MON CLIN D’ŒIL

« Prendre un verre à la Saint-Patrick, est-ce de l’appropriation culturelle ? »

— Un fêtard conscientisé 

Témoignage

Un vent de changement soufflait au Québec

Il y a 50 ans, j’arrivais de France pour la première fois au Canada. C’était en mars 1969.

J’avais bénéficié d’un sursis jusqu’à la fin de mes études et je devais effectuer mon « service militaire ». Il s’agissait d’une obligation pour les jeunes gens de cette époque. Bien sûr, il n’y avait rien de militaire dans ce séjour au Québec qui devait durer deux ans. L’idée d’accueillir de jeunes Français dans les milieux professionnels québécois s’était développée dans la foulée du voyage du général de Gaulle. À l’inverse, l’Office franco-québécois pour la jeunesse commençait à organiser des stages en France pour de jeunes Québécois.

J’ai eu la chance d’être intégré à la Société générale de financement du Québec, la fameuse SGF, dont les ambitions économiques étaient grandes, spécialement dans les milieux canadiens-français. L’équipe présidée par Jean Deschamps était formidable et enthousiaste. J’ai eu l’occasion d’y côtoyer beaucoup de jeunes hommes qui allaient marquer l’avenir et l’histoire du Québec. Je pense notamment à Jacques Parizeau, Bernard Landry, Pierre Macdonald, Marcel Pépin et à beaucoup d’autres de cette belle génération de diplômés ambitieux et talentueux.

Le siège social de la SGF était situé rue Saint-Jacques. Ce quartier grouillait d’activités et était considéré à juste titre comme le centre financier du Canada, bien avant Toronto. Un peu plus loin se trouvait la Bourse de Montréal, elle aussi la plus importante du pays.

Le Québec que je découvrais en 1969 était encore très anglophone, tant dans le milieu des affaires que dans tous les aspects de la vie quotidienne.

Dans les grands magasins, on s’adressait le plus souvent à moi en anglais, que ce soit chez Morgan ou Simpsons. Les vendeurs étaient pour beaucoup unilingues anglais ou s’ils parlaient français, ils ne faisaient pas beaucoup d’efforts pour le montrer. Dans l’espace public, la plupart des enseignes et des publicités étaient aussi en anglais.

Deux années plus tôt durant les vacances d’été, j’avais fait un tour des États-Unis, mais je dois avouer bien honnêtement que j’ignorais presque tout du Canada et du Québec. Mes connaissances se limitaient à des cours d’histoire très théoriques : Jacques Cartier, Samuel de Champlain, la Nouvelle-France, les quelques arpents de neige évoqués par Voltaire et le Traité de Paris.

J’arrivais dans un monde presque inconnu où je découvrais soudainement et avec admiration qu’un aussi grand nombre de personnes vivaient en français sur le continent américain. En tant que Parisien très égocentrique, je réalisais que la notion d’accent était quelque chose de subjectif. En d’autres termes, j’avais moi aussi un accent !

Sans complexes

En 1969, un vent de changement soufflait sur le Québec. Je devrais plutôt dire une tempête, car toute la société québécoise était en ébullition : socialement, politiquement, artistiquement, etc. Dans tous les domaines, le Québec étonnait et s’affirmait sans complexes.

Au terme de ma « coopération » riche en expériences, j’ai quitté beaucoup d’amis pour rentrer en France avec ma jeune épouse québécoise. Un poste m’avait été proposé.

Plusieurs années se sont passées dans cette France que j’aime toujours profondément, mais l’appel du Québec est revenu avec insistance et j’y ai succombé avec le sentiment confirmé qu’ici tout est possible. Au Québec et au Canada, tant de choses admirables se sont créées au cours des 50 dernières années.

Aujourd’hui, je suis heureux et satisfait de ma contribution et d’avoir modestement fait ma marque.

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