En Suède l’esprit tranquille

Éric Gélinas a eu gain de cause dans sa poursuite contre son équipe de la KHL 

Dans 24 heures, Éric Gélinas sera bien assis dans l’avion – on lui souhaite un siège près de l’allée, parce qu’à 6 pi 4 po, on ne se plie pas aussi facilement qu’à 5 pi 7 po – à destination de la Suède, où il amorcera la prochaine étape de sa carrière. Une étape qu’il souhaite plus paisible que celle qu’il vient de vivre.

Gélinas s’alignera en effet avec le Rögle BK d’Ängelholm. L’ancien défenseur des Devils du New Jersey et de l’Avalanche du Colorado, que l’on a aussi vu chez le Rocket de Laval, débarquera en terrain relativement connu, puisqu’il a conclu la dernière saison avec ce club de première division suédoise.

« Ils voulaient du renfort pour rester en première division. J’ai aimé la ville, les partisans. Du fait que j’ai fini l’année là-bas, je connais déjà un peu le noyau de l’équipe », explique-t-il.

Gélinas file vers l’Europe dans la sérénité. « La tête tranquille », selon ses propres mots. D’une part, parce qu’il se joint à une ligue stable, dans un pays offrant une belle qualité de vie. D’autre part, parce qu’il a la certitude que son contrat sera honoré sans qu’il ait recours à des avocats…

Cauchemar à Bratislava

On vous raconte cela parce qu’au moment de l’entrevue, Gélinas arrivait au terme d’une longue bataille judiciaire pour obtenir les quelque 120 000 euros (175 000 $CAN) que le Slovan de Bratislava lui devait. Cette somme représente environ 40 % de ce qu’il devait toucher avec l’équipe slovaque. Une entente a finalement été conclue par ses avocats hier.

L’été dernier, le Québécois s’était entendu pour un salaire net de 275 000 euros avec Bratislava, qui jouait alors en KHL. C’était là une somme comparable à ce qu’il aurait pu gagner dans la Ligue américaine, mais avec une fiscalité plus avantageuse, dans un décor plus enchanteur que Rochester, Utica ou Wilkes-Barre.

« Le dernier chèque que j’ai reçu, c’était en novembre. Après ça, c’était : “Ah oui, ça s’en vient.” Ils trouvaient des excuses. “Ce n’est pas notre faute, ce sont les commanditaires.” Mais le chèque n’arrivait jamais », déplore Gélinas au bout du fil. 

« Tu arrivais à l’aréna et les conversations entre joueurs tournaient toutes autour de ça. Est-ce qu’on va se faire payer aujourd’hui ? En partant, l’équipe n’avait pas la meilleure réputation et avait de la difficulté à attirer les gros noms, donc c’était difficile d’être compétitifs. Avec les problèmes d’argent en plus, les gars pensaient seulement à ça, donc on perdait. »

« Personne ne voulait s’en aller, parce ç’aurait été un bris de contrat, et l’équipe allait avoir une excuse pour ne plus nous payer. »

— Éric Gélinas au sujet de son passage avec le Slovan de Bratislava

Gélinas se considère comme privilégié. Selon CapFriendly, il a touché près de 5 millions pendant sa carrière dans la LNH.

« J’ai assez bien gagné ma vie, donc je m’en sortais. L’argent qui manquait, ça m’aurait servi pour faire des rénovations chez moi, donc ça a retardé des projets. Mais on avait des gars de 18-19 ans dans notre équipe, qui gagnaient 2000 euros par mois. Pour eux, ça paraît, des chèques qui manquent. Ils devaient vivre chez leurs parents et se faire aider. »

En plus des défauts de paiement, l’équipe se montrait chiche sur l’équipement. Gélinas a ainsi dû passer à travers les 25 bâtons qu’il avait apportés de la maison avant que l’équipe daigne lui en fournir.

Sans surprise, le Slovan a conclu la saison avec une fiche désastreuse de 15-44-3, pour 33 points. Pour donner une idée de grandeur, c’était neuf points de moins que l’avant-dernière équipe de la ligue… L’équipe ne jouera pas dans la KHL la saison prochaine et son avenir demeure nébuleux.

Dans ces circonstances, Gélinas a au moins tenté d’avoir une belle vie à l’extérieur de la patinoire. « En janvier, mon frère est venu me rejoindre. Ça m’a permis de décrocher, de faire des activités avec lui et on a voyagé un peu. S’il n’avait pas été là, si j’étais resté seul, il y aurait eu de bonnes chances que je sacre mon camp ! »

La Suisse et Seattle

Évidemment, l’histoire de Gélinas pourrait faire réfléchir des joueurs qui arrivent à la croisée des chemins, qui songent à se tourner vers l’Europe pour relancer leur carrière ou pour gagner un salaire intéressant. Le jeune homme de 28 ans ne croit toutefois pas que la situation qu’il a vécue est représentative de ce qui se passe en KHL.

« Je ne fais pas une croix sur la KHL. Il y a quelques années, il y avait beaucoup d’histoires de gars qui ne se faisaient pas payer. La ligue a fait le ménage. Avec Bratislava qui sort de la ligue, c’était la dernière équipe qui avait des problèmes de paiement. La ligue réalise que ces problèmes nuisent à sa crédibilité.

« D’autres équipes de la KHL s’intéressaient à moi et j’aurais probablement gagné un peu plus d’argent qu’en Suède. Mais je voulais avoir une année où j’allais être correct. »

« J’ai été impressionné par ma fin de saison avec le Rögle. C’est géré comme une mini-LNH. J’ai eu du fun, je vais jouer beaucoup de minutes. Je ne voulais pas me casser la tête. »

— Éric Gélinas au sujet de sa nouvelle équipe, le Rögle BK d’Ängelholm

À plus long terme, Gélinas pense aussi à l’expansion à venir dans la LNH, avec l’ajout d’une équipe à Seattle en 2021. « Ça va ouvrir des jobs, donc j’y pense. On ne sait jamais, avec le staff qui sera engagé.

« Si j’ai une belle occasion de revenir en Amérique du Nord, je ne dirais pas non. Mais sinon, à l’âge où je suis rendu, c’est aussi un bon fit de jouer en Europe. Il y a moins de matchs, moins de voyagement entre les matchs. Ça, je l’apprécie, parce que ça me laisse du temps pour visiter un peu l’Europe, pour avoir une vie en dehors du hockey. »

De l’aide pour 16 enfants

Avant de s’envoler pour l’Europe, Éric Gélinas a pu mener à bien sa B.A. de l’été. Pour la troisième année de suite, le Fonds jeunesse Gely-N-Ice a parrainé des enfants issus de milieux défavorisés de la région de Saint-Jean-sur-Richelieu. Cette année, sa fondation a donc pu aider 16 enfants en payant leur inscription au hockey mineur, les frais liés à la participation aux tournois, de même que leur équipement. Le tournoi de golf annuel de la fondation, tenu la semaine dernière, a permis d’amasser 20 000 $. « L’événement commence à se faire un nom, les gens veulent revenir », s’enthousiasme Gélinas.

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