Le sculpteur Joe Fafard n’est plus

Joe Fafard, sculpteur canadien de renommée internationale, s’est éteint, hier, à l’âge de 76 ans. Atteint d’un cancer, il est mort entouré des siens en Saskatchewan. Joe Fafard est l’homme derrière les chevaux d’acier du parc Notre-Dame-de-la-Garde, à Québec. On peut aussi admirer son bronze Claudia, vache grandeur nature, sur le terrain du Musée des beaux-arts de Montréal. — La Presse

BILLET 

En 1993, comme aujourd’huI

Je ne connaissais pas Luke Perry. Mais Luke Perry est mort.

En fait, paradoxe curieux, sa disparition m’a appris son existence. Les statuts Facebook nécrologiques typiques à ce genre de disparition m’auront instruit sur sa vie et son œuvre. Il était l’inoubliable interprète de Dylan McKay, le rebelle au cœur tendre de la mythique émission Beverly Hills 90210, cette pépinière de talents qui a fait apparaître les Brian Austin Green, Ian Ziering et Gabrielle Carteris et tant d’autres acteurs essentiels qui tapissent nos écrans aujourd’hui…

La disparition de Luke Perry faisait aussi écho à celle, quelques semaines plus tôt, de MusiquePlus. Ainsi depuis un mois, beaucoup regrettent moins un artiste et un véhicule culturel phare qu’un souvenir et un symbole de jeunesse. En fait, beaucoup regrettent l’extinction tranquille d’une époque qui leur appartenait, les années 90.

Avec cette tristesse, on en vient à comparer les âges et les traits de génération. On épouse la citation socratique : « Notre jeunesse aime le luxe, elle est mal éduquée, elle se moque de l’autorité et n’a aucun respect pour les anciens » et on entame le festival du « En tout cas, dans mon temps… ». Justement… C’était quoi, l’attrait de ce temps-là ? Je suis trop jeune pour avoir vécu le début des années 90, mais assez vieux pour m’en souvenir. Quel regret puis-je avoir de la douce époque où, fenêtres fermées et bébés dans le siège arrière, on fumait dans l’auto ? De cette période où il y avait trois sortes de fromage à l’épicerie (cheddar blanc, orange ou marbré), où chaque appel téléphonique monopolisait une maison au complet et je ne parle pas du fax…

J’ai beau m’ennuyer des temps anciens, rarement suis-je bercé par le doux souvenir de l’époque où la crise environnementale était une rumeur, tout comme les causes féministes et les crimes commis envers les Premières Nations.

Cet âge d’or où il était acceptable de faire des blagues racistes, homophobes et sexistes en pleine télé à heure de grande écoute.

Ces exemples sont pessimistes et réducteurs, je l’admets. La musique, les technologies, les grandes découvertes et les enjeux sociaux des années 90 ont façonné le monde moderne. Au point où il est légitime de se demander si elles sont réellement au seuil de la disparition…

Beverly Hills 90210 existe toujours sous le nom simplifié 90210.

Le fluo, le turquoise et le polar ont retrouvé de leur superbe. La fureur a récemment rallié plus d’un million de téléspectateurs. Passe-Partout ravive les passions qu’elle a laissées en 1991.

Même Vuarnet effectue un retour en force depuis quelques années. Ne manquerait plus qu’un mois de panne d’électricité pour compléter le portrait. Ces exemples sont clichés et futiles, je l’admets.

Une photo de Lauren Greenfield l’est moins.

Cette photo n’a rien d’extraordinaire. Aux abords d’une plage océanique, des adolescents aisés et bronzés sont dispersés dans deux décapotables. Ils sont heureux, mais, comme tous les gens qui se trouvent beaux, ne sourient pas. Au premier plan, une jeune femme portant une casquette inversée, des verres fumés et un bikini blanc, l’attirail de rigueur de toute « influenceuse » qui se respecte. Cette photo, et ses dizaines de variations, notre regard la croise tous les jours lorsque les clichés instagramesques défilent sous nos pouces. Elle n’a rien d’extraordinaire, donc. Pourtant, elle est étonnante. Fascinante même. Cette photo n’est pas celle d’une vedette d’Instagram prise avant-hier sur une plage balinaise. C’est plutôt celle d’une jeunesse dorée qui, dans un instant volé par Greenfield, quitte une plage californienne… en 1993.

Cette photo s’intitule : Mijanou and Friends. Mijanou, c’est la fille au premier plan. Contrairement à tous les gars sur la photo, Mijanou n’habite pas Beverly Hills. Elle ne possède pas de voiture. Ses parents ne sont ni riches ni célèbres. Sa vie n’est pas faite de démesure et d’extraordinaire. Au pays de l’apparence, sa condition est un défaut impardonnable. Cependant, Mijanou est dotée d’une beauté stupéfiante et elle découvre que cette beauté lui ouvre les portes de la popularité, de la reconnaissance et de l’ascension sociale… Comme toute influenceuse qui se respecte.

Cette photo n’a rien d’extraordinaire, malheureusement. Même son histoire se raconte au présent.

Toute l’esthétique. Toute la superficialité. Toute la perversité. Tous les travers auxquels nous sommes confrontés et qui prolifèrent dans toutes les sphères sociales se trouvent dans Mijanou and Friends.

Alors, que les nostalgiques soient rassurés. Et n’en déplaise à tous ceux qui reprochent à la nouvelle jeunesse d’être en perdition, sur Instagram et un peu partout, 1993, c’est encore aujourd’hui.

Déprimant, n’est-ce pas, pour un dimanche matin ? Heureusement, tous les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas à être confondus avec ceux que l’on voit souvent sur les réseaux sociaux. Ils n’ont pas tous à être taxés de superficialité. Ne sont-ils pas conscientisés face aux dangers de l’homophobie, du racisme et du sexisme ? Ne sont-ils pas instruits des crimes que nos ancêtres ont commis ? N’ont-ils pas épousé les grands enjeux d’aujourd’hui (et de demain) ? N’ont-ils pas donné une journée de leur vie pour marcher pour l’environnement ? Heureusement, les jeunes d’aujourd’hui nous sortent des années 90. Et ils auront raison de pleurer leur époque.

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