Vie au travail

L’attitude olympique appliquée au milieu de travail

Le stress au travail peut devenir une plaie quand il n’est pas pris en compte et quand on ne met pas en place des mécanismes de prévention et de détection efficaces. Pour y arriver, les milieux de travail peuvent s’inspirer des entraîneurs olympiques !

Confession

Jean-Paul Richard l’avoue : une déception sportive aux J.O. de Vancouver, en 2010, lui a fait revoir la façon dont il soutenait ses athlètes. « À Vancouver, j’avais des croyances, notamment que la seule chose qui comptait, c’était les médailles, racontait l’entraîneur cette semaine lors d’une conférence sur le stress organisée par le cabinet spécialisé en ressources humaines Morneau Shepell. Les athlètes et moi étions trop axés sur les résultats. Je leur transférais une telle pression ! Je croyais que c’était ce que je devais faire. J’ai laissé si peu de latitude, notamment à mon athlète Jesper Björnlund, un skieur acrobatique suédois. Une huitième place décrochée après une descente m’a permis de faire de l’introspection. Il y avait eu tellement de conversations manquées avec Jesper ! Il n’avait pas eu la chance de s’exprimer. »

Rédemption

Rapidement, lors d’une autre compétition, l’entraîneur de Jesper Björnlund a décidé de transformer son appui. Il a voulu être d’une grande écoute. « Dans la chaise nous menant en haut de la piste, je n’ai dit que quatre mots et j’ai laissé Jesper s’exprimer sur sa stratégie, raconte Jean-Paul Richard. Ça nous a conduits à une meilleure performance et à un bien-être incroyable. Et ça a changé ma trajectoire en tant qu’entraîneur. J’ai découvert que donner une voix à l’athlète, considérer sa perspective dans un moment stressant peut être très bénéfique. Cette expérience m’a permis de me questionner. Quatre ans plus tard, aux J.O. de Sotchi, alors que j’entraînais l’équipe féminine de ski acrobatique au Canada (dont les sœurs Dufour-Lapointe faisaient partie), je me suis dit qu’il fallait mettre l’accent sur l’invisibilité de la performance. J’ai alors découvert la théorie de l’autodétermination. »

Qu’est-ce que la théorie de l’autodétermination ?

C’est une théorie de motivation élaborée il y a plus de 40 ans par les chercheurs Edward Deci et Richard Ryan et testée scientifiquement dans les domaines du sport, de l’éducation et du travail, selon laquelle les êtres humains doivent satisfaire leurs besoins d’affiliation sociale, d’autonomie et de compétence pour fonctionner de façon optimale. « Ils ont donc besoin de se sentir connectés et estimés, explique Joëlle Carpentier, professeure à l’UQAM, chercheuse et spécialiste en formation de leaders de Mentalité reROOT. Ils ont besoin de sentir qu’ils sont les instigateurs de leurs comportements, en ligne avec leurs valeurs, de sentir qu’ils peuvent atteindre des objectifs. C’est une recette éprouvée applicable dans tous les contextes. »

Les bienfaits de combler les « trois besoins »

Jean-Paul Richard, aujourd’hui chef, programme de formation, formation des artistes au Cirque du Soleil et cofondateur de Mentalité reROOT, constate que combler ces besoins permet aux athlètes d’être dans le plaisir et de s’autogérer. « La meilleure façon de gagner des médailles… est de ne pas penser aux médailles, affirme-t-il. En tant qu’entraîneur, il faut créer un environnement optimal et sécuritaire. À Vancouver, je ne voulais que vendre mon plan, axé sur les résultats. Tandis qu’à Sotchi, j’étais dans le personnel et l’émotion pour améliorer le comportement des athlètes. On a capté les signes envoyés par les filles. On a fourni un sondage à l’équipe, puis appliqué ses recommandations à la lettre. On a créé beaucoup d’événements pour favoriser l’affiliation sociale et la communication. Quand les athlètes sont bien, ils vont être bons. Au Cirque, je soutiens aujourd’hui une équipe de 40 personnes et j’applique exactement ce que j’ai appris à Sotchi. »

Une note surprenante

Avant une compétition importante, un athlète doit avoir un niveau de stress de 6 ou 7 sur 10 pour pouvoir gérer sa nervosité et se concentrer sur sa performance. « Une mauvaise descente peut signifier une perte de commandite, notamment, souligne Joëlle Carpentier. S’il y a un métier stressant, c’est bien celui d’athlète olympique. Des athlètes comme Chloé Dufour-Lapointe peuvent estimer leur stress à 6 sur 10, car ils sont dans un environnement sain, offrant une sécurité psychologique. On peut reproduire ça dans nos milieux de travail. »

Les dangers du stress

Selon une enquête de Morneau Shepell, 40 % des gestionnaires et 34 % des employés canadiens sondés disent avoir souffert de stress extrême ces six derniers mois. Une augmentation de 3 % comparé à il y a deux ans. « C’est particulièrement alarmant, car un stress professionnel accru fait peser un plus grand risque sur la fidélisation des employés, outre les risques d’absence et d’invalidité que nous connaissons déjà », soutient Stephen Liptrap, président et chef de la direction de Morneau Shepell.

16 %

C’est le pourcentage d’employés qui sentent que leur organisation a de bonnes ressources en cas de détresse, fournit adéquatement du soutien en cas de problèmes familiaux et privilégie des mesures préventives. « Il y a clairement des possibilités de développement pour les organisations canadiennes », juge Paula Allen, vice-présidente, recherche et solutions d’analytique de Morneau Shepell.

1 pour 3

Chaque dollar investi dans des interventions de prévention axées sur la satisfaction des besoins et de la motivation optimale rapporte 3,19 $ à l’entreprise, selon une étude publiée aux éditions d’Oxford University Press.

Comment le gestionnaire peut-il s’assurer de combler les trois besoins (affiliation sociale, autonomie et compétence) ?

– En donnant des choix

– En posant des questions

– En favorisant la flexibilité d’horaire

– En favorisant l’autonomie des employés

– En acceptant les frustrations et sentiments négatifs des employés

« Une fois que cette roue est partie, les choses se font toutes seules », remarque Joëlle Carpentier.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.