Techno

des algorithmes au service des consommateurs

Trouver le meilleur moment pour acheter un billet d’avion, cuisiner une recette selon les rabais en vigueur, être averti de l’apparition de forfaits cellulaires alléchants, déterminer les faiblesses de ses investissements. La puissance des algorithmes et de l’intelligence artificielle peut devenir l’alliée du simple consommateur. Voici quatre exemples, quatre entreprises québécoises qui en ont fait leur spécialité.

Un dossier de Karim Benessaieh

Glouton.ca

L’art d’apprêter les rabais

Concevoir un site de recettes, c’est banal. Répertorier les rabais des supermarchés, c’est déjà un peu plus rare. Mais associer ces deux services comme le fait Glouton.ca, un site québécois qui utilise l’intelligence artificielle pour discerner les recettes les plus avantageuses, c’est toute une trouvaille.

« On s’est rendu compte que plusieurs personnes cuisinent en tenant compte des rabais, mais aussi qu’elles finissaient par toujours manger les mêmes choses », dit Jean-François Gagné Bérubé, PDG et fondateur du site.

L’expérience classique quand on visite Glouton.ca, c’est de trouver une recette à partir de mots-clés parmi les 18 334 répertoriées. Les ingrédients s’affichent et, au premier plan, ceux qui sont offerts au rabais dans une des six enseignes présentes au Québec intégrées au site, soit IGA, Metro, Super C, Maxi, Provigo et Walmart. La recette est notée sur un demi-cadran selon son « indice d’économie ».

Des filtres selon les restrictions alimentaires et certains thèmes peuvent être cochés. On peut par exemple ne choisir que les ingrédients sans gluten ou sans arachides, ou limiter la recherche aux recettes végétariennes ou sans sucre ajouté. Pour voir la recette en entier, on est envoyé sur un autre site, par exemple Ricardo ou Cuisine futée.

« La légende dit que Glouton est mieux que Google pour trouver des recettes du Québec », peut-on lire sur la page d’accueil.

On dispose d’autres variantes, par exemple L’Économiseur, qui présente les recettes les plus avantageuses, et le Vide-Frigo, qui sélectionne les recettes selon les ingrédients dont vous voulez vous débarrasser et la liste des meilleures aubaines en cours. Pour 5 $ par mois, la formule Extra permet notamment d’archiver un nombre illimité de recettes, d’utiliser une liste collaborative et d’obtenir des rabais supplémentaires.

« Ce sont les abonnés payants qui permettent d’offrir des services aux utilisateurs gratuits », précise M. Gagné Bérubé.

Algorithme et environnement

L’intelligence artificielle à l’œuvre, ici, c’est essentiellement celle qui permet d’établir l’indice d’économie. Un robot est également à l’œuvre pour ratisser les serveurs des chaînes de supermarchés répertoriées et mettre à jour les prix. Les ingrédients de base, comme la farine ou les épices, ne font pas partie du calcul à moins d’être nécessaires en grande quantité.

Nouveauté post-COVID, les usagers sont maintenant encouragés à ne sélectionner qu’un seul supermarché dans leur profil, « pour éviter de visiter trop d’endroits », dit le PDG, plutôt que d’en ajouter plusieurs pour maximiser les économies.

« Le système est capable d’établir un score basé sur son apprentissage, explique le PDG du site, programmeur de son métier. Pour nous, un poivron du Québec l’été va être mieux coté qu’un poivron du Mexique l’hiver. Il y a là un aspect environnemental qui m’a motivé. En suivant les spéciaux, on se trouve à manger local et à suivre les saisons. »

Lancé en 2018, le site attire environ 100 000 visiteurs uniques par mois. Les abonnés, surtout, et quelques enseignes publicitaires assurent un salaire au jeune PDG et à quelques employés à temps partiel. « La crise a fait chuter les revenus, on vend moins d’abonnements et certains partenaires du monde alimentaire ont coupé leurs ententes dans les circonstances, mais rien qui met en jeu notre survie », dit M. Gagné Bérubé.

Qu’est-ce qu’un algorithme ?

À la base, un algorithme est tout simplement une méthode qui permet de résoudre un problème, que ce soit pour extraire une racine carrée ou préparer du pain. Les données de base, dans ce dernier cas, sont les ingrédients, la méthode, leur combinaison, et le résultat, le pain. En informatique, il s’agit d’une opération mathématique, d’une complexité plus ou moins grande, qui permet de traiter, de transformer ou de classer un ensemble de données avec un choix de commandes et selon certaines variables. En intelligence artificielle, particulièrement en apprentissage profond, les données passent successivement par une série d’algorithmes, du plus général au plus précis, chacun renvoyant les résultats du calcul à l’algorithme suivant.

PlanHub

Télécoms à bon prix

Auriez-vous la patience de passer à travers les 47 842 forfaits cellulaires, au dernier décompte, qui s’offrent au consommateur canadien moyen ? C’est ce que font toutes les nuits les robots de PlanHub, ce site montréalais qui offre ce service de comparaison depuis 2015, auquel se sont ajoutés l’automne dernier les forfaits internet.

