COVID-19 Royaume-Uni

Autopsie de l’« échec » britannique

Début mars, le Royaume-Uni se disait paré à la pandémie et voyait sans angoisse apparente ses voisins européens se confiner. Difficile alors d’imaginer que deux mois plus tard, le pays deviendrait le plus touché en Europe et le deuxième dans le monde.

Il y a un mois, le 5 mars, les autorités britanniques annonçaient un premier mort du nouveau coronavirus. Le 17 mars, le conseiller scientifique du gouvernement, Patrick Vallance, déclarait qu’un nombre de morts à 20 000 serait « un bon résultat ».

Désormais, le bilan dépasse les 32 000 morts dont la COVID-19 est la cause suspectée – probablement plus actuellement, car ces statistiques étaient arrêtées à la fin d’avril.

Le Royaume-Uni est donc désormais plus touché que l’Italie, et seuls les États-Unis dépassent ce terrible bilan, alourdi considérablement par la prise en compte récente des maisons de retraite.

Sur la BBC la semaine dernière, David King, conseiller scientifique du gouvernement de 2000 à 2007, jugeait l’ampleur de la mortalité « extraordinaire » : « Il y a toute une série d’actions à entreprendre pour gérer une pandémie de ce type, et pourtant, il semble qu’elles aient été absentes ici. »

Changement de stratégie

Le premier ministre, Boris Johnson, qui a lui-même été atteint de la maladie, a été accusé de ne pas avoir pris l’épidémie au sérieux. Il a même été jusqu’à se vanter d’avoir serré les mains de patients, certains atteints du coronavirus, lors d’une visite à un hôpital le 3 mars.

Tandis que le nombre de contaminations grimpait, à la mi-mars, la recherche des contacts, qui implique de trouver et de dépister les personnes s’étant approchées des malades, était largement abandonnée.

Cette stratégie a pourtant été largement utilisée par la Corée du Sud ou encore par la Nouvelle-Zélande afin de limiter les taux de transmission.

Les autorités semblaient alors perdre le contrôle de la maladie, mais Boris Johnson restait réticent à instaurer un confinement.

Son conseiller scientifique Patrick Vallance a semé le trouble en suggérant qu’une « immunité collective » pouvait se développer si une partie de la population guérissait du virus.

Face aux critiques, le gouvernement s’est empressé de démentir avoir choisi cette approche, affirmant qu’il s’agissait simplement d’un « concept scientifique et non d’un objectif ».

« Échec » 

Un avertissement de l’Imperial College London évoquant des centaines de milliers de morts potentiels a changé la donne.

Le 20 mars, alors que le nombre de cas et de morts grimpait en flèche, le gouvernement a ordonné la fermeture des écoles, des pubs, des restaurants et des salles de sport. Le confinement a suivi trois jours plus tard.

Le pays et sa très internationale capitale, Londres, sont devenus un épicentre de l’épidémie.

À la mi-avril, le bilan des morts dans les seuls hôpitaux atteignait 10 000 – dont près d’un millier le 8 avril. Un chiffre qui continuera de grimper, même si, selon les autorités, le pic est passé.

Et les débats sur l’étendue réelle de l’épidémie au Royaume-Uni continuent de faire rage, la comparaison avec d’autres pays étant compliquée par les différentes méthodes de comptage employées à l’échelle internationale.

Le confinement décrété le 23 mars provoquant de graves conséquences économiques et sociales, le Royaume-Uni vise à revenir au traçage des contacts – une stratégie que le gouvernement n’aurait jamais dû abandonner, selon ses détracteurs.

Le gouvernement a assuré avoir atteint in extremis son objectif de 100 000 tests par jour d’ici la fin d’avril, et une nouvelle application de traçage a commencé à être testée mardi dans l’île de Wight, dans le sud.

Selon le rédacteur en chef du journal médical The Lancet, Richard Horton, la réponse britannique est « le plus grand échec de politique scientifique depuis une génération ».

« Si nous avions dès février augmenté la capacité de dépistage et de recherche des contacts et commencé à augmenter le nombre de lits de soins intensifs, il est absolument évident que nous aurions sauvé des vies. »

— Richard Horton, rédacteur en chef du journal médical The Lancet, dans un entretien au Financial Times

Une annonce dimanche

De crainte d’une nouvelle vague de contaminations, le confinement devrait être prolongé jeudi, date prévue de sa prochaine réévaluation, mais le gouvernement prépare des mesures d’assouplissement.

« Nous devons nous ajuster à une nouvelle normalité où la société s’adapte à de nouvelles manières sûres de travailler, de voyager, d’interagir et de poursuivre ses vies quotidiennes », a expliqué mardi le chef de la diplomatie, Dominic Raab, lors d’une conférence de presse, promettant des annonces d’ici la fin de la semaine.

Selon plusieurs médias, une stratégie de sortie doit être annoncée par Boris Johnson lors d’une allocution dimanche soir.

Plus de 6000 morts dans les maisons de retraite

« Dans les maisons de retraite, la situation est encore plus dramatique » que dans l’ensemble du pays, a averti mardi Nick Stripe, analyste du Bureau national des statistiques britannique, sur la BBC. Selon lui, le nombre de décès dans ces établissements est près de quatre fois supérieur à la moyenne, et continue d’augmenter malgré la décrue générale. La seule semaine dernière, plus de 2000 personnes âgées sont mortes en maison de retraite en Angleterre.

— Agence France-Presse

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.