Mon clin d’œil

La saison prochaine, ce sont les participants qui vont investir dans les projets des dragons.

OPINION

CAMPAGNE « BELL CAUSE POUR LA CAUSE » Paroles, paroles, paroles

Chaque année, « Bell Cause pour la cause » fait le tour des médias sociaux, invitant ses participants à encourager le dialogue et à mettre fin à la stigmatisation autour de la santé mentale dans une vaste campagne virale.

Une campagne louable, avec de bonnes intentions, sur laquelle nous nous devons de poser un regard critique dans le cadre d’une véritable crise sociale autour des problèmes de santé mentale.

Parler… mais de quoi et comment ?

En parcourant mon fil d’actualités, force est de constater que lorsqu’on parle de santé mentale, on parle principalement d’anxiété ou de dépression. Deux catégories de troubles majeurs, en hausse constante selon les données de l’Institut de la statistique du Québec, mais qui éclipsent par leur omniprésence médiatique d’autres maladies sévères telles que la schizophrénie, les troubles bipolaires, les troubles neurocognitifs (comme la démence), l’autisme ou encore les déficits intellectuels.

Les troubles mentaux dignes de mention sont ceux qui empêchent les individus oscillant autour de la norme de participer pleinement au marché du travail, alors que ceux qui sont les plus profondément isolés de la société par la gravité de leur maladie sont à peine évoqués.

Quant à la solution aux problèmes de santé mentale, ce serait simplement d’en parler. Si chaque citoyen est libre de s’exprimer sur les sources de sa souffrance, est-il vraiment possible de critiquer son employeur ou le système capitaliste et productiviste dans lequel nous évoluons sans courir le risque d’être victime d’ostracisme, voire d’être congédié ?

Les individus atteints de maladie mentale, souvent déjà en situation de précarité financière, se retrouvent donc forcés à tourner leur regard vers eux-mêmes – au moyen d’une autocritique visant à mieux faire pour maximiser leur bien-être –, plutôt que tourner leur regard sur les facteurs extérieurs.

La philanthropie à la rescousse

Par le passé, plusieurs commentateurs et ex-employés ont déjà soulevé les contradictions des politiques internes de Bell face à ses employés et l’image qu’elle essaie de projeter par cette campagne. Quel meilleur moyen de redorer son blason qu’en s’affiliant à un problème social en vogue ?

Il est intéressant de voir une entreprise de télécommunications se proposer comme militant pour la santé mentale, alors que ses profits découlent de notre dépendance aux médias sociaux, dont les effets néfastes sur l’estime de soi, l’humeur, le sommeil ou la concentration alarment de plus en plus les professionnels de la santé.

Bell se targue aussi de bientôt atteindre son objectif de 100 millions amassés depuis le lancement de sa campagne en 2010. Pourtant, lorsque le gouvernement libéral imposait une sévère période d’austérité au Québec, éliminant des milliards en santé, en services sociaux, en éducation et en logement, où était Bell pour se porter à la défense de ces importants déterminants de la santé mentale ?

Les entreprises sont fières de s’associer à plusieurs campagnes philanthropiques, mais lorsque vient le temps de défendre le système sociosanitaire devant les rigueurs des politiques néolibérales, elles se font rarement entendre.

de la parole aux actes

Mettre fin à la stigmatisation et parler de santé mentale sont essentiels pour faire face à ce problème. Ne pas penser à des solutions concrètes ou à une critique du système contribuant à ce problème, tout en laissant une entreprise dicter le discours, c’est s’engager dans un véritable dialogue de sourds.

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