Conçu au départ comme un moteur de recherche dans une base de données montée par des êtres humains, PlanHub a rapidement dû s’automatiser pour pouvoir grossir, explique Guillaume Marcade, cofondateur et directeur technique du site. « C’était fait à la main et ça prenait une semaine pour faire le tour, indique-t-il. À la fin de la semaine, les prix avaient changé. On s’est rapidement rendu compte que ce n’était plus possible de fonctionner comme ça. »

Les robots de PlanHub ont été conçus pour dénicher dans les pages internet des 13 opérateurs répertoriés toutes les informations cruciales, essentiellement le prix, les formules pour les appels vocaux et le volume de données internet, avec ou sans achat subventionné de téléphone. Un opérateur humain passe ensuite en revue cette récolte pour s’assurer qu’aucune aberration ne s’y est glissée. « On uniformise les forfaits parce qu’ils ne sont pas conçus de la même manière, afin de comparer des pommes et des pommes », explique M. Marcade.

Les différences de prix sont spectaculaires. Vous voulez des appels illimités et 2 Go de données, tout en fournissant votre téléphone ? Selon PlanHub, début mars, Fizz coûtait 610 $ sur deux ans, tandis que Vidéotron vous chargera 937 $, une différence de 54 %… alors que les deux opérateurs appartiennent à Québecor.

Alerte au rabais

Mais ce n’est pas tout. Ce que la plupart des consommateurs ignorent, c’est que le prix des forfaits proposés par les opérateurs eux-mêmes fluctue énormément.

« Il y a beaucoup de compétition, mais il y a surtout des moments où il faut acheter. On a tous en tête le Vendredi fou, le Boxing Day, la rentrée, les déménagements, mais il y en a d’autres qui surviennent en plein milieu d’année. »

— Guillaume Marcade, directeur technique

Pas question évidemment pour un être humain normal de rester à l’affût 365 jours par année dans l’attente du forfait idéal. PlanHub a donc développé une alerte, inspirée des sites de voyages. « On essaie de ne pas envoyer plus d’un courriel d’alerte par mois, précise Nadir Marcos, PDG. La grande question pour nous, c’est de cerner le bon moment pour l’envoi. » PlanHub aimerait également proposer un service à la Hopper, qui pourrait prédire les prix quelques semaines à l’avance. « On a encore beaucoup de travail à faire là-dessus, convient-il. Nous, on essaie de faire ça en nous basant sur l’historique des prix. On veut évidemment aller plus loin. »

La gestion du nouveau comparateur internet, quant à elle, est moins complexe, notamment parce qu’on n’a pas à tenir compte du fait que le consommateur dispose de son propre appareil. « La complexité vient plutôt de l’accès au service dans un secteur donné, précise M. Marcade. Même nous, on a de la difficulté à le savoir. »

PlanHub compte quelque 50 000 abonnés à son alerte pour forfaits mobiles, 10 000 pour son nouveau comparateur internet. Le site reçoit la visite d’environ 200 000 internautes chaque mois.

Hardbacon

Un robot dans le portefeuille

En analysant les transactions de ses utilisateurs, l’application Hardbacon permet de détecter les faiblesses d’un portefeuille, d’en calculer le rendement et d’établir un score. Quelque 1200 personnes se sont abonnées à ce service depuis 2018, pour un coût de 99 $ par année ou 12,99 $ par mois. Et la pandémie le rend plus populaire que jamais.

« Il y a beaucoup de travail d’algorithmes derrière ça, explique Julien Brault, fondateur et PDG. En nous connectant aux comptes bancaires et de placements de nos usagers, on a un historique des transactions, des dépôts, des transferts, mais ça ne décrit pas les investissements. Nous, on va étiqueter les entrées pour bâtir un portrait compréhensible du portefeuille. »

Précisons que Hardbacon ne dispose pas des autorisations pour donner des conseils de placement en bonne et due forme. « On est capables de regarder la répartition d’actifs, voir si la personne est plus avec des revenus fixes, par exemple, des positions en devises étrangères, pour aider à prendre les meilleures décisions. »

D’importantes institutions financières, notamment la Banque Nationale et Desjardins, se sont associées à Hardbacon pour faire baisser, voire annuler, les frais de transaction. La plus récente entente, annoncée en décembre dernier, permet notamment aux clients de Banque Nationale Courtage Direct d’accéder gratuitement à l’application mobile de Hardbacon et de bénéficier de 20 transactions en Bourse gratuites durant la première année.

Objectifs multiples

Hardbacon met en outre en ligne un répertoire de quelque 120 000 conseillers financiers au Canada, qu’on peut sélectionner à partir d’un questionnaire. Le site internet propose gratuitement des articles – le PDG de Hardbacon est un ancien journaliste des Affaires – sur des enjeux aussi variés que l’obtention d’une hausse de salaire, l’investissement dans l’immobilier ou la mystérieuse promesse de « vous enrichir en allant prendre des cafés avec des gens que vous ne connaissez pas ».

Un nouveau volet a été ajouté ce printemps, offert gratuitement depuis la mi-mai: il permet aux usagers de déterminer des objectifs financiers et d’analyser leurs investissements sous cet éclairage. « C’est là que les algorithmes sont utiles, explique M. Brault. Faire ça pour un objectif, c’est facile, mais en avoir plusieurs, établir les bons paramètres et tracer un plan sans être un spécialiste, c’est beaucoup plus complexe. Et avec la pandémie et le nombre de chômeurs à la hausse, plein de gens ont dû diminuer leurs dépenses. L’offrir gratuitement, c’est notre contribution. »

Il ne s’agit pas formellement ici d’intelligence artificielle, précise le PDG, plutôt de programmation basée sur certaines conditions. Avec la volatilité étourdissante des marchés boursiers depuis deux mois, Hardbacon est « plus populaire que jamais », se réjouit son créateur. « Les gens s’inquiètent de leurs finances. On arrive à point. »

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