CHRONIQUE

Redonner les marchés aux producteurs

