Aromathérapie

Fumer son bien-être ?

Stressé ? Carencé en vitamines ? En manque d’énergie ? Mal aux cheveux ? Et si la solution était de… fumer ? Pas de fumer des cigarettes ordinaires, bien sûr, mais de tirer des bouffées d’une vapoteuse qui renferme des produits censés avoir des effets positifs, comme favoriser la détente, aider à la concentration, se remettre d’une soirée arrosée et même stimuler la libido.

Les fabricants VitaCig, NutriAir et Vitamine Vape demeurent prudents lorsqu’ils vantent les mérites de leurs produits, associés à une forme d’aromathérapie. Ils se défendent de donner des avis médicaux et d’avoir des prétentions curatives. VitaCig précise que la vapeur de ses produits pourrait renfermer « une petite quantité des nutriments » présents à l’état liquide et que ceux-ci « pourraient être absorbés par les muqueuses de la bouche ».

Annie Ferland, nutritionniste et docteure en pharmacie, comprend très bien la prudence de ces entreprises. « Il n’y a pas d’études sérieuses derrière ces produits », dit-elle.

La spécialiste se demande d’emblée comment il est possible d’inhaler des vitamines. « Chacune a son métabolisme, qui est lié au système digestif, explique- t-elle. Par exemple, la vitamine B12 est absorbée dans la dernière partie de l’intestin, et c’est juste possible en présence d’une lycoprotéine sécrétée par l’estomac. »

Avancer qu’on peut inhaler de la B12, c’est « contourner tout le cycle normal », selon elle. Par ailleurs, les vitamines sont très sensibles à la chaleur. « Si on chauffe la vitamine C, par exemple, elle part en fumée », explique encore Annie Ferland. Son scepticisme est partagé par Marise Tétreault, inhalothérapeute et directrice des programmes de soins de santé à l’Association pulmonaire du Québec, qui relève que les études citées par Vitamine Vape au sujet de la vitamine B12 datent de plus de 50 ans et se basent un trop petit nombre de patients. « C’est nettement insuffisant pour conclure [à l’efficacité d’un produit] », dit-elle.

Un risque pour la santé

Ces produits apparemment vertueux pourraient en outre être risqués pour la santé. Annie Ferland souligne que si, sous leur forme liquide, ces huiles essentielles et autres produits peuvent sembler inoffensifs, on ne connaît pas les composés et dérivés qui peuvent s’en dégager une fois qu’ils sont chauffés. « Dès qu’il y a combustion, il y a production de substances chimiques cancérogènes susceptibles d’entraîner un cancer de la bouche ou des poumons », tranche pour sa part Marise Tétreault.

Les deux spécialistes s’inquiètent en outre de l’image globale véhiculée par ces produits. Que ces cigarettes électroniques contiennent de la nicotine ou non, le geste est le même, relèvent-elles : fumer. « Je ne vois pas ça positivement, c’est sûr. C’est rendre l’acte de fumer cool et santé. On le sait que ce n’est pas santé, dit Annie Ferland. C’est une évidence que ce n’est pas santé. »

Marise Tétreault signale en outre que le constat qui se dégage au sujet des cigarettes électroniques est que si elles peuvent aider des fumeurs à arrêter de fumer, elles demeurent nocives et n’écartent pas le risque de cancer. « On sait aussi que [le vapotage] incite les jeunes à commencer à fumer [la cigarette], ajoute Annie Ferland. La tendance est très forte et les études sont unanimes à cet égard. » Elle craint par ailleurs que le discours « santé » qui enrobe ces produits ne donne un faux sentiment de sécurité à ceux qui les utilisent.

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