Application de traçage

Le gouvernement Legault dit non... « pour l’instant »

Québec — Québec n’ira pas de l’avant avec le déploiement d’une application de traçage pour combattre la pandémie de COVID-19 – du moins pour l’instant –, mais testera la robustesse de la solution fédérale pour être « immédiatement prêt » si la seconde vague frappe. Une décision que l’on s’explique mal à Ottawa et en Ontario.

Le gouvernement Legault s’accorde encore du temps avant de lancer une application qui permettrait de « notifier » ses abonnés s’ils ont été en contact avec une personne atteinte de la COVID-19.

« Ce qu’on sent au Québec, pour de bonnes et de mauvaises raisons, c’est qu’il y a une bonne partie de la population qui craint cette application », a lancé M. Legault, de passage à Saint-Hyacinthe, mardi. « Je note qu’il y a quatre partis à l’Assemblée nationale qui sont contre ce qu’on appelle [du traçage] ou de la notification. »

« Pour l’instant, on est unanimes à l’Assemblée nationale que ce n’est pas le temps de mettre en place une telle application », a-t-il ajouté, faisant allusion au rapport consensuel de la commission parlementaire chargée d’examiner l’utilisation de ce genre d’outils, qui remet en doute l’efficacité et la fiabilité de ces applications.

« IRRATIONNEL », SELON FORD

M. Legault répondait à son vis-à-vis de l’Ontario, Doug Ford, qui a affirmé ne pas comprendre le choix du Québec. « Je vais lui demander quelle est la réflexion derrière cette décision qui semble irrationnelle [What is the method behind the madness] », a-t-il lancé, en conférence de presse.

L’Ontario est la première province à avoir autorisé le déploiement d’Alerte COVID lancée par le gouvernement Trudeau en juillet. Plus de 2 millions d’Ontariens ont téléchargé l’application jusqu’à présent, ce qui « est assez bon », a dit M. Ford. « C’est important, faites-le, c’est tout », a-t-il ajouté.

« Pourquoi ne pas la rendre disponible au Québec dès maintenant ? », a-t-on indiqué au cabinet de la ministre fédérale de la Santé. « Cette application ne suit pas les déplacements et ne garde pas les données permettant d’identifier celui qui l’utilise. C’est aussi un outil qui peut aider à faire une différence alors qu’on se prépare à une possible augmentation des cas à l’automne », a expliqué Thierry Bélair, du cabinet de la ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu.

PRÊTS POUR LA DEUXIÈME VAGUE

Mais Québec ne ferme pas totalement la porte à l’utilisation d’une application de traçage. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, et le ministre délégué à la Transformation numérique, Éric Caire, ont expliqué mardi en conférence de presse que l’état actuel de la pandémie, qui est « sous contrôle » au Québec, n’en justifiait pas l’utilisation « pour l’instant ».

« Ce que le premier ministre nous a demandé, c’est d’être prêts au cas où [la deuxième vague frappe] », a précisé M. Dubé. Alerte COVID sera donc soumise au centre gouvernemental de cyberdéfense pour en tester la sécurité. Bien qu’Ottawa et l’Ontario se soient déjà soumis à l’exercice, Québec se défend de faire le travail en double.

« C’est du “open source” alors toute la communauté de la cybersécurité peut la tester, c’est ce qu’on va faire. C’est comme ça qu’on en arrive à un niveau de confiance très élevé que cette application-là, elle est robuste, elle est sécuritaire », a expliqué M. Caire en entrevue avec La Presse.

Entre-temps, Québec « lance un appel » aux fournisseurs québécois qui pourraient fournir une application du même type que celle du fédéral.

ILS ONT DIT

« Si le gouvernement a vraiment écouté les experts, nous l’invitons à [...] se doter d’un cadre juridique plus robuste dans la protection de notre vie privée et de nos renseignements personnels. Nous demandons également plus de transparence en nous dévoilant quel type d’application de traçage il compte utiliser. »

— Marwah Rizqy, Parti libéral du Québec

« Moi, je pense que le gouvernement est menotté : il voudrait aller de l’avant, mais la science n’est pas de son bord. En bon québécois, leur stratégie, c’est de pelleter le problème par avant. J’espère que d’ici la deuxième vague, le gouvernement va écouter la science et le gros bon sens. C’est une fausse solution, qui va nuire aux efforts de la Santé publique et mettre en danger la vie privée des Québécois-es. »

— Gabriel Nadeau-Dubois, Québec solidaire

« Les experts qu’on a écoutés, entendus, ont dit que la technologie Bluetooth, c’est pas fiable, alors il manque encore des données. Je comprends que le gouvernement se garde [cette option] dans son coffre à outils, mais il faut aussi s’assurer qu’on ne viendra pas engorger le système. Mettez votre focus sur le nombre de tests et les délais pour obtenir un résultat, ça, ça va avoir un impact. »

— Martin Ouellet, Parti québécois

Québec accusé de vouloir donner « encore plus d’impunité » à la police

Alors que s’amorce ce mercredi l’étude du projet de loi 45 à l’Assemblée nationale, des élus et des organismes s’inquiètent que Québec veuille retirer le rapport d’enquête policière des annexes du compte rendu d’un coroner, posant ainsi un obstacle supplémentaire aux familles des victimes. Selon eux, cela aura pour effet de réduire la transparence, en donnant « encore plus d’impunité » aux corps policiers.

