le plq a-t-il tenu parole ?

Après quatre ans au pouvoir, les libéraux de Philippe Couillard ont-ils tenu promesse ? La Presse a recensé quelques engagements du Parti libéral du Québec en 2014. Bilan.

Parti libéral

Promesses tenues

Surplus

« Réaliser un surplus budgétaire dès 2015-2016. »

Explication : Selon la chercheuse Geneviève Tellier, « le gouvernement [a atteint] son objectif. Il [a dégagé] un léger surplus budgétaire dès 2014-2015, tout en respectant ses engagements de réduction de la dette. Pour l’ensemble de son mandat, le gouvernement libéral [est parvenu] à réaliser les surplus qu’il avait promis, soit près de 11 milliards de dollars ».* 

Taxe santé

« Réduire le fardeau fiscal des contribuables en éliminant graduellement la taxe santé. »

Explication : La taxe santé de 200 $, une mesure mise en place pour tous les Québécois sous un gouvernement de Jean Charest, a été entièrement abolie en 2017.

Enseignement du français 

« Accentuer la promotion de la qualité du français dès l’école primaire. »

Explication : Avant son départ de la vie politique, le ministre de l’Éducation Yves Bolduc avait promis une stratégie ministérielle relative au français pour 2015. C’est finalement dans la politique de la réussite éducative, déposée à l’été 2017, que l’actuel ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a ciblé l’objectif d’augmenter à 90 % d’ici 2030 le taux de réussite à l’épreuve ministérielle d’écriture de la 4e année du primaire, tout en lançant une stratégie sur le renforcement des langues.

Montréal, métropole du Québec

« Adopter une Loi sur Montréal reconnaissant formellement son statut de métropole et lui donnant les pouvoirs d’une grande métropole nord-américaine. »

Explication : Dès le discours sur le budget, en juin 2014, le gouvernement Couillard a reconnu le rôle unique joué par Montréal à titre de « métropole nationale ». Le projet de loi 121 augmentant l’autonomie et les pouvoirs de la Ville de Montréal, métropole du Québec, a finalement été sanctionné en décembre 2017.

Autoroute Ville-Marie

« Le premier tronçon de l’autoroute Ville-Marie sera recouvert. »

Explication : Ce projet, qui s’inscrivait dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal, a été réalisé sur un tronçon de 125 m près du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Cette nouvelle place publique, inaugurée en novembre 2017, a coûté 68 millions de dollars.

* Note au lecteur : Le verdict des promesses et les explications ont été établis par les chercheurs du Polimètre Couillard créé par le projet Poltext affilié au Centre d’analyse des politiques publiques (CAPP) de l’Université Laval. La citation attribuée à Geneviève Tellier est un extrait d’un article publié dans Bilan du gouvernement de Philippe Couillard : 158 promesses et un mandat contrasté, un ouvrage codirigé par François Pétry et Lisa Birch, respectivement coordonnateur du Polimètre et directrice exécutive du CAPP.

Parti libéral

Promesses rompues

Gaz à effet de serre

« Élaborer un plan d’action pour atteindre un objectif de réduction des gaz à effet de serre [GES] de 20 % [sous le niveau de 1990] d’ici 2020. »

Explication : Selon le chercheur Pierre-Olivier Pineau, « le plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques a été publié en juin 2012. Depuis, aucun autre plan d’action n’a été élaboré pour atteindre l’objectif de réduction des GES de 20 % d’ici 2020 ».*

Garderies

« Les tarifs des services de garde seront indexés à compter de 2015. »

Explication : Le gouvernement Couillard a indexé les tarifs des services de garde, mais il a également accueilli favorablement la recommandation de la Commission sur la révision permanente des programmes de moduler les tarifs selon le revenu familial. Ainsi, selon ce qu’explique la politologue Lisa Birch, « les parents ayant un revenu de 51 340 $ et plus paient plus cher, [c’est-à-dire] entre 8,75 et 21,95 $ par jour, soit plus que l’inflation ».

