Éditorial

Quatre vœux pour 2019

Alors que s’amorce la nouvelle année, nos éditorialistes formulent quatre souhaits qu’ils aimeraient voir se réaliser en 2019.

Un meilleur traitement pour les victimes d’agressions sexuelles

Le mouvement #moiaussi ne peut pas tout régler. #euxaussi doivent contribuer. Des corps policiers aux élus en passant par les procureurs et les juges, tous ceux qui ont un impact sur le traitement des plaintes pour agression sexuelle sont interpellés.

On ne peut pas lancer des appels publics aux victimes pour les convaincre de porter plainte, et ne pas se soucier de ce qui leur arrive ensuite. Car le système, loin de fournir l’apaisement recherché, a souvent pour effet d’ajouter au traumatisme, ont témoigné de nombreuses femmes.

Oui, des corps policiers ont amélioré leurs façons de faire pour éviter que des plaintes valides ne soient rejetées par erreur. Les résultats commencent d’ailleurs à se faire sentir : le taux de plaintes non fondées a diminué de façon marquée au Canada l’an dernier. Malheureusement, la déception n’est ensuite que plus vive.

C’est ce qui se produit lorsqu’un dossier jugé assez solide par la police pour être transmis aux procureurs est écarté par ceux-ci. Ou quand le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) décide de porter des accusations, mais que les plaignantes voient leur crédibilité démolie en cour.

Plusieurs pistes ont été suggérées (créer une chambre spéciale à l’intérieur de la Cour du Québec ; assouplir les consignes données au DPCP ; mieux préparer les victimes à leur passage en cour ; s’assurer que les connaissances des juges sont à jour ; revoir le Code criminel, etc.). Il ne manque qu’un signal du gouvernement Legault pour que le travail puisse commencer. C’est notre souhait pour ce début d’année 2019.

— Ariane Krol

Moins de populisme, plus de démocratie

S’il y a une chose qui a été démontrée ces dernières années au sujet du populisme, c’est qu’il ne tient pas ses promesses. Les politiciens populistes font campagne en promettant aux électeurs d’être ceux qui, enfin, parleront en leur nom. Ils promettent d’être les champions de la démocratie.

Mais c’est plutôt l’inverse qui est vrai. Une fois élus, ces politiciens s’en prennent généralement à la fois aux institutions démocratiques et aux valeurs privilégiées au sein des démocraties libérales. La vague populiste a déferlé à plusieurs endroits sur la planète ces dernières années. De la Russie aux Philippines, en passant par la Turquie et la Hongrie.

Les Américains aussi – même si on ne peut pas mettre sur le même pied les errements de Donald Trump et les ravages faits par Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan – ont voté pour un populiste qui exprime fréquemment son mépris à l’égard des institutions démocratiques.

La montée en puissance des populistes signifie nécessairement la régression de la démocratie là où ils triomphent. Cette tendance s’inversera-t-elle cette année ? C’est possible. L’hebdomadaire The Economist soulignait que plus du tiers de la population mondiale votera en 2019. Ce sera notamment le cas au sein de trois des plus importantes démocraties de la planète : l’Inde, l’Indonésie et le Nigeria.

Il nous reste à espérer que les électeurs refuseront les fausses promesses des populistes, mais aussi que les rivaux de ces politiciens sauront redorer le blason des systèmes démocratiques ; prouver qu’ils peuvent répondre aux aspirations de chacun et non privilégier une minorité de citoyens aisés au détriment des autres.

— Alexandre Sirois

Ne pas oublier les vertus du modèle québécois…

Le mouvement des gilets jaunes en France nous a rappelé à quel point les inégalités socioéconomiques pouvaient susciter la colère. Imaginez : en 20 ans en France, les 10 % les plus riches ont vu leurs revenus bondir de 1000 euros par mois, tandis que les 10 % les plus pauvres n’ont eu droit qu’à 100 euros de plus. Un dangereux écart qui a contribué au ressentiment de la classe moyenne inférieure là-bas… et qui devrait nous faire réfléchir, ici au Québec.

Le gouvernement Legault s’est fait élire avec la promesse de remettre de l’argent dans le portefeuille des Québécois. Soit. Mais il ne faudrait pas oublier que les revenus fiscaux du gouvernement ne servent pas qu’à embêter les contribuables : ils permettent la généreuse redistribution qui caractérise le modèle québécois.

En France, les inégalités ont augmenté ces 25 dernières années, mais ce n’est pas le cas du Québec, grâce à son filet social justement. Une étude récente de l’Institut du Québec a même démontré que les inégalités n’avaient pas bougé depuis 40 ans !

Il y a là matière à être fier. Mais il y a peut-être là aussi une des raisons qui expliquent que le Québec a été plutôt épargné par les excès du populisme ces dernières années. Il sera donc important, en 2019, de se rappeler d’où vient cette égalité socioéconomique qui caractérise le Québec.

— François Cardinal

De l’amour pour les enseignants

L’éducation sera la « priorité nationale », a promis l’automne dernier le premier ministre François Legault lors de son discours inaugural.

Déjà, un risque se profile à l’horizon : celui de l’éparpillement dans une multitude de mesures. Pour que le gouvernement caquiste atteigne son objectif, nous avons donc un souhait : qu’il concentre ses énergies en début de mandat à valoriser la profession d’enseignant. La relation entre l’élève et son enseignant est déterminante pour la réussite scolaire.

Or, les enseignants sont débordés, surtout les jeunes. On les déplace d’une école à l’autre, où ils héritent des classes les plus difficiles, dans un réseau public où la classe dite ordinaire existe de moins en moins. Résultat, pas moins d’un jeune enseignant sur quatre aura quitté la profession après cinq ans.

Il faut d’urgence améliorer leurs conditions de travail. En les payant mieux à leurs débuts, en leur adjoignant des professionnels spécialisés dans les troubles d’apprentissage, en leur offrant du mentorat et des formations continues, et en leur épargnant les incohérences et ingérences des gestionnaires au-dessus de leur tête.

Cela ne se fera pas en quelques mois. Mais il faut maintenant avancer dans la bonne direction. Avec l’espoir que dans quelques années, de plus en plus de jeunes s’inscriront aux départements d’enseignement à l’université avec le rêve de devenir enseignant. Tellement qu’on aura alors l’embarras du choix, et qu’on choisira les meilleurs. Utopique ? Bien sûr. Mais c’est plus raisonnable que de se contenter du statu quo.

— Paul Journet

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