La planète économique

La fin du moteur à essence coûtera cher à l’État

La transformation du parc automobile mondial vers le tout-électrique va coûter une fortune aux gouvernements : à elle seule, la France s’attend à une facture de 500 milliards d’euros sur 20 ans.

En annonçant mardi dans son budget une aide financière aux Canadiens qui achètent une auto électrique, le gouvernement fédéral s’est joint au Québec et à un groupe croissant de pays qui veulent réduire, voire bannir les ventes de véhicules dotés d’un moteur à combustion.

Parmi les plus déterminés à nettoyer l’air dans leur contrée, le Royaume-Uni et la France se sont engagés à interdire carrément la vente de nouvelles voitures à essence et au diesel à partir de 2040.

Le Danemark, lieu de naissance de l’énergie éolienne, ambitionne de devenir neutre en énergie fossile en 2050. La Norvège, l’Inde et d’autres ont aussi formulé des engagements en ce sens.

Plusieurs villes ont aussi déclaré la guerre aux moteurs thermiques plus polluants. Paris, Madrid, Mexico et Athènes veulent interdire les voitures au diesel dans le centre-ville d’ici à 2025.

8,8 millions de morts

Ce virage est évidemment motivé par des préoccupations pour la santé.

La pollution de l’air est responsable de 8,8 millions de morts prématurées par an dans le monde, soit deux fois plus que les estimations préalables, nous apprend une étude parue il y a quelques jours dans la revue European Heart Journal.

À l’échelle mondiale, la Chine paie le plus lourd tribut avec 2,8 millions de morts.

Mais, hormis ses bienfaits pour la santé, la transformation du parc automobile vers des technologies moins polluantes entraînera des coûts additionnels pour les gouvernements.

750 milliards en France

La France s’est penchée sur cette question et, selon ses calculs, la facture s’annonce très salée.

Un rapport parlementaire conclut que la transition au tout-électrique coûtera à l’État français quelque 500 milliards d’euros – ou un peu plus de 750 milliards de dollars canadiens – sur une période de 20 ans.

D’où vient cette facture ? De trois sources essentiellement.

D’abord, l’aide gouvernementale à l’achat de véhicules moins polluants (6000 euros en France) représente une facture d’environ 10 milliards d’euros par an, ou quelque 15 milliards CAN (comparativement à 278 millions au Québec et 100 millions à Ottawa).

En outre, équiper le réseau routier de bornes de recharge coûtera aussi très cher. Actuellement, la France en compte 25 000, mais on en vise quatre fois plus d’ici 2022, ce qui demandera jusqu’à 108 milliards d’euros d'investissements sur 20 ans.

Finalement, consommer moins d’essence signifie aussi moins de taxes pour l’État. Le manque à gagner de la France lié à la disparition progressive des taxes sur les produits pétroliers atteindrait de 10 à 20 milliards d’euros, chaque année.

Des avantages également

Il reste que la fin du bon vieux moteur à combustion comporte aussi des avantages économiques non négligeables.

Par exemple, la balance commerciale des pays qui empruntent cette voie devrait largement bénéficier de la baisse des importations d’hydrocarbures.

Le rapport table sur une baisse de la consommation de carburants en France de l’ordre de 80 % à terme, ce qui entraînera une hausse du solde commercial de 30 à 40 milliards d’euros par an.

Les auteurs du rapport notent par ailleurs, sans le chiffrer, des gains indirects sur les dépenses de santé, liés à la réduction de la pollution.

Il y a aussi d’autres avantages que l’étude française ne mentionne pas.

Par exemple, le développement de technologies vertes entraînera des retombées économiques significatives pour les pays qui font le virage en ce sens, disent les experts.

La Chine a d’ailleurs misé des milliards sur cette stratégie pour accroître son savoir-faire technologique. Si bien que les Chinois sont devenus, et de loin, les plus grands producteurs du monde de véhicules électriques, de batteries et de panneaux solaires.

Et malheur aux pays occidentaux qui ne montent pas à bord du train vert.

Dans son rapport pour 2018, la firme Bloomberg New Energy Finance (BNEF) prédit que le parc mondial d’automobiles électriques passera de 1,1 million en 2017 à 11 millions en 2025 et à 30 millions en 2030.

On a beau déplorer l’empreinte environnementale de ces véhicules, avec leurs batteries polluantes, cette industrie est appelée à devenir très importante, avec des milliers d’emplois à la clé.

Et à moins que l’Occident ne mette la pédale au tapis dans la course aux véhicules propres, c’est la Chine qui « va mener cette transformation », prévient BNEF, en captant près de 50 % du marché.

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