Musique

Nouvelles voix

Elles ont entre 21 et 34 ans et viennent de lancer un album. Elles font de la pop, du folk, du jazz ou du rap, et elles écrivent toutes leurs chansons. Voici des voix féminines dont on entendra parler cet hiver.

Vers la révolution

Qui ?

Dominique Fils-Aimé

34 ans

Originaire de Montréal

Ancienne intervenante en soutien psychologique pour les employés, chanteuse depuis cinq ans

Quoi ?

Stay Tuned !, qui sortira le 22 février, est la deuxième partie d’un triptyque et arrive un an après le très réussi Nameless. Jazz, soul, blues, électro, les influences de la chanteuse sont nombreuses. « Le jazz, ce n’est pas tant un son que l’état d’esprit de création spontanée et de liberté de l’artiste qui crée », dit celle qui n’aime pas trop définir sa musique. 

Pourquoi ?

Il y a cinq ans, Dominique Fils-Aimé a trouvé sa voix. « Mais je pense que tout le monde en a une. C’est une question d’être honnête et en lien avec son émotion. » La chanteuse écrit toutes ses chansons, puis structure les arrangements avec le réalisateur Jacques Roy. « Je fais tout à la maison avec ma voix pour indiquer les lignes aux musiciens, parce que je ne sais pas écrire la musique. Ma voix, c’est tout ce que j’ai. » Ce triptyque n’est pour elle rien de moins qu’une thèse comparative entre l’histoire et la musique. « Le premier disque, c’était le blues. Le deuxième, on passe au rouge, au sang, à la révolution. C’est les gens qui se sont libérés musicalement avec le jazz, et comment ça les a inspirés à le faire politiquement et physiquement. » En l’écoutant, on ne peut s’empêcher de penser à SLĀV et à la controverse autour de l’appropriation des chants d’esclaves. « Oui, ça m’a choquée. Mais j’ai trouvé ça révélateur, ce qui s’est passé. C’est comme si on avait oublié de communiquer au grand public les débats qu’on avait faits entre nous, ce qui explique le clash. Il faut trouver des manières de mieux communiquer. »

Où ?

Le travail de Dominique Fils-Aimé a une facture très internationale, et son premier disque a connu un succès critique un peu partout. « J’ai des niches de fans au Japon, en Angleterre… » Elle vise à faire son prochain album tout en continuant à avancer avec sa nouvelle équipe de booking, Maison fauve. Jusqu’où se voit-elle avec ce disque ? « Je me vois faire une révolution ! »

« Je me vois travailler ailleurs, mais toujours en revenant ici. Montréal, c’est spécial, c’est un nid tellement inspirant pour créer. Puis en tant que femme noire, ce n’est pas partout que je suis accueillie comme ça, que les gens sont directement positifs et ouverts. »

— Dominique Fils-Aimé

Pop et chanson

Qui ?

Lou-Adriane Cassidy

21 ans

Originaire de Québec

Fille de la chanteuse Paule-Andrée Cassidy, elle a fait des programmes études-musique au primaire et au secondaire, puis une technique au cégep en chant pop-jazz.

A participé à de nombreux concours et est choriste pour Hubert Lenoir.

Quoi ?

Réalisé par Simon Pednaud, C’est la fin du monde à tous les jours est le premier disque de Lou-Adriane Cassidy. Inspirée par la chanson française, la jeune femme à la voix riche et profonde n’a pas peur non plus des mélodies pop. Ses influences vont de Gainsbourg à Radiohead en passant par Klô Pelgag et Fleetwood Mac. « J’aime le hook, les trucs directs, dans la musique comme dans le texte. On peut être sobre sans être simpliste et rester intéressant. »

Pourquoi ?

C’est en participant au concours Destination Chanson Fleuve il y a deux ans que Lou-Adriane Cassidy a découvert qu’elle pouvait aussi écrire des chansons. « Il me fallait une excuse pour commencer. Au début, je voulais faire un disque d’interprète avec des chansons originales écrites par d’autres, mais finalement, j’ai composé la majorité des chansons », dit la chanteuse, qui ne croit pas que les concours soient un passage obligé. « J’ai été finaliste de pas mal tous ceux que j’ai faits, mais je n’ai jamais gagné ! C’est vrai que mon genre de musique correspond à un certain cadre, ce qui n’est pas le cas pour tout le monde. Ce n’est pas le seul chemin. » La chanson-titre, C’est la fin du monde à tous les jours, donne le ton à l’ensemble du disque. « C’est comme une mise en perspective de tout le drame personnel que je vis dans l’album. Et paradoxalement, c’est rassembleur : on est tous ensemble dans notre malheur. »

Où ?

Lou-Adriane Cassidy a déjà de nombreux spectacles prévus en 2019. « C’est pas mal pour un projet naissant », dit la chanteuse, qui commence déjà à écrire de nouvelles chansons. « J’ai le goût de continuer en solo, mais c’est important et nourrissant et stimulant de faire aussi autre chose. Ça m’aide. Je veux continuer à accompagner Hubert, j’espère en accompagner d’autres, éventuellement réaliser. C’est ce que j’aime de ce milieu : tout peut se passer. »

« J’ai toujours fait de la musique. Il n’y a pas eu de début, un moment où je me suis dit :  “c’est ça que je veux faire”. Ça a tout le temps été ça. »

— Lou-Adriane Cassidy

Prêtes à exploser

Qui ?

