la motte

Le projet de mine de lithium sera soumis au BAPE

Le projet d’une minière australienne d’installer une mine de lithium près de réserves d’eau parmi les plus pures au monde sera finalement soumis au BAPE. La décision de Québec est saluée par des citoyens et des élus de l’Abitibi, ainsi que par tous les partis de l’opposition.

« C’est une victoire pour l’environnement, l’eau et les générations futures », s’est réjoui hier le cofondateur du Comité citoyen de protection de l’esker, Rodrigue Turgeon.

Sayona Mining souhaite construire une mine à ciel ouvert à La Motte, une petite localité à 30 km d’Amos. Elle veut extraire du spodumène de lithium. L’entreprise ne s’en cachait pas : son plan d’affaires avait été conçu pour éviter des audiences du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).

La loi prévoit une évaluation du BAPE s’il y a extraction quotidienne de 2000 tonnes et plus. Or, Sayona disait vouloir extraire 1900 tonnes de minerai chaque jour.

Le ministre de l’Environnement a conclu, à la lecture de documents fournis par l’entreprise, que celle-ci allait extraire plus de 2000 tonnes par jour.

La tenue d’un BAPE « permettra à la population de s’exprimer et de s’informer », a dit hier le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette.

L’entreprise a réagi à la nouvelle par un court communiqué. Cette tuile s’abat dans un contexte mondial difficile pour les projets de lithium. Au Québec, Nemaska Lithium éprouve des difficultés de financement après des dépassements de coûts.

Sayona Québec, filiale de la minière junior australienne Sayona Mining, a dit vouloir faire « une analyse minutieuse à l’interne » des impacts d’une audience du BAPE sur son projet minier.

« La société fera connaître en temps et lieu la décision qu’elle prendra en conséquence. »

— Extrait du communiqué de Sayona Mining

Sayona pourrait-elle décider de suspendre ou modifier son projet ? Serge Rouillier, directeur du développement durable de Sayona Québec, n’a pas répondu à notre question acheminée par courriel hier.

En septembre dernier, la minière expliquait vouloir se soustraire au BAPE. « Ça faisait partie du plan d’affaires de concevoir un projet à 1900 tonnes pour éviter les délais de deux à quatre ans qu’entraîne le processus du BAPE », notait Alexis Segal, vice-président aux affaires corporatives de Sayona Québec, lors d’une conférence organisée par le journal Les Affaires. « Avec les minéraux industriels comme le lithium, le timing est crucial. »

« Les réponses à nos questions »

Les trois partis de l’opposition à Québec avaient déjà demandé unanimement que le projet de Sayona soit soumis au BAPE.

« C’est une très belle nouvelle pour l’Abitibi-Témiscamingue », s’est réjouie hier la députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, Émilise Lessard-Therrien.

« C’est un gros projet minier qui serait à proximité de l’esker Saint-Mathieu-Berry, qui est une des eaux potables les plus pures au monde, a ajouté l’élue de Québec solidaire. Les citoyens ont manifesté à plusieurs reprises leurs inquiétudes par rapport aux effets de cette mine-là sur l’esker. »

« Ce n’est pas un petit projet, on parle d’une mine à ciel ouvert d’un kilomètre de long. »

— Émilise Lessard-Therrien, députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue

Un esker est une accumulation de sédiments laissée par la fonte d’anciens glaciers et qui agit comme un filtre. L’esker Saint-Mathieu-Berry produit une eau pure qui dessert notamment la ville d’Amos et ses 13 000 habitants.

Sayona a toujours maintenu que son projet de mine ne posait aucune menace aux réserves d’eau. Mais le Comité citoyen de protection de l’esker veut en avoir le cœur net. « On a le sentiment qu’avec le BAPE, on va pouvoir avoir les réponses à nos questions », dit Rodrigue Turgeon.

Longue bataille

Le Comité citoyen mène la bataille depuis des mois pour obtenir des audiences publiques. Plus tôt cet hiver, M. Turgeon a pu consulter les documents fournis au gouvernement par Sayona grâce à une demande d’accès à l’information. Il a constaté que selon les chiffres fournis par la minière, elle prévoyait extraire 2123 tonnes par jour à la septième année d’exploitation.

Le Comité citoyen a ensuite demandé l’avis du Centre québécois du droit de l’environnement, qui a confirmé sa lecture. Le Comité a donc fait parvenir une mise en demeure au gouvernement, et menacé Québec de recours judiciaires s’il passait outre le BAPE. La décision d’hier représente donc une victoire pour le regroupement.

« Ç’a été une très belle histoire de mobilisation citoyenne, note Rodrigue Turgeon. Ça fait consensus dans la région. Même les deux députés de la CAQ dans la région s’étaient dits en faveur d’audiences publiques. »

Un esker d’eau pure

« Dans la partie non confinée de l’esker Saint-Mathieu-Berry, les couches de sables et de graviers, très perméables, agissent à la manière d’un filtre naturel en filtrant les précipitations. Il en résulte une eau d’une qualité exceptionnelle qui fait la fierté des gens de la région. Les couches d’argiles, qui font office de parois étanches et qui recouvrent les flancs de l’esker, permettent de retenir l’eau dans la masse granulaire en quantité suffisante pour subvenir aux besoins de plusieurs utilisateurs, dont la Ville d’Amos qui dessert près de 13 000 habitants. Cette eau souterraine tirée de l’esker est une richesse inestimable puisqu’elle ne nécessite présentement aucun traitement. »

— Extrait du document Portrait de l’esker aquifère Saint-Mathieu-Berry, préparé par la Société de l’eau souterraine Abitibi-Témiscamingue (SESAT)

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