Natation

Les dernières longueurs de Sandrine Mainville

En rentrant à l’hôtel après la dernière soirée des Championnats du monde de Budapest, en juillet, Sandrine Mainville s’est mise à pleurer. « Wow, c’est vraiment la fin », s’est-elle dit.

En réalité, la médaillée des Jeux olympiques de Rio nage encore. Plus vite que jamais, mais plus pour très longtemps.

Aux Championnats nationaux universitaires de Toronto, fin février, elle a réalisé le meilleur temps de sa carrière au 50 mètres libre en petit bassin. Elle s’est aussi approchée à cinq centièmes de sa marque personnelle au 100 m libre, qui date de 2013 et représentait alors un record canadien.

Au total, pour sa dernière compétition universitaire à vie, la représentante des Carabins de l’Université de Montréal a remporté quatre médailles d’or et une d’argent, occupant les deux plus hautes marches du podium à deux reprises avec sa sœur cadette Ariane.

Pas mal pour une athlète de 26 ans qui nage deux fois moins souvent qu’à l’époque de Rio. « Je me suis surprise », a confié Sandrine Mainville, rencontrée hier matin à la piscine du Parc olympique de Montréal, où elle participe jusqu’à dimanche aux Championnats canadiens.

Après le bronze obtenu au relais 4 x 100 m libre à Rio, Mainville a quitté le centre d’entraînement national de Toronto pour revenir s’établir à Montréal, nager avec sa sœur à CAMO et poursuivre ses études de droit.

Sa session terminée, elle a renoué avec la métropole ontarienne et l’entraîneur Ben Titley en prévision des Mondiaux de Budapest (grand bassin), où elle a atteint ses deux premières demi-finales individuelles. Elle a également réussi un autre meilleur chrono à titre de première relayeuse en préliminaires du 4 x 100 m libre mixte. En soirée, ses quatre coéquipiers lui ont permis de conclure sa carrière avec la médaille de bronze, sa deuxième à cette épreuve.

En somme, Mainville en avait encore sous la pédale. À l’automne, après une longue pause, l’appel des bassins s’est fait sentir. « Je n’étais pas prête à passer de 100 % à 0 », résume la native de Boucherville, où une nouvelle piscine a été nommée en son honneur.

« Me lâcher lousse »

Elle s’est souvenue d’une conversation qu’elle avait eue quelques mois plus tôt avec Christopher Bezeau, ancien coéquipier et ami devenu entraîneur adjoint de Pierre Lamy avec les Carabins. À la blague, elle lui avait lancé : « Si tu continues, je continue. »

Autour d’un café, elle lui a exposé son plan : « Je lui ai dit exactement ce que je voulais : “Tu as été nageur jusqu’à tout récemment, tu connais exactement mes besoins, tu vas me comprendre.” Si je te dis “c’est trop”, c’est trop. Si je te dis que je dois manquer pour l’école, tu dois être compréhensif. On était vraiment sur la même longueur d’onde tout de suite en partant. »

Bezeau s’est vu confier un groupe de sprinteurs auquel Mainville s’est jointe. Plongée à plein dans l’environnement universitaire pour la première fois, elle s’est éclatée. La proximité du CEPSUM facilitait sa vie d’étudiante à temps plein et de travailleuse à temps partiel (elle donne des conférences dans le cadre du programme Athlètes olympiques RBC).

« C’était comme un peu ma façon de me lâcher lousse et de continuer un peu à vivre le rêve. »

— Sandrine Mainville

« Je ne sais pas comment l’expliquer, mais le fait de s’entraîner avec une équipe de 40 personnes, de tous vivre la même chose, d’être stressés au même moment, de vivre des joies, des peines, c’est un peu unique au sport. »

Une année d’adieux

Cette ambiance a probablement contribué à ses succès dans l’eau en dépit d’une charge réduite et d’un horaire scolaire particulièrement exigeant cet hiver. « Même Chris a été surpris, on ne s’attendait pas à ça. En y repensant, j’ai tellement eu de fun à m’entraîner cette année que ça a peut-être joué [en ma faveur]. Quand tu te mets moins de pression sur les épaules et que tu fais juste savourer le moment… Si je faisais ça pendant encore deux ans, ça ne marcherait peut-être pas. Mais je pense que cette année, c’était juste parfait pour moi. »

« Techniquement », comme elle le dit, Mainville est à exactement deux ans des sélections olympiques pour les JO de Tokyo en 2020. Elle ne s’y voit pas du tout. « Je n’ai pas peur de le dire : j’ai fini après cette année. »

Finissante en décembre, elle s’attaquera ensuite au Barreau. Suivra un stage dans le cabinet montréalais BLG, dont elle vient tout juste d’obtenir la confirmation, dernière étape avant d’être reçue avocate.

« Impossible de faire les deux, tranche Mainville. On dirait que toute ma vie est organisée sur le plan professionnel et j’ai hâte de faire le saut. Cette année m’a vraiment permis de faire mes adieux. »

Les Championnats canadiens de Montréal lui permettront de prendre ses marques pour ceux d’Edmonton, en juillet, sélectifs pour les Championnats panpacifiques de… Tokyo, où elle aimerait tirer son dernier coup de chapeau.

Fidji et Buenos Aires à l’enjeu

En l’absence de la presque totalité des meilleurs nageurs, qui sont en Australie pour les Jeux du Commonwealth, les Championnats nationaux RBC de Montréal (d’aujourd’hui à dimanche) serviront avant tout de qualification pour l’équipe nationale de développement en vue des Championnats panpacifiques juniors (Fidji, du 23 au 26 août) et des Jeux olympiques de la jeunesse (Buenos Aires, du 6 au 18 octobre). Par ailleurs, contrairement à ce qui était écrit hier dans La Presse+, l’équipe de natation du Canada sera représenté aux Jeux du Commonwealth par 23 femmes et 13 hommes, et non l’inverse.

— Simon Drouin, La Presse

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