Ce qu’ils ont dit

« Je considère que la fiscalité municipale a besoin d’un électrochoc. Oui, il faut s’attaquer à la dépendance des villes à l’impôt foncier. »

— Philippe Couillard, chef du Parti libéral

« On ne donnera plus 1,3 milliard en transferts, mais on donnera un point de TVQ, qui représente 1,3 milliard. Alors, il n’y a pas de coût pour le gouvernement du Québec. »

— François Legault, chef de la CAQ

« Trois cent soixante-cinq jours après l’élection, dans le règlement du premier pacte fiscal entre un gouvernement du Parti québécois et les municipalités, nous allons donner une fois pour toutes un point de TVQ aux municipalités. »

— Jean-François Lisée, chef du Parti québécois

« Il ne faut pas seulement une réforme majeure de la fiscalité, nous avons besoin d’une révolution. La taxe foncière est un régime désuet, archaïque, une taxation régressive. La taxe foncière doit être marginalisée. »

— Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire

« Les municipalités contribuent au développement et c’est important de profiter des fruits de la croissance économique. Il faut être ambitieux et ce qu’on a entendu est ambitieux. »

— Alexandre Cusson, président de l’Union des municipalités du Québec et maire de Drummondville

« [Le transfert d’un point de TVQ] est quelque chose que les municipalités réclament depuis longtemps, alors c’est une excellente nouvelle. On voit bien que le modèle de la taxe foncière ne tient plus la route. Nos revenus tendent à stagner ou même à diminuer dans certains cas, alors que les dépenses n’arrêtent pas d’augmenter. »

— Valérie Plante, mairesse de Montréal

Opération charme auprès des villes

À la veille des élections provinciales, les chefs des partis à Québec ont mené une opération charme auprès des villes hier en s’engageant tour à tour à leur transférer un point de la TVQ. S’ils se sont montrés au diapason sur la fiscalité municipale, ils ont toutefois profité des assises de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) pour mettre la table en vue de la campagne électorale des prochains mois.

Quatre chefs, une promesse

Invité à prononcer un mot d’ouverture pour les assises de l’UMQ, le premier ministre Philippe Couillard a donné le ton en s’engageant à revoir en profondeur la fiscalité municipale. Principal engagement, il a dit vouloir remplacer les subventions de 1,3 milliard par an aux villes par un transfert d’un point de pourcentage de la TVQ. Cette façon de faire assurerait des revenus croissants puisque les revenus tirés de la taxe de vente augmentent d’année en année. De 1,6 milliard en 2018, un point de TVQ devrait représenter plus de 2 milliards d’ici cinq ans. Les fonds seraient vraisemblablement distribués en fonction du poids démographique de chaque ville. Plus tard hier, François Legault (CAQ), Jean-François Lisée (PQ) et Gabriel Nadeau-Dubois (QS), qui participaient ensemble à un débat devant les membres de l’UMQ, se sont également dits prêts à transférer un point de TVQ aux villes.

Valeur d’un point de TVQ (en millions)

2018-2019 1701,0

2017-2018 1640,8

2016-2017 1532,6

2015-2016 1455,3

2014-2015 1385,6

Source : Budget 2018-2019 du Québec

Couillard va plus loin

Le chef du Parti libéral a poussé plus loin son opération charme en s’engageant à répondre à plusieurs motifs d’insatisfaction des villes. Il s’est ainsi dit prêt à leur offrir un remboursement complet de la TVQ qu’elles paient sur leurs dépenses. Cette mesure pourrait faire entrer 454 millions de plus dans les coffres municipaux, selon les calculs de l’UMQ. Le chef libéral a aussi ouvert la porte à la possibilité de payer la totalité des taxes foncières sur les bâtiments gouvernementaux, plutôt qu’une fraction, comme c’est le cas actuellement. « Il serait temps qu’on fasse le plein paiement des taxes foncières sur nos immeubles. Disons que ça ne donne pas un très bon exemple », a-t-il reconnu. Cette mesure représenterait 154 millions de plus pour les villes, toujours selon l’UMQ.