Emma Beko et Gab Godon

27 ans

Originaires de Montréal

Se connaissent depuis l’école primaire, ont commencé la musique à l’école secondaire.

Forment le duo Heartstreets depuis 2010.

Quoi ?

Après avoir sorti plusieurs chansons, été présentes sur YouTube et donné une multitude de spectacles, Emma et Gab lancent finalement leur premier album. Why Make Sense est un savant mélange d’influences allant de l’électro-pop au R & B en passant par le rap. Les deux chanteuses aiment « la musique qui fait bouger mais qui dit quelque chose » – « Il faut utiliser sa plateforme de manière intelligente », avance Gab – et affectionnent des artistes comme Blood Orange, dont le travail est à la fois moderne et rempli de références. « C’est comme notre musique, souligne Emma. Elle est pertinente, mais on a plein d’influences du passé. On a un background soul, mais il y a toujours une composante hip-hop. »

Pourquoi ?

« On a commencé en 2010, mais c’est en 2016 qu’on a vraiment défini la direction qu’on voulait prendre », dit Gab. Emma opine. « On était déjà in, mais là, on est allées all in. » Les deux chanteuses ont eu de nombreuses offres de label à leurs débuts, qu’elles ont refusées. Si elles l’ont parfois regretté, ce n’est plus le cas aujourd’hui – elles sortent d’ailleurs leur disque de manière indépendante. « On a fait des essais et des erreurs, analyse Gab. On a réalisé que parfois, c’est un monde de requins. Mais on a développé nos valeurs et nos bases, et maintenant, on est impliquées dans tous les aspects du projet. C’est le plus beau cadeau qu’on s’est fait. Alors quand ça va exploser, parce que c’est ça qui s’en vient, on va être prêtes ! »

Où ?

Les Heartstreets ont faim et sont prêtes à conquérir le monde. « Up and coming pendant sept ans, c’est long ! », lance Emma. Cet hiver, elles feront la première partie de la tournée québécoise d’Eddy de Pretto. C’est sur scène qu’elles sont à leur mieux, estiment-elles. « À chaque spectacle, même si c’était devant cinq personnes, on s’est fait un nouveau fan, ajoute-t-elle. Donc on veut faire le plus de shows possible pour avoir plus de fans et continuer à faire de la musique. »

« À deux, c’est plus facile d’avoir confiance en ce que tu fais. C’est plus direct et ça avance plus vite parce que tu te remets moins en question. »

— Gab Godon, des Heartstreets

Sur la route

Qui ?

Jordane

26 ans

Née aux Escoumins

Elle a participé à de nombreux concours de chant et est aussi la chanteuse du groupe Tous Azimuts

Titulaire d’un bac en littérature de l’Université Laval

Quoi ?

Jordane a écrit et composé 12 jours lors d’un voyage en train entre Québec et Vancouver avec son complice, le guitariste Clément Desjardins. Lancé il y a quelques semaines, ce premier disque, qui a été réalisé par Jeannot Bournival (Fred Pellerin) dans son studio de Saint-Élie-de-Caxton, a des odeurs de liberté et de voyage. « Avec Tous Azimuts, on était plus dans le prog. Là, c’est du folk, de l’americana dans la plus pure tradition », dit la chanteuse, qui s’inspire autant de Richard Desjardins que de Joni Mitchell.

Pourquoi ?

« Faire un disque avec mes propres compositions, c’est ce dont j’ai toujours rêvé », dit la jeune chanteuse, qui a toujours senti qu’elle faisait partie de la catégorie des auteurs-compositeurs-interprètes. Les concours n’ont jamais été pour elle une finalité, plutôt un moyen de prendre de l’expérience et des conseils. « Si tu fais un concours et que tu n’es pas prêt, pas bien outillé, tu peux passer à côté. Mais on peut faire carrière en dehors des concours. C’est ce genre d’artistes que j’admire le plus, les Jean Leloup, les Daniel Bélanger. » Jordane l’admet, elle aime le folk et ses thématiques : les grands espaces, la route, le déplacement. « À la Kerouac un peu, la Beat Generation et tout, ça m’inspire beaucoup. La touche de modernité que j’ajoute, aujourd’hui en 2019, c’est d’avoir un point de vue de femme qui n’est pas celui d’une victime. C’était important d’avoir des personnages de femmes capables de décider pour elles-mêmes, qui prennent les devants. Avec le mouvement #metoo, c’était important de prendre ce point de vue. »

Où ?

Jordane prépare une grande tournée pour 2019, tant au Québec que dans les communautés francophones hors Québec. « On a plusieurs dizaines de dates de confirmées. C’est un album qui a le potentiel de voyager beaucoup, on tripe à faire de la route et à le présenter. C’est ce qui nous emballe le plus en ce moment. »

« Je ne serai jamais la fille excentrique qui se costume. Ce que j’ai à proposer, c’est simple, c’est moi. »

— Jordane

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