« On est en train de brimer la capacité de familles de bien se défendre, alors que c’est un processus déjà très difficile et largement inéquitable », lâche d’emblée le député d’Hochelaga-Maisonneuve, Alexandre Leduc, en entrevue avec La Presse.

Dans le projet de loi, d’abord présenté l’automne dernier, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, propose « que le rapport d’un agent de la paix ne soit plus annexé au rapport d’investigation ou d’enquête d’un coroner ». Québec assure toutefois que des règles seront prévues « concernant la consultation ou la transmission de certains documents », afin de préciser leur caractère public.

Pour M. Leduc, le gouvernement « mange carrément dans la main des chefs de police ». « L’argument comme quoi il sera encore possible d’accéder à ces rapports-là en passant par des instances ne tient pas la route. On sait bien qu’il sera facile, rendu là, de trouver des façons de ne pas les fournir », dit-il.

« Obtenir ces rapports a été crucial dans l’affaire [Fredy] Villanueva et le dossier de Pierre Coriolan. N’importe quel avocat vous dira que c’est absolument nécessaire. »

C’est tout le contraire, dit Québec

Le cabinet de la ministre Geneviève Guilbault, lui, affirme qu’il n’est « aucunement question de vouloir retirer le droit aux familles d’avoir accès aux rapports ».

« Au contraire, nous voulons simplifier le processus pour elles », affirme l’attachée de presse, Amélie Paquet. Elle soutient que les familles concernées pourront s’adresser directement au corps de police concerné, sans que le Ministère n’ait à intervenir. « Nous réduisons donc les intermédiaires et potentiellement les délais pour obtenir l’information », ajoute la relationniste.

Celle-ci ajoute par ailleurs que la ministre « est tout à fait ouverte à entendre différents points de vue », tant de la part des oppositions que des organismes, mercredi.

Dans un mémoire, l’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ) se range derrière le gouvernement dans ce dossier. « Nous croyons très pertinent le retrait du rapport, […] puisqu’il permet aux services de police d’assumer leur entière responsabilité et leurs obligations dans l’application de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics », écrit le regroupement.

Or, la Ligue des droits et libertés (LDL) conserve aussi plusieurs réserves. « La proposition du gouvernement affectera l’ensemble de la population », dénonce sa porte-parole Lynda Khelil, ajoutant que les familles de personnes mortes « de façon violente » seront les premières concernées. « La transparence dont la CAQ se targue d’être le valeureux chevalier n’est que façade. Le gouvernement dit une chose et fait son contraire », ajoute-t-elle, en demandant à Québec de « faire marche arrière ».

Erin O’Toole peu enclin à provoquer des élections hâtives

Ottawa — Le nouveau chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, promet qu’il fera « passer les intérêts des Canadiens en premier », laissant entendre qu’il ne tentera pas de provoquer la chute du gouvernement minoritaire de Justin Trudeau à la première occasion.

Cette première occasion pourrait venir rapidement, en septembre, quand le gouvernement Trudeau présentera un discours du Trône pour énoncer ses priorités afin de favoriser la relance économique dans un contexte post-COVID-19. Le discours du Trône fait l’objet d’un vote de confiance à la Chambre des communes, et une défaite pourrait entraîner la tenue d’un scrutin fédéral cet automne.

« Je fais toujours passer les intérêts du pays en premier », a affirmé M. O’Toole lors de sa toute première conférence de presse depuis qu’il a remporté la course d’une manière décisive contre l’ancien ministre de la Justice Peter MacKay, considéré comme le meneur au début de la campagne.

« Je n’ai pas un nom célèbre. Mais je sais accomplir des choses. […] Je suis ici pour me battre pour le bien-être des Canadiens à travers le pays et pour obtenir de meilleures solutions et des réponses plus rapides du gouvernement. Je veux un gouvernement qui excelle et qui respecte les règles d’éthique. Nous allons évaluer les actions du gouvernement à l’avenir sur tous ces critères. […] Je vais toujours faire passer les intérêts des Canadiens en premier et je vais collaborer quand ce sera possible », a-t-il ajouté.

Il a tenu à souligner que ses troupes seront toutefois prêtes à se lancer en campagne « si M. Trudeau essaie de jouer des jeux parce qu’il y a un nouveau chef et forcer la tenue d’élections ».

