Baie-Comeau

Québec soutient un projet d’exportation de charbon et de pétrole

QUÉBEC — Alors qu’il tente de verdir son image, le gouvernement Legault vient de soutenir un projet ferroviaire qui permettra d’acheminer du charbon et du pétrole de l’Ouest canadien pour l’exporter à partir de la Côte-Nord. Une décision incompatible avec les objectifs climatiques du Québec, selon des environnementalistes.

Dans son budget, Québec a réservé 7,5 millions pour financer une étude de faisabilité de QcRail. Cette initiative de l’organisme Innovation et développement Manicouagan (ID Manic) vise à bâtir un chemin de fer de 370 km entre Dolbeau-Mistassini et Baie-Comeau. Le port en eaux profondes qui s’y trouve serait ainsi raccordé au réseau ferroviaire nord-américain.

Selon des documents présentés par ID Manic au ministère de l’Environnement, le chemin de fer pourrait acheminer chaque année 4,7 millions de tonnes de charbon et 3,9 millions de tonnes d’hydrocarbures jusqu’au terminal portuaire.

On prévoit aussi construire un terminal d’entreposage d’hydrocarbures de 100 000 m3, soit l’équivalent de 625 000 barils de pétrole, à Baie-Comeau. Il serait aménagé « en bordure de l’emprise de la voie ferrée vers le port de mer ».

« incohérence »

Pour Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace, le soutien du gouvernement Legault au projet QcRail témoigne de son « incohérence » sur la question environnementale.

« Ça va à l’encontre de toute logique face à l’urgence climatique, a indiqué M. Bonin. Le gouvernement devrait clairement attacher des clauses empêchant qu’un seul dollar d’argent public serve à faciliter le transport de pétrole sur le territoire québécois. »

Au cabinet du ministre des Ressources naturelles, Jonatan Julien, on fait valoir que QcRail ne servirait pas seulement au transport d’hydrocarbures, et qu’il s’agit d’un projet « multiusage ». Le plan d’affaires prévoit en effet que l’infrastructure servirait à l’expédition de grain, de minerai, de fertilisant et de bois.

« C’est un projet qui va amener d’autres entreprises à s’établir dans la région. On a un grand territoire et on a besoin de projets comme ça. »

— Claude Potvin, porte-parole du ministre des Ressources naturelles, Jonatan Julien

Claude Potvin rappelle que la subvention ne sert qu’à financer une étude de faisabilité de QcRail. Avant d’aller de l’avant, les promoteurs devront confirmer la rentabilité du projet et le soumettre à l’examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).

Plusieurs entreprises industrielles ont exprimé de l’intérêt pour le prolongement du chemin de fer vers la Côte-Nord, notamment Alcoa, Produits forestiers Résolu et Cargill, qui exploite un terminal d’exportation du grain à Baie-Comeau.

Rentable sans pétrole

Le directeur du développement industriel d’ID Manic, Guy Simard, confirme que le projet de 1,5 milliard comporte un volet d’exportation de pétrole et de charbon, mais pas à long terme. Il s’attend à ce que l’ouverture du chemin de fer survienne en 2024, lorsque la construction de nouveaux pipelines aura provoqué une baisse des expéditions de pétrole par rail.

« Le projet peut avoir une faisabilité financière sans hydrocarbures », a résumé M. Simard.

« Tout ce qui est exploitation de charbon et autres, ce sont toutes des matières qui sont constamment en diminution. Ce ne sont pas les matières centrales sur lesquelles un projet comme celui-ci doit se construire. »

— Guy Simard, directeur du développement industriel chez Innovation et développement Manicouagan

Le promoteur voit plusieurs avantages à étendre le réseau ferroviaire à la Côte-Nord. Cette stratégie permettrait de créer un corridor nordique qui relierait l’Ouest à l’océan Atlantique sans passer par les grands centres urbains comme Toronto, Montréal et Québec. Ce faisant, il réduirait les activités de transbordement dans ces zones densément peuplées et il dégagerait des voies ferrées du Sud pour augmenter le transport de passagers.

« Le Canada et le Québec ont tout à gagner à miser sur le train, a expliqué M. Simard. Le train, c’est le tiers des émissions de CO2 du camion par tonne de marchandise transportée. »

Le conseil régional de l’environnement (CRE) du Saguenay–Lac-Saint-Jean se dit préoccupé par les risques de déversement d’hydrocarbures en cas de déraillement. Mais il se dit favorable à une étude de faisabilité sur QcRail.

