Grande entrevue 

La naissance d’un pôle mondial en électronique imprimable

Éric Saint-Jacques, PDG de GGI Solutions

GGI Solutions a été fondée à Montréal il y a plus de 125 ans, mais l’entreprise spécialisée dans la fabrication de systèmes de contrôle imprimés a réalisé il y a trois ans un virage marquant vers l’innovation et la consolidation. La semaine prochaine, le groupe industriel va inaugurer le siège social et le centre d’expertise de la nouvelle entreprise e2lp Technologies, qui veut s’imposer comme le prochain pôle mondial dans le domaine de l’électronique imprimable et des matériaux avancés.

GGI Solutions, pour Groupe Graham International, était, il y a 125 ans, un fabricant de méthodes d’identification, comme les plaques de métal que l’on retrouvait dans les réfrigérateurs avec le nom de la marque et le numéro de série du modèle. En 1985, l’entreprise familiale s’est lancée dans la fabrication de commutateurs membranes et de systèmes de contrôle imprimés. Son PDG, Éric Saint-Jacques, nous explique de quoi il s’agit exactement et où s’en va l’entreprise.

Qu’est-ce que GGI Solutions fabrique exactement et dans quels secteurs industriels êtes-vous présents ?

On est dans quatre grands secteurs : l’aéronautique, la santé, l’industriel et le transport, où l’on fait affaire avec les grandes multinationales.

Dans l’aéronautique, on fabrique pour les grands donneurs d’ordres les systèmes de contrôle des sièges d’avions, des systèmes de divertissement et ceux de l’éclairage. On fabrique les circuits tactiles qui permettent de transporter les signaux électroniques qui activent les fonctions des appareils. Nos systèmes sont installés dans plus de 100 000 sièges d’avions de 125 compagnies aériennes.

Même chose dans le domaine de la santé. C’est nous qui fabriquons les panneaux de contrôle des lits d’hôpitaux, des électrocardiographes. Dans le secteur industriel, on fait les interfaces personne-machine sur quantité de produits comme les malaxeurs ou les thermopompes. Nous sommes le plus gros fabricant au monde de systèmes de pompes à essence, que ce soit l’écran tactile, le clavier de paiement…

Enfin, dans le secteur du transport, c’est nous qui fabriquons les panneaux de contrôle des conducteurs de tramways pour Bombardier et pour d’autres grands manufacturiers.

Vous avez entrepris un virage important il y a trois ans qui vous amène aujourd’hui à créer une nouvelle entreprise. D’où partiez-vous et quel virage avez-vous pris ?

GGI Solutions a été rachetée il y a trois ans par la Caisse de dépôt et placement et un groupe d’investisseurs québécois qui souhaitaient amener GGI plus loin. La Caisse est l’actionnaire principal de ce partenariat qui nous a amenés à faire trois acquisitions en trois ans.

En 2016, on a d’abord acheté GGI Solutions et son centre de production de Lachine. En 2017, on a fait l’acquisition de Click Touch, à Saint-Laurent, et en 2018, on a acheté Heatseal, au Minnesota, des entreprises qui étaient dans le même secteur d’activité.

On a décidé de consolider nos opérations pour créer un joueur d’envergure. En trois ans, on a doublé le chiffre d’affaires à 100 millions, dont 70 % de façon organique, mais on a surtout décidé de créer à Montréal un pôle d’attraction dans le secteur de l’électronique imprimable en misant sur l’innovation.

On va aussi inaugurer cet été une nouvelle usine au Maroc où on va réaliser de l’assemblage final. Ça nous prenait un centre de production à moindres coûts pour nous concentrer sur l’innovation à Montréal.

C’est la raison pour laquelle vous allez inaugurer la semaine prochaine un nouveau siège social et un centre d’expertise à Saint-Laurent dans une nouvelle entité : e2lp Technologies. Quel sera le mandat de cette nouvelle structure ?

La nouvelle entité e2lp Technologies veut créer un pôle d’attraction, un écosystème dans le secteur de l’électronique imprimable à Montréal, comme on l’a fait dans le secteur de l’intelligence artificielle.

On s’est associée avec le Centre national de recherches du Canada (CNRC) pour réaliser de la recherche fondamentale dans le domaine. On a déjà 17 brevets industriels, dont celui d’une encre moléculaire qui va nous permettre d’imprimer directement dans la matière.

On va intégrer l’électronique embarquée directement dans la matière, ce qui va nous permettre de réduire de 80 % le nombre de pièces dans les systèmes de contrôle.

On va pouvoir avoir une machine à café sans aucune commande affichée. En mettant votre main sur la machine, les systèmes vont apparaître pour disparaître par la suite, même chose dans le domaine de l’automobile, des électroménagers…

Le CNRC s’occupe de la recherche fondamentale et nous, de la recherche appliquée. On s’est aussi associé au Pôle de recherche en innovation des matériaux avancés (PRIMA) pour réaliser du maillage avec les universités.

On est leader dans un secteur de niche et on a un partenaire industriel dans le secteur de l’automobile pour tester sur une base industrielle nos nouveaux procédés. On souhaite bâtir une nouvelle usine de 100 000 pieds carrés à Montréal.

Pourquoi la Caisse de dépôt a-t-elle décidé de miser sur vous pour mener à terme ce projet audacieux ? Aviez-vous déjà œuvré dans ce secteur d’activité ?

J’ai toujours été dans les technos. J’ai été associé avec la Caisse dans l’entreprise TouchTunes qui lui appartenait et qui est devenue le plus gros fournisseur de musique numérique au monde. Je me suis joint à TouchTunes comme directeur général en 2007 alors que l’entreprise perdait 12 millions par année.

Avec le PDG Charles Goldstuck, on a rapidement renversé la situation. En 2015, le fonds de la famille Soros et Searchlight Capital Partners ont acheté TouchTunes pour plusieurs centaines de millions de dollars.

La Caisse a réalisé un coup de circuit financier avec TouchTunes et elle était un actionnaire important de GGI Solutions. Elle a vu elle aussi le potentiel de consolidation et elle a décidé de mettre en application notre plan.

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