Élu au petit matin lundi, M. O’Toole a annoncé mardi quelques nominations au sein de sa garde rapprochée, dont l’ancien député conservateur de la région de Québec Alupa Clarke comme conseiller principal. M. Clarke a présidé la campagne victorieuse de M. O’Toole au Québec.

Déjà à l’attaque

Le nouveau chef conservateur a profité de sa première conférence de presse pour se présenter à l’ensemble des Canadiens afin de contrer « le spin des libéraux » qui a déjà commencé, selon lui.

Et pour éviter toute confusion au sujet de sa position sur les enjeux sociaux comme l’avortement ou les mariages gais – une arme qui a été utilisée par les libéraux de Justin Trudeau durant la dernière campagne contre son prédécesseur Andrew Scheer –, M. O’Toole a déclaré : « J’ai gagné la course à la chefferie comme un député pro-choix, comme un député qui a un bilan totalement clair sur les enjeux sociaux. Ce sera mon approche comme chef de l’opposition et comme premier ministre, je vais être totalement clair. Je vais défendre les droits des personnes de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes. »

Soutenant que tout ne tourne pas rond au pays, en particulier sur le plan économique et sur le front de l’unité nationale, M. O’Toole a affirmé que sa priorité absolue est de travailler à améliorer le sort des Canadiens qui ont perdu leur emploi, qui craignent une seconde vague de COVID-19 alors que leurs enfants doivent retourner à l’école, et qui craignent pour la santé de leurs proches.

M. O’Toole entend examiner attentivement les propositions du gouvernement Trudeau lorsqu’il présentera son discours du Trône le 23 septembre.

« Justin Trudeau voudrait plutôt faire de la politique que faire son travail. Même si le pays est toujours confronté à une crise, il tentera peut-être de provoquer des élections anticipées. À cause de cela, je serai peut-être appelé à demander aux Canadiens la chance de servir comme premier ministre. J’aime mon pays et je suis très inquiet au sujet de la direction qu’il prend. Notre pays est présentement confronté aux défis économiques les plus importants depuis la Grande Dépression », a-t-il dit.

Devant les journalistes, M. O’Toole a affirmé que son parti n’a pas toujours projeté l’image d’une formation politique accueillante et tolérante de la différence.

« Je vais changer cela », a-t-il affirmé sans ambages.

La poursuite veut en appeler de la libération provisoire de Jean-François Malo

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) s’adressera à la Cour suprême du Canada pour lui demander la permission d’en appeler de la libération provisoire du promoteur immobilier Jean-François Malo, a appris La Presse de diverses sources.

Malo, 41 ans, est accusé d’avoir commandité le meurtre d’un avocat civiliste qui représente le Mouvement Desjardins dans une poursuite au civil pour une fraude présumée de 3,4 millions contre l’homme d’affaires de Joliette.

Le civiliste, MNicholas Daudelin, a été atteint par une balle tirée au travers de la porte de sa résidence de Mont-Saint-Hilaire en mars dernier et a été blessé à une jambe. Deux individus soupçonnés d’avoir commis le geste ont été arrêtés et accusés.

Malo, qui est soupçonné d’avoir commandité cet attentat pour entraver le cours de la justice, a été arrêté le 20 juin, et une première demande de libération provisoire devant la Cour du Québec lui a été refusée.

Sévères conditions

Il a demandé une révision de cautionnement devant la Cour supérieure, et le juge James L. Brunton l’a libéré le 7 août, après 50 jours de détention, en lui imposant toutefois de sévères conditions.

Puisque Malo a déjà bénéficié d’une révision de cautionnement, la poursuite doit sauter l’étape de la Cour d’appel et s’adresser directement à la Cour suprême pour lui demander la permission d’en appeler.

La poursuite devra présenter des arguments d’intérêt national, et c’est seulement une fois que la permission sera accordée, si c’est le cas, que la cause sera analysée sur le fond par les juges du plus haut tribunal du pays.

En attendant la suite des procédures, Malo doit demeurer à sa résidence de Joliette et respecter un couvre-feu de 21 h à 6 h, déposer son passeport et ne pas en demander un nouveau, ne pas quitter le Québec, s’enregistrer au poste de la Sûreté du Québec de Joliette deux fois par semaine et ne pas communiquer avec une dizaine de personnes, dont les individus accusés d’avoir tiré sur le civiliste Nicholas Daudelin, ce dernier, la conjointe de ce dernier ainsi que quatre autres avocats. L’homme d’affaires a également dû faire un dépôt de 100 000 $.

Depuis 10 ans, des notables de Joliette, qui avaient eu maille à partir avec Malo, ont été victimes d’une agression armée ou d’un incendie criminel. Des enquêtes de la Sûreté du Québec ont été déclenchées à la suite de ces évènements, sans aboutir. Jean-François Malo n’a pas été accusé de quoi que ce soit dans ces dossiers.

— Avec la collaboration de Vincent Larouche, La Presse

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.

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