Budget en éducation

« Le budget de l’éducation augmentera de plus de 3,5 % par année. »

Explication : Selon les chercheurs du Polimètre Couillard, « l’éducation a subi le régime de rigueur budgétaire en début de mandat, ce qui a compromis la tenue des promesses jusqu’à la mi-mandat. Les réinvestissements en éducation au cours de la deuxième partie du mandat n’ont pas encore permis de retrouver le niveau de financement d’avant, selon plusieurs acteurs du réseau ».

Accès à la propriété

« Aider les jeunes et les moins jeunes à amasser la mise de fonds nécessaire à l’achat d’une première résidence principale en créant un régime épargne-propriété. »

Explication : Dans son rapport final, la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise a rappelé que « le régime d’accession à la propriété permet aux épargnants, sous certaines conditions, d’utiliser les fonds investis dans leur REER pour l’achat d’une première habitation », et qu’en conséquence « il n’y a pas lieu [d’ajouter] d’autres mesures incitatives ». Le gouvernement Couillard n’a donc pas créé un régime d’épargne-propriété, mais a annoncé un crédit d’impôt pour rembourser partiellement les frais associés à l’achat d’une première propriété.

Sièges sociaux

« Préserver les sièges sociaux qui sont concentrés à Montréal. Le Fonds des générations sera mis à contribution afin de protéger nos fleurons d’une offre publique d’achat non sollicitée par une participation au capital-actions de 10 %. »

Explications : Tôt dans le mandat, le gouvernement Couillard a choisi de ne pas utiliser le Fonds des générations à de telles fins. En commission parlementaire, le ministre des Finances, Carlos Leitão, a indiqué en juin 2014 qu’après consultation, « on a décidé que ce n’était pas la meilleure façon d’utiliser le Fonds des générations et que l’État [avait] d’autres moyens […] pour accomplir les mêmes objectifs ».

* Note au lecteur : Le verdict des promesses et les explications ont été établis grâce à la collaboration des chercheurs du Polimètre Couillard créé par le projet Poltext affilié au Centre d’analyse des politiques publiques (CAPP) de l’Université Laval. La citation attribuée à Pierre-Olivier Pineau est un extrait d’un article publié dans Bilan du gouvernement de Philippe Couillard : 158 promesses et un mandat contrasté, un ouvrage codirigé par François Pétry et Lisa Birch, respectivement coordonnateur du Polimètre et directrice exécutive du CAPP.

Parti libéral

Bilan mitigé

Rigueur budgétaire

« Des compressions de 1,3 milliard seront réalisées au cours des deux premières années du mandat. »

Explication : Selon les chercheurs du Polimètre Couillard, « les compressions ont atteint 3,7 milliards dès la première année du mandat ».

Création d’emplois

« L’équipe libérale fera de la relance de notre économie sa première priorité et s’engage à créer 250 000 emplois au cours des cinq prochaines années. »

Explication : À ce titre, l’équipe libérale peut se vanter d’y être presque arrivée. Dans son dernier budget, déposé en mars 2018, le gouvernement Couillard rappelait que depuis le printemps 2014, 222 600 emplois ont été créés au Québec.

Groupe de médecine de famille

« Favoriser la création de 50 super-cliniques à travers le Québec, de véritables carrefours de la santé qui seront ouverts 7 jours sur 7. »

Explication : Le 17 août dernier, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a annoncé l’implantation de la 49e super-clinique au Québec, celle-ci située dans l’arrondissement de Lachine, à Montréal.

Infirmières

« Un gouvernement libéral s’engage […] à ce que les Québécois puissent compter sur 2000 infirmières praticiennes spécialisées qui pourront se joindre aux équipes dans les cliniques médicales et aussi travailler dans les établissements de santé. »

Explication : François Pétry, coordonnateur du Polimètre Couillard, rappelle que le gouvernement Couillard s’est engagé à ajouter 2000 infirmières praticiennes spécialisées (IPS) d’ici 2024. Or, « selon l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), il y avait 486 IPS diplômées et 375 en formation au 31 mars 2018. Toujours selon l’OIIQ, ces dernières années, on a diplômé moins de 75 IPS par an. À ce rythme, on peut conclure que l’échéance semble difficile à respecter ». 

