Scandale d’OXFAM Grande-Bretagne

Quand #moiaussi s’invite chez les humanitaires 

Le récent scandale qui touche l’organisation Oxfam Grande-Bretagne ébranle toute l’industrie de l’aide internationale. Cette industrie est composée d’organisations de coopération, et d’aide humanitaire. Ce qui arrive à Oxfam peut arriver ou arrivera à d’autres. Aucune organisation du milieu n’est à l’abri.

Le fait que des individus aient utilisé leur position de pouvoir et les ressources d’une organisation pour faire ces abus amène le mouvement #moiaussi à un autre niveau. En effet, le pouvoir que confère l’image héroïque des humanitaires occidentaux, et particulièrement de l’homme blanc, est considérable et unique. Ces contextes font en sorte que les victimes n’ont simplement pas les moyens de dénoncer les cas d’agression et les abus. Les professionnels de l’humanitaire doivent donc faire preuve d’un sens d’éthique sans équivoque, et les organisations, avoir une vigilance sans faille. D’utiliser ce pouvoir à mauvais escient est répréhensible. Dans le contexte particulier d’OXFAM Grande-Bretagne en Haïti, un réseau d’employés s’était organisé, jusqu’au chantage aux chauffeurs locaux pour qu’ils facilitent le transport de jeunes femmes à des partouses. Les événements sont survenus il y a maintenant sept ans. C’est seulement aujourd’hui que l’histoire fait surface publiquement. Pourquoi ? On doit se poser la question.

Les critiques qui font des accusations généralisées ne sont pas justifiées. D’incriminer tout le milieu et toutes ces organisations n’avance en rien. De rejeter l’aide et de condamner une organisation entière pour le comportement de quelques individus n’est pas non plus une solution. Malgré tous les efforts, les politiques, les enquêtes et les demandes de références, des crapules ont passé à travers les mailles du filet, et continueront à le faire. Ce qui est déplorable, par contre, c’est d’avoir été silencieux et d’espérer que l’histoire ne sorte jamais. Or l’histoire est sortie en Haïti. Puis, une autre, au Tchad celle-là. Aujourd’hui, c’est Oxfam, demain, ce sera peut-être une autre organisation. Plusieurs organisations ont d’ailleurs déjà été entachées par ces événements malheureux, notamment les Casques bleus, et même des policiers québécois en mission en Haïti.

Il faut rappeler que les organisations de coopération et d’aide humanitaire sont essentielles. Elles jouent un rôle que les gouvernements ne veulent pas, ou ne peuvent pas jouer. Un rôle que vous ne voulez pas jouer non plus. Alors que nous buvons notre café emmitouflé dans notre torpeur aseptisée, les professionnels de l’humanitaire et les coopérants sont au front, dans des conditions complexes d’insécurité, à apporter une assistance aux populations victimes des catastrophes naturelles et des conflits armés. Tous les condamner revient à condamner des millions de personnes qui n’ont pour caisse de résonance que des organisations comme Oxfam pour faire entendre leurs voix.

Néanmoins, à l’ère de #moiaussi, un nouveau paradigme vient d’être franchi pour les organisations de coopération internationale et d’aide humanitaire : on ne peut plus garder le silence, on ne peut pas camoufler, on ne peut plus espérer qu’on oublie. Au contraire, on doit condamner cette dissimulation. On doit blâmer celles et ceux qui ont espéré le silence. Il faut que l’industrie de l’aide passe à l’ère de #moiaussi et dénonce les événements, utilise les outils judiciaires pour que les crimes soient punis, et assure un soutien et un dédommagement aux victimes. Il s’agit d’une opportunité. Tous les coopérants et les travailleurs humanitaires le savent. Il y a un tabou qui doit être brisé, comme un énorme éléphant dans la pièce.

Il ne faut pas que les organisations pensent à leur instinct de survie : il faut prioriser les victimes. En sollicitant le retour « de la confiance » de ses sympathisants, Oxfam donne un message ambigu. 

La confiance des sympathisants, à savoir les donateurs, reviendra avec les preuves que l’organisation a agi avec diligence, à protéger les victimes, et les a aidées dans un processus de réparation.

Comme d’autres milieux et industries, l’humanitaire et la coopération internationale doivent faire un rigoureux ménage pour répondre aux exigences de l’ère #moiaussi et assurer la protection des filles, des garçons et des femmes qu’ils ont justement comme mission de protéger. Au lendemain du scandale qui touche Oxfam Grande-Bretagne, le gouvernement britannique a transmis un avertissement aux organisations exigeant qu’elles collaborent aux enquêtes et qu’elles fassent la lumière sur les événements connus. Dans la foulée de ces nombreuses allégations, le journal réputé The Guardian a même mis en ligne un site pour recueillir les témoignages confidentiels des gens du milieu. Le Canada et ses institutions d’aide internationale sont-ils prêts à faire la même chose ? Chose certaine, un ménage doit être fait : c’est ainsi que la confiance avec le public se rétablira.

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