L’optimisme débordant de Lance Stroll lors du dévoilement de la toute première voiture de l’histoire de l’équipe Racing Point, l’hiver dernier à Toronto, s’est rapidement dissipé.
Vingt et une courses plus tard, le pilote québécois dresse un bilan plutôt mitigé de sa saison 2019 en Formule 1.
Stroll, âgé de 21 ans, a terminé au 15e rang du championnat des pilotes en vertu d’une récolte de 21 points, loin derrière le champion, le Britannique Lewis Hamilton (413 points).
Même s’il s’agit d’un résultat supérieur à celui de 2018, alors qu’il avait fini 18e avec 6 points au classement chez Williams, celui-ci est loin d’être satisfaisant pour le principal intéressé.
Stroll avait déclaré en février dernier qu’il croyait être en mesure d’aspirer régulièrement au podium en 2019, et peut-être même de propulser l’équipe canadienne au quatrième rang des constructeurs – derrière Mercedes, Ferrari et Red Bull.
Mais la réalité l’a frappé de plein fouet.
« Quinzième au classement, ce n’est pas un objectif acceptable. Et mon classement en 2018 [chez Williams] ne compte pas – si on regarde encore les deux Williams cette saison, elles sont 19e et 20e au classement, donc c’est vraiment la voiture qui fait une grande différence dans les résultats », a-t-il expliqué à La Presse canadienne.
L’athlète de Mont-Tremblant considère en ce sens que les ennuis financiers qui ont frappé l’équipe Force India l’an dernier, la forçant à se placer sous administration judiciaire l’an dernier et à être rachetée par un groupe d’hommes d’affaires mené par son père Lawrence, ont entraîné des retards dans le développement de la voiture RP19.
« Ce sont les autres équipes qui ont fait de bons paris et bien développé leurs voitures – en particulier McLaren, qui a fait du très bon travail pendant l’hiver », a avancé Stroll.
« Quant à nous [Racing Point], nous n’avons pas assez développé la nôtre. Et il y avait plusieurs raisons pour ça ; l’équipe était dans une position difficile l’an dernier, et c’est ce qui nous a mis à l’arrière du peloton en début de saison. »
Ce point de vue est partagé par François Dumontier, promoteur du Grand Prix du Canada.
« Les gens sont impatients. Ils ont la mèche courte avec Lance », a résumé Dumontier.
« Il ne faut pas oublier que lorsque le groupe de son père Lawrence a repris Force India, qui était sous administration judiciaire, ça faisait facilement un an qu’il n’y avait aucun développement au sein de l’équipe. Ils ont du rattrapage à faire, mais je pense que ça va venir. »
Des fleurs pour Pérez
Stroll a toutefois pris une partie du blâme pour ses modestes résultats.
Il n’a toujours pas signé de podium depuis 2017 – son meilleur résultat cette saison a été une quatrième place au rocambolesque Grand Prix d’Allemagne et il n’a atteint la dernière phase des qualifications (Q3) qu’une seule fois, au Grand Prix d’Italie.
« Oui, en début de saison, j’avais de la difficulté à sortir de la Q1. Il nous manquait beaucoup de vitesse et j’étais incapable de soutirer le maximum de la voiture », a-t-il avoué.
« Nous nous sommes améliorés au fil de la saison, tant moi personnellement que la voiture, et atteindre Q3 demeure mon objectif en qualifications. Mais il ne faut jamais oublier que ce sont les dimanches qui comptent le plus.
« Malheureusement, nous avons été victimes de quelques malchances en deuxième moitié de saison, comme en Italie, où nous avions une belle occasion de marquer des points et malheureusement [Sebastian] Vettel m’a heurté », a-t-il rappelé.
« Ce n’est pas la deuxième moitié de saison que j’espérais, mais je ne perds pas confiance. »
Cela dit, un fossé impressionnant s’est creusé au fil de la saison entre lui et son coéquipier Sergio Pérez, qui a fini 10e au classement avec une récolte de 52 points – plus du double de Stroll.
Ce dernier avance une théorie pour le justifier, et n’a pas hésité à lui lancer des fleurs.
« C’est simple, il a connu une bonne deuxième moitié de saison, et moi, non », a-t-il dit à propos du Mexicain qui court pour Force India/Racing Point depuis 2014.
« C’est toujours bien d’avoir quelqu’un qui te sert de référence avec la voiture, mais en fin de compte, c’est à toi de régler la voiture et d’adapter ton style de pilotage pour maximiser tes résultats », a confié Stroll.
« C’est bien de pouvoir compter sur un coéquipier aussi expérimenté que lui [Pérez] – ça me permet de voir et de comprendre comment je peux m’améliorer. J’ai été très chanceux de pouvoir compter sur lui cette saison. »
De plus, le principal intéressé croit que le fait qu’il sera de retour avec Racing Point la saison prochaine, à bord d’une voiture qui lui sera plus familière, lui permettra de rétrécir l’écart avec Pérez.
« Personnellement, le fait que je puisse faire un retour avec la même équipe, pour une deuxième saison de suite, avec plus d’expérience, c’est simplement mathématique. Ce sera un gros bénéfice. C’est ce que je crois, mais je devrai attendre encore un an avant de pouvoir confirmer ma théorie », a-t-il dit.
« Je suis certain que l’an prochain, je pourrai améliorer tous mes résultats de cette saison – à cause, entre autres, de ma capacité à soutirer le maximum de la voiture. »
Battre McLaren et Renault
Stroll entrevoit la saison prochaine avec un optimisme renouvelé, même s’il admet que la hiérarchie devrait demeurer identique en 2020 – en attendant l’application des nouveaux règlements en 2021.
« En général, nous avons marqué des points dans quelques courses – pas assez, ça c’est sûr –, mais nous n’étions pas assez compétitifs par rapport à McLaren et à Renault », a-t-il admis.
« L’objectif sera donc de terminer au quatrième rang du classement, car je ne pense pas qu’on puisse se battre encore avec le Big Three – Mercedes, Ferrari et Red Bull –, donc la meilleure [équipe] des autres demeure notre objectif.
« Je pense que tout est en place pour l’année prochaine, pour bien faire. Il s’agit maintenant d’y mettre du temps, un luxe que nous n’avions pas l’hiver dernier à cause de tous les changements survenus dans l’équipe.
« Il faudra rester concentrés sur la tâche à accomplir, car les autres équipes vont aussi poursuivre leur développement, donc je m’attends encore à ce que ce soit très serré en milieu de peloton », a-t-il conclu.
Stroll aura un facteur de motivation de plus l’an prochain, puisqu’il ne sera plus le seul pilote canadien sur la grille.
L’embauche de Nicholas Latifi chez Williams à la fin du mois de novembre pourrait en effet l’inciter à relever d’un cran son niveau de performance.
— Alexandre Geoffrion-McInnis, La Presse canadienne