Opinion

Non à l’éducation non genrée

Il n’y a pas à dire, on est en droit de se demander si le gros bon sens n’est pas en train de nous abandonner. Après avoir produit une génération d’enfants rois, nous nous apprêtons à en fabriquer une de « non genrés ». 

Pour donner toute liberté à leur enfant de choisir son identité sexuelle sans subir une influence ou une contrainte externe, certains parents ont décidé de faire profiter leur progéniture d’une forme d’éducation inédite dans l’histoire humaine : l’éducation « non genrée ». À cette fin, les parents doivent se garder d’exposer leurs enfants aux effets néfastes des stéréotypes sexuels habituels. Cela peut même aller jusqu’à proscrire le « il » et le « elle » pour parler de leur enfant ! Reléguées aux oubliettes, les caractéristiques propres au masculin et au féminin.

Qu’on se le dise, le genre est neutre. Avant l’adolescence – étape de la vie au cours de laquelle l’identité sexuelle a tendance à se fixer –, il faut laisser ouvert à sa marmaille tout le champ des possibles. Tel un consommateur dans un supermarché, l’adolescent pourra choisir à sa guise le genre – l’identité sexuelle – auquel il accorde sa préférence : homosexuel, transgenre, bisexuel, etc.

Ce récent phénomène du non genré peut être classé dans le panier des nouvelles utopies de la gauche culturelle. Et il a, semble-t-il, des assises scientifiques. 

Pour certains chercheurs, le genre est par essence un « construit social ». Ce serait donc un fait de culture plutôt que de nature. On serait ici dans le domaine de l’acquis et non de l’inné. Pour parodier Simone de Beauvoir, on ne naît ni homme ni femme, on le devient.

Certes, il y a du construit social dans l’identité sexuelle. Toutes les sociétés se sont dotées de structures ou institutions (famille, garderie, communauté immédiate, école, médias, etc.) qui ont une fonction de socialisation. Cela s’avère essentiel à l’intégration sociale de ses membres en ce que ça permet d’inscrire les rapports sociaux et la vie en collectivité dans un cadre cohérent et durable. Sous l’effet du phénomène de socialisation, nous adhérons tous autant que nous sommes à une communauté de valeurs, d’attitudes, de normes, de comportements et de conduite sans quoi toute vie sociale est vouée à la désorganisation permanente.

Cela dit, sous-estimer – voire nier – l’apport de notre condition biologique à la formation de notre identité sexuelle consiste à « faire simple », au sens où les gens du Saguenay–Lac-Saint-Jean utilisent cette expression. À la naissance, garçons et filles présentent des différences biologiques évidentes. L’anatomie des organes génitaux, les hormones, le fonctionnement neuronal du cerveau, l’héritage génétique, etc.) présentent des différences selon le sexe auquel on appartient.

Ne serait-ce que parce qu’elles donnent naissance, les femmes ont un rapport à la vie et à leurs semblables qui n’est pas tout à fait celui des hommes. Il en va de même sur le plan cérébral. Des recherches récentes sur le cerveau ont démontré que la capacité des femmes à accomplir plusieurs tâches en même temps a un fondement neurologique. Chez les hommes, les connexions interneuronales se produisent uniquement à l’intérieur de chaque hémisphère du cerveau. Chez les femmes, elles sont non seulement intra–, mais aussi interhémisphère.

Il va sans dire que ces caractéristiques ou déterminismes biologiques propres à chacun des deux sexes ne sont pas à l’abri des influences sociales. Sous l’effet de l’environnement social, au premier chef la famille, elles peuvent être amplifiées, cultivées, modelées, adaptées au contexte culturel et social qui prévaut à une époque donnée. Un fait demeure difficilement réfutable : il y a à la fois de l’inné et de l’acquis dans le creuset de l’identité sexuelle. Quelle est la part de l’un et de l’autre ? La cause n’est pas entendue. Et elle ne le sera sans doute jamais parce que ce phénomène n’est pas quantifiable, c’est-à-dire décomposable en unités mesurables.

L’adhésion à l’éducation non genrée est – jusqu’à preuve du contraire – un phénomène minoritaire. Cela ne devrait pas nous rassurer pour autant. 

Pour un groupuscule militant de la nouvelle gauche culturelle qui se chercherait une cause à défendre, en voici une à cueillir au vol. Dans un contexte de polissage extrême des rapports sociaux, il ne manque pas de groupuscules pour prétendre au rang d’instances supérieures d’une morale dont ils estiment qu’elle devrait être celle de l’ensemble de la société.

Mais il y a plus inquiétant encore. Derrière ce phénomène des nouvelles utopies qui poussent comme des champignons se profile une tendance fort inquiétante. Celle d’une société qui entre dans une phase d’anomie, c’est-à-dire qui a perdu ses repères sans lesquels la vie sociale devient cacophonique et ouverte aux égarements de toutes sortes. Ne manquons pas d’y songer avant qu’il soit trop tard… genre !

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