La CAQ cible la bureaucratie

Le chef de la CAQ, François Legault, a dit vouloir s’attaquer à la lourdeur de la bureaucratie, estimant les délais beaucoup trop longs. Dans le secteur minier, par exemple, il a dit vouloir émettre les certificats d’autorisation en six mois plutôt qu’en deux à cinq ans, comme c’est le cas actuellement. « On ne parle pas de réduire les exigences, mais de réduire les délais », a-t-il assuré. Le chef de la CAQ s’est aussi désolé des problèmes d’accès à l’internet à haute vitesse dans certaines régions. « Ça n’a pas de bon sens en 2018 qu’on en parle encore. Je prends l’engagement que d’ici quatre ans, tous les Québécois vont avoir accès à internet haute vitesse. »

Lisée veut « couper le cordon »

Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, a dit vouloir pousser plus loin le concept de l’autonomie municipale. S’il est élu premier ministre en octobre, il compte « couper le cordon de la surveillance des projets régionaux ». Son gouvernement compte ainsi réduire la reddition de comptes exigée des municipalités, afin de leur permettre d’économiser. Sur le virage numérique de l’économie, M. Lisée a aussi dit vouloir aller plus loin que l’actuel gouvernement, en taxant les biens comme les vêtements, les ordinateurs ou les bijoux achetés sur l’internet. « Ça fait mal au centre-ville de chaque municipalité », a-t-il déploré. Pour y arriver, il a évoqué la mise en place d’un registre des principaux vendeurs en ligne pour leur facturer la TVQ. Enfin, Jean-François Lisée a dit vouloir mettre en place une politique de « cran d’arrêt » dans les ministères qui pensent centraliser leurs activités à Québec, estimant que le gouvernement ne devrait pas accentuer l’exode en régions.

Québec solidaire veut décentraliser

Québec solidaire compte pour sa part miser sur la décentralisation, a indiqué le porte-parole de la formation, Gabriel Nadeau-Dubois. « Depuis trop longtemps, les décisions économiques se prennent à Montréal et les décisions politiques à Québec, mais de grands pans de notre territoire sont laissés à eux-mêmes », a-t-il dénoncé. Le parti prévoit ainsi présenter d’ici peu un plan de transition écologique, énergétique et économique qui dévoilera comment la formation compte s’y prendre.

Accrochage sur l’immigration

Accusé de tenir un discours xénophobe, François Legault a défendu sa proposition de renvoyer les immigrants ne réussissant pas leur intégration. « La CAQ a une position équilibrée. On doit admettre qu’on a dépassé notre capacité d’intégration. […] Si on veut éviter des dérapages, on doit mettre des balises et il n’y a pas de gouvernement, ni le Parti libéral ni le Parti québécois, qui a réussi à mettre des balises pour l’immigration et les signes religieux », a déploré le chef de la CAQ. Le premier ministre Couillard a qualifié le plan de son adversaire de « mal ficelé, brouillon et illégal », ajoutant qu’il risquait d’avoir de lourdes conséquences sur le Québec s’il était mis en application. « Tout discours qui vise à réduire l’immigration est un discours antiéconomique. Si on baisse de 10 000 le nombre d’immigrants, ce sont 6000 emplois non comblés », a-t-il lancé. Jean-François Lisée estime quant à lui que le plan de la CAQ est impossible à appliquer, le Québec n’ayant pas le pouvoir d’imposer un nouveau permis. Le chef du PQ juge aussi inconcevable de laisser des dizaines de milliers d’immigrants dans la crainte d’être éventuellement expulsés.

Legault veut une révision de la CMM

François Legault compte revoir le fonctionnement de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) s’il est élu en octobre afin de donner plus de poids aux villes du 450 face à la Ville de Montréal. Le chef de la CAQ estime que « plusieurs problèmes » minent son fonctionnement, évoquant le coût facturé aux villes de banlieue pour les transports en commun et le fait que la présidence de l’organisation regroupant 82 municipalités revient automatiquement au maire de Montréal. Il souhaite une formule où le 450 aurait le même poids que le 514 et où, en cas de désaccord, le gouvernement serait appelé à jouer un rôle d’arbitre. Cette sortie de François Legault a pris par surprise la CMM, où l’on assure qu’aucune révision du fonctionnement n’est en cours. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, s’est d’ailleurs montrée tranchante sur les réseaux sociaux en assurant que « la gouvernance de la CMM se porte bien, l’époque de diviser le 450 du 514 est révolue ». Des organismes se sont inquiétés des visées de la CAQ, craignant qu’on mette à mal le principal outil pour freiner l’étalement urbain. « Rouvrir cette boîte de Pandore, ce n’est pas la bonne direction à prendre. On est inquiets parce qu’on a entendu des applaudissements dans la salle. Peut-être que certains maires veulent continuer l’étalement », s’est inquiété Christian Savard, de Vivre en ville.

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