« Il y a actuellement plusieurs projets industriels dans le Saguenay, une hausse des bateaux de croisières […] qui vont accroître la navigation commerciale dans le Saguenay, explique Tommy Tremblay, directeur du CRE. Si tous les projets vont de l’avant, la navigation commerciale devrait doubler d’ici 2020 et tripler d’ici 2030, avec tout l’impact qu’on appréhende sur le béluga et sur l’écosystème du Saguenay. »

aide médicale à mourir

Le tiers des demandes sont refusées

QUÉBEC — Des malades admissibles à l’aide médicale à mourir ne la reçoivent pas ou se heurtent à des obstacles pour l’obtenir, un phénomène « préoccupant », dénonce la Commission sur les soins de fin de vie. L’organisme s’étonne que le tiers des demandes pour abréger les souffrances soient refusées.

La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, reconnaît que des correctifs doivent être apportés. D’autant que l’accès aux soins de fin de vie et aux soins palliatifs varie grandement de région en région. Elle appelle les établissements de santé à redresser la barre.

La Commission a déposé hier un rapport qui dresse un bilan de l’application de la Loi sur les soins de fin de vie, en vigueur depuis trois ans. À ce jour, 1632 personnes ont reçu l’aide médicale à mourir, 10 fois plus que ne l’avaient prévu les parlementaires au moment de l’entrée en vigueur de la loi, en décembre 2015. Cette « forte croissance » s’est accentuée au fil des ans, et la Commission s’attend à ce que la tendance se poursuive dans l’avenir.

Or, « la Commission est très préoccupée par le fait que certaines personnes qui satisfont à l’ensemble des critères d’admissibilité prévus dans la Loi, et donc qui sont en droit de recevoir l’aide médicale à mourir, éprouvent des difficultés à l’obtenir », peut-on lire dans le rapport.

Elle constate « d’importants problèmes auxquels elle ne peut demeurer indifférente ». 

« Il est rapporté que des personnes sont dissuadées de faire une demande, que leur demande n’est pas entendue ou encore qu’elle est rejetée sans avoir été évaluée adéquatement. »

— Extrait du rapport de la Commission sur les soins de fin de vie

La Commission relève que le tiers des demandes d’aide médicale à mourir n’ont pas été acceptées (830 sur 2462). « Cela nous étonne. Cela requiert une analyse critique afin de bien comprendre cette situation et y apporter les solutions appropriées », a affirmé son président, Michel A. Bureau, en conférence de presse.

Dans 23 % des cas, le malade ne répondait pas aux critères au moment de la demande (être en fin de vie, être apte à consentir aux soins, avoir des souffrances constantes et insupportables, avoir une maladie grave ou incurable, connaître un déclin avancé et irréversible de ses capacités).

Mais environ 400 personnes potentiellement admissibles à l’aide médicale à mourir ne l’ont pas reçue. Entre autres parce qu’elles étaient mortes ou qu’elles étaient devenues inaptes à consentir aux soins en cours de processus. « Cela nous préoccupe », a déclaré Michel A. Bureau.

Selon lui, « dans toute la chaîne qui conduit à l’administration de l’aide médicale à mourir, il y a des obstacles ». Trouver un médecin pour faire l’évaluation et administrer l’aide médicale à mourir peut être difficile, a-t-il dit à titre d’exemple.

D’ailleurs, environ 350 médecins – à 80 % des médecins de famille – ont administré l’aide médicale à mourir jusqu’ici. Cela représente à peine 1,7 % du corps médical. L’adhésion des médecins au programme est nettement insuffisante, selon la Commission. 

Autres écueils selon la Commission : le formulaire de demande est souvent signé à une étape très avancée de la maladie, alors qu’il est déjà presque trop tard. Il arrive également que l’accès à l’aide médicale à mourir soit influencé par une interprétation ou une évaluation différente des conditions d’admissibilité, en particulier sur la notion de fin de vie, ajoute-t-elle.

plus de 30 jours d’attente

Le délai moyen de traitement d’une demande est de 12 jours – le fédéral exige un délai minimal de 10 jours, sauf exception. Des malades ont toutefois dû attendre plus de 30 jours.

La part des refus par rapport au nombre de demandes diffère beaucoup selon la région (entre 0 % et 52 %) et selon l’établissement (entre 0 % et 75 %). Au CHUM, une demande sur deux est refusée.

La Commission note que certains des établissements qui administrent le moins d’aide médicale à mourir figurent également dans la liste de ceux qui refusent les demandes dans une plus forte proportion.

Il y a de la « résistance » dans certains établissements en ce qui concerne les demandes d’aide médicale à mourir, estime Michel A. Bureau. Il y a également un manque de médecins volontaires à certains endroits. 

