Mon clin d’œil

Les mariages royaux sont un mélange de conte de fées et de compte de taxes.

OPINION

CAS D’EXPULSION
Ramenons Lucy !

La récente histoire de Lucy Granados, expulsée le 13 avril dernier après une importante mobilisation de la société civile en sa faveur, a mis en lumière ce que vivent des centaines d’autres femmes ayant un statut d’immigration précaire ou vivant sans papiers au Canada.

Ces femmes, exploitées par le système capitaliste, particulièrement vulnérables face aux violences racistes et sexistes, se retrouvent ainsi à l’intersection de plusieurs systèmes d’oppression. Invisibles et exclues, elles vivent pourtant parmi nous, nettoient nos maisons et nos bureaux, gardent nos enfants et nos aînés, emballent et servent la nourriture que nous mangeons… D’une manière ou d’une autre, nous profitons tous de leur exploitation.

En tant que femmes, et en tant qu’organisations qui luttent pour l’égalité des droits pour toutes les femmes, cet appel vise à rappeler que nous ne pouvons pas oublier les plus vulnérables d’entre nous et que c’est notre devoir de défendre les femmes autochtones, les femmes racisées, les femmes pauvres et les femmes sans papiers.

Le Collectif des femmes sans statut de Montréal (dont Lucy était membre) tente d’attirer l’attention du gouvernement et de l’ensemble de la société sur la situation de ces femmes depuis des années. En portant des masques blancs devenus emblématiques de la cause des sans-papiers, elles disent à la fois la violence d’être ignorées et l’obligation de se cacher, parce qu’elles ont peur. Depuis l’arrestation violente de Lucy, elles sont encore plus terrifiées : qui est la prochaine sur la liste ? Qui, arbitrairement, va être traquée, arrêtée et expulsée ?

L’histoire de Lucy est à bien des égards exemplaire. Cette veuve, mère de trois enfants, vivait à Montréal depuis neuf ans après avoir déposé une demande d’asile qui a été refusée. Arrêtée chez elle le 20 mars par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), elle a passé trois semaines en détention avant d’être expulsée, malgré les recommandations d’experts médicaux craignant pour sa santé. 

Son cas a rappelé les conséquences dramatiques du manque de courage politique de beaucoup de nos représentants, ainsi que l’arbitraire d’un système d’immigration qui broie des vies, les vies de personnes qui ont un visage, mais dont on ignore la simple présence parmi nous…

Le système d’immigration maintient délibérément des groupes de personnes dans des situations de grande précarité qui les rendent plus vulnérables et ainsi plus faciles à exploiter.

Lorsque l’ancien maire de Montréal avait promis une ville sanctuaire (restée une coquille vide), Valérie Plante, alors dans l’opposition, avait déclaré que cela impliquerait que les sans-papiers ne soient pas vus comme des criminels. Pourtant, une fois devenue mairesse de Montréal, le silence de Mme Plante sur ce sujet demeure assourdissant, y compris au moment où de nombreux alliés (dont ses électeurs) se mobilisaient pour empêcher l’expulsion de Lucy.

Montréal, ville sanctuaire ?

Par cet appel, nous demandons au ministre de l’Immigration, Ahmed Hussen, d’accepter la demande de résidence permanente de Lucy, encore à l’étude. Nous demandons que Montréal devienne une vraie ville sanctuaire : que concrètement, les personnes sans papiers aient accès à tous les services municipaux et que la collaboration entre les services de police et les services frontaliers cesse.

Nous demandons que les revendications des femmes sans statut soient entendues et qu’elles puissent jouir des mêmes droits que les membres plus privilégiés de notre société.

* Organisations signataires : 

Fédération des femmes du Québec ; Centre des femmes d’ici et d’ailleurs ; Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) ; Centre des femmes de Saint-Laurent ; Centre des femmes solidaires et engagées (CFSE) ; Centre d’éducation et d’action des femmes (CÉAF) ; Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL) ; Cercle des Premières Nations de l’UQAM ; Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF) ; L’R des centres de femmes du Québec ; Le Mouvement contre le viol et l’inceste (MCVI) ; Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS) ; Centre de lutte contre l’oppression des genres ; Table régionale des centres de femmes de Montréal métropolitain Laval ; Centre de Femmes – femmes du monde à Côte-des-Neiges ; Centre des femmes de Laval ; Halte-Femmes Montréal-Nord ; Femmes de diverses origines ; Centre communautaire des femmes sud-asiatiques (SAWCC) ; Carrefour des femmes d’Anjou ; Maison Simonne-Monet-Chartrand ; Carrefour pour Elle ; Regroup’elles ; Projet Accompagnement Québec-Guatemala ; Union for Gender Empowerment

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