gars, ça prend une Corona un soir, le lendemain une autre Corona, puis la semaine d’après aussi. Une fille ? Tu ne sais jamais ce qu’elle veut. Un soir elle le “file” pas, elle prend un Perrier, la semaine d’après elle est sur le party et prend du vin blanc, puis la semaine d’après, elle commande une bouteille de champagne avec ses amies ! » En un mot : « Une femme, tu sais jamais ce qu’elle veut… »

Toujours est-il que c’est encore dans un bar que Jonathan a finalement rencontré la mère de ses enfants. Ç’a été le « coup de foudre ». Vraiment. Amoureux fou. Sa vie de tombeur a pris le bord d’un coup : « Final bâton. »

Au début, leur sexualité n’était pas « extraordinaire ». « On s’adorait et tout, mais on était un peu gênés », confie-t-il. Concrètement ? Disons qu’ils étaient plus « expéditifs ».

Avec le temps, ils ont appris à se connaître, se découvrir, s’« ouvrir ». Jonathan ne le cache pas : lui, parler, il n’a pas peur de ça. « Des fois, ma femme trouvait que j’étais un peu cru… Je lui demandais : “Aimes-tu ça plus raide ?” » Des fois elle aimait ça, des fois non. « Elle me faisait penser à mes clientes au bar », glisse-t-il. Parfois, elle préférait un Perrier, parfois des bulles, quoi.

Retrouver des moments de qualité

Avec l’arrivée des enfants, la « fréquence » est devenue plus problématique, reconnaît-il. Les premières années, ça se gérait encore. « On les faisait manger plus tôt, on réglait les affaires de bain », puis les deux amoureux se retrouvaient. Ils se faisaient des « meetings », se souvient-il. Aujourd’hui, les enfants devenus grands, c’est nettement moins simple. Parce qu’ils se couchent plus tard, entre autres, et qu’il y en a toujours un qui passe devant leur chambre, « le romantisme prend une drop ». Cela fait plus d’une heure qu’on se parle, et Jonathan nous confie seulement ici que oui, il est fou de sa femme, mais non, ça n’a pas toujours été tout rose.

« Ça n’a jamais été un long fleuve tranquille, nos petites discordes ont toujours été autour de ça… »

— Jonathan

Sauf que Jonathan a fini par consulter. Pour réaliser, essentiellement, que si sa sexualité avait diminué en quantité, les moments de qualité en couple l’avaient fait tout autant. Alors il a recommencé à faire les courses avec sa femme (« pour la première fois en dix ans ! Si tu n’as pas le temps d’aller chez Costco à deux, il y a des bonnes chances que tu ne sois pas capable d’avoir des relations non plus ! »), à aller au restaurant en amoureux, etc. 

Et il réalise maintenant qu’à 45 ans, avec de grands enfants, il entre dans une nouvelle étape. « On se retrouve ! » Et ? « C’est le fun ! Mais… dans la tête d’un gars, on pense que se retrouver, c’est que “ça” va arriver plus souvent. Mais ce n’est pas automatique, alors c’est important d’en parler ! » Bref, de savoir communiquer. CQFD.

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