Danielle McCann convient que des demandes d’aide médicale à mourir « tombent entre deux chaises » et « ne sont pas entendues ». « Il y a un leadership à prendre par la direction de l’établissement pour aider à ce que cet accès soit amélioré », a-t-elle signalé. Elle veut mettre sur pied dans chaque établissement un « guichet » unique pour répondre aux personnes qui s’estiment lésées ou qui rencontrent des difficultés avec leur demande, comme le suggère la Commission.

Accès élargi aux personnes inaptes ?

Danielle McCann a réitéré son intention de tenir des consultations publiques en vue d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes inaptes, comme celles qui sont atteintes d’alzheimer. Une personne pourrait exprimer son consentement à l’avance, par l’entremise de directives médicales anticipées. 

Une réforme de la Régie du logement pour réduire les délais

QUÉBEC — La ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, estime que les réformes qu’elle apporte à la Régie du logement – qui devient le Tribunal administratif du logement – permettront de réduire ses délais de traitements de 16 à 2 mois.

Dans un projet de loi qu’elle a déposé hier à l’Assemblée nationale, Mme Laforest modifie notamment les règles qui encadrent les conciliations afin de désengorger le tribunal des causes qui pourraient être réglées sans passer devant un régisseur.

« On pourrait passer de 16 à 2 mois d’attente. […] On augmente [notamment] de neuf régisseurs [et] on a un montant de 24 millions qui a été [inclus dans le dernier] budget pour la Régie du logement spécifiquement. Pour les propriétaires autant que pour les locataires, ce projet de loi était vraiment attendu parce que les délais [actuels], c’est incroyable comment c’est trop long », a dit la ministre.

Le directeur des affaires publiques de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), Hans Brouillette, accueille toutefois avec prudence le projet de loi déposé par le gouvernement Legault. Il rappelle aussi que les réformes proposées par Québec reprennent essentiellement un ancien projet de loi (mort au feuilleton) qui a été déposé quelques jours avant la fin de la dernière législature par le gouvernement Couillard.

« J’étais [aussi] là en 2006 quand la ministre Nathalie Normandeau avait annoncé huit régisseurs de plus en promettant de faire tomber le nombre de causes civiles, qui étaient de 22 000 à l’époque, à 7000. C’est [finalement] monté à 26 000 […]. Donc les objectifs de réduire les délais, on les partage, [mais] l’assurance qu’on va atteindre ces délais-là, on en doute », a-t-il dit.

« Une occasion manquée »

Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) se dit quant à lui « amèrement déçu ».

« Le projet de loi 16 propose des modifications techniques au fonctionnement interne du tribunal qui ne s’attaqueront pas aux nombreuses injustices vécues par les locataires. La ministre décide de prioriser des mesures cosmétiques comme de changer le nom de la Régie pour le Tribunal administratif du logement plutôt que de revoir de fond en comble le tribunal », a déploré le porte-parole du RCLALQ, Maxime Roy-Allard.

« Il est urgent d’instaurer un contrôle obligatoire des loyers et de favoriser des ententes de paiement pour limiter les expulsions de locataires. Le tribunal doit non seulement mieux protéger les locataires, mais aussi favoriser l’accès à la justice en réduisant significativement les délais et en ouvrant des points de service dans toutes les régions du Québec », a-t-il poursuivi.

Sur ce point, Andrée Laforest a affirmé qu’en « donnant plus de pouvoirs aux greffiers, des causes [seraient] entendues dans toutes les régions du Québec » et que « des régisseurs [allaient] se déplacer [à l’occasion] dans les régions ».

Nouveaux règlements pour les condos

Le projet de loi de la ministre Laforest modifie aussi le Code civil en matière de copropriété divise pour forcer les syndicats de copropriétés à réaliser tous les cinq ans une étude du fonds de prévoyance pour s’assurer que celui-ci soit « suffisant pour couvrir le coût estimatif des réparations majeures et de remplacement des parties communes ».

Selon Mme Laforest, cette nouvelle obligation de maintenir un fonds de prévoyance suffisamment élevé représente une augmentation de frais moyenne de 5,50 $ par mois pour les propriétaires.

« Le parc immobilier du Québec est vieillissant. Cette constatation s’applique aux copropriétés qui représentent 12 % des habitations sur tout le territoire. […] L’étude [du] fonds de prévoyance sera constituée à l’aide d’un carnet d’entretien qui dressera un portrait des besoins de l’immeuble. Nous souhaitons éviter que les copropriétaires aient à débourser des cotisations spéciales qui sont de plus en plus courantes et qui peuvent avoir un effet considérable sur leur budget », a dit la ministre.

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