Aide aux devoirs

« Assurer un service d’aide aux devoirs dans toutes les écoles primaires. » et « étendre l’aide aux devoirs aux écoles secondaires ».

Explication : Selon la chercheuse Lisa Birch, « la période de compressions budgétaires a forcé les commissions scolaires et les écoles à faire les choix difficiles, ce qui a compromis la tenue de cette promesse en début de mandat. Le secteur de l’éducation [étant] décentralisé, le niveau de services d’aide aux devoirs varie d’une commission scolaire à une autre ». En juin 2017, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a déposé sa Politique de la réussite éducative, qui prévoit d’augmenter de 68 % à 85 % le taux de diplomation chez les moins de 20 ans d’ici 2030. Dans les budgets 2017-2018, 1,8 milliard a été consacré à l’embauche de 7200 personnes-ressources dans les écoles.

entrevue avec François pétry

« Le respect des promesses joue un rôle très faible »

François Pétry, professeur associé au département de science politique de l’Université Laval, coordonne le Polimètre. Cet outil, utilisé dans le cadre de ce reportage, mesure si les promesses électorales qui ont été faites par le parti au pouvoir ont été respectées. À ce sujet, le gouvernement Couillard peut se vanter d’avoir un bilan d’environ 80 % de promesses tenues ou en partie réalisées. Cela lui servira-t-il en campagne ?

Où le gouvernement Couillard se situe-t-il par rapport à ses prédécesseurs ? 

Selon la méthodologie que nous avons utilisée, le gouvernement Couillard a bien tenu ses promesses puisqu’on arrive à un taux de réalisation en tout ou en partie de 80 %. C’est le pourcentage le plus élevé de toutes les enquêtes que nous avons faites au Québec depuis Lucien Bouchard. À l’époque, si ma mémoire est bonne, le gouvernement péquiste avait obtenu un score de 75 %.

Le Parti libéral aura donc tout avantage à mettre ce bilan de l’avant lors de la campagne électorale ?

Tout à fait et ils le feront, c’est certain ! Mais est-ce que cela pourra influencer les électeurs ? Probablement pas. Les électeurs ne sont pas forcément intéressés par la politique en général. Très peu le sont vraiment, en fait, et lorsque vient le temps d’évaluer les promesses et les bilans, ils n’ont pas l’information requise pour le faire. Il se peut qu’en lisant les médias ou nos résultats, certains électeurs soient affectés, mais j’en doute très fort.

Pourquoi ?

Le fait qu’au Québec, comme partout ailleurs, les électeurs sont totalement ignares par rapport à la politique, ce qui est tout à fait rationnel, car ils ont d’autres chats à fouetter, une famille, un métier, bref, ça ne les intéresse pas. Ils n’ont pour la plupart aucune idée du degré de réalisation des promesses.

Si une promesse concernant un enjeu qui touche une portion de l’électorat est rompue, cela peut-il avoir un effet auprès de ceux concernés ?

C’est ce que je pensais, c’est ce que beaucoup de mes collègues ont pensé, mais les données prouvent autre chose. On pourrait croire que plus une promesse est saillante, plus elle est rapportée dans les médias, plus il y a de chances que le verdict porté par les citoyens soit correct. Or, ce n’est pas le cas. Un électeur qui soutient le parti au pouvoir aura tendance à croire que la promesse a été tenue, alors qu’un électeur qui soutient un parti de l’opposition pensera le contraire, peu importe que ladite promesse ait été tenue ou non.

Sur quoi les électeurs fondent-ils leur jugement, alors, quand vient le temps de voter ?

Ils votent au pif. Ils votent sur la base de ce que leur conjoint ou leur conjointe leur suggère de faire, ou selon leur affiliation partisane régulière, mais l’évaluation du respect des promesses joue un rôle très faible dans leur prise de décision.

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