OPINION

LOI QUÉBÉCOISE SUR LE CLIMAT Un impératif incontournable

Les changements climatiques nous confrontent à une urgence existentielle sans précédent. Il importe d’agir immédiatement. Le statu quo ne peut durer.

Le Québec doit faire face à ce défi par tous les moyens. Dans un contexte où l’erreur n’a plus sa place, ces moyens doivent être encadrés par une loi qui assurera leur efficacité et leur cohérence. Il ne s’agit pas de s’imposer des obligations écrasantes, mais d’avoir le courage de s’astreindre à celles que le défi climatique rend indispensables.

Dans cet esprit, en décembre dernier, deux juristes experts en droit de l’environnement, Michel Bélanger et Mario Denis, ont proposé au gouvernement Legault un court projet de loi visant à assurer le respect des engagements du Québec en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de lutte contre les changements climatiques.

Ce projet de loi s’apparente à des lois similaires adoptées ailleurs au Canada et dans le monde.

Il s’accorde autant avec le mouvement du Pacte pour la transition qu’avec les objectifs de l’accord de Paris, approuvé à l’unanimité par tous les partis politiques à l’Assemblée nationale voilà à peine deux ans.

Afin d’éviter de faire de l’urgence climatique un enjeu partisan, les deux juristes proposent une démarche qui, pour l’essentiel, oblige le gouvernement à respecter les cibles que le Québec s’est lui-même fixées en matière de réduction des GES, tant lorsqu’il autorise un projet qui émet des GES que lorsqu’il développe de nouvelles politiques ou prépare des lois et règlements.

Le projet ne dépouille pas les instances politiques de leur autorité. Son objectif est avant tout de rendre visible aux yeux du public ce qui ne l’est pas actuellement, ne serait-ce que pour lui permettre de mieux comprendre et accepter les efforts collectifs que requerront certaines mesures.

Le projet de loi impose donc des obligations de transparence et de reddition de compte en exigeant du gouvernement de rendre public un document qui démontre la quantité d’émissions de GES de toute activité donnée et la justification de sa démarche décisionnelle.

Bref, c’est à l’opinion publique que le projet de loi confie le pouvoir de sanctionner les décisions gouvernementales.

Toujours dans cette perspective, le projet mobilise une autre instance gouvernementale, le Vérificateur général du Québec, en proposant la création d’un bureau permanent de surveillance climatique qui relèvera du Commissaire au développement durable.

Ce bureau sera exclusivement consacré à des fonctions de vérification et d’enquête portant sur l’ensemble de l’action climatique du gouvernement, avec obligation de communiquer annuellement à l’Assemblée nationale un rapport de ses constatations, conclusions ou recommandations sur cette action.

Il ne peut y avoir de véritables débats démocratiques au sujet des orientations du gouvernement en matière de changements climatiques si les conséquences des décisions qu’il prend sont inconnues.

C’est ce que permettent les obligations de transparence et de reddition de compte prévues par le projet de loi.

L’information publique qui découlera de ces dernières mesures incitera, d’une part, une plus grande prise en compte des impacts à moyen et à long terme des politiques et des actions gouvernementales et, d’autre part, contribuera à accroître la légitimité et l’équité des mesures visant une transition vers une économie sobre en carbone.

Un choix s’impose donc à nous. Nous pouvons nous attaquer dès aujourd’hui aux changements climatiques dans un contexte d’ordre, de stabilité et de prévisibilité, comme le proposent Me Bélanger et MDenis. Ou l’on peut attendre le jour, pas très loin d’ailleurs, où l’urgence ne permettra plus l’adoption de stratégies optimales et moins coûteuses.

* Cosignataires : les professeurs de droit Sébastien Jodoin (Université McGill) ; Konstantia Koutouki (Université de Montréal) ; Jean Baril (Université du Québec à Montréal) ; Richard Yanda (Université McGill) ; Paule Halley (Université Laval) ; Sophie Lavallée (Université Laval) ; Sophie Thériault (Université d’Ottawa) ; David Robitaille (Université d’Ottawa) ; Catherine Choquette (Université de Sherbrooke) ; Hélène Mayrand (Université de Sherbrooke) ; Marie-Claude Desjardins (Université de Sherbrooke) ; Hélène Trudeau (Université de Montréal) ; Jaye Ellis (Université McGill) ; Denis Bourque (Université du Québec à Chicoutimi) ; Suzanne Comtois (Université de Sherbrooke) et Nathalie Chalifour (Université d’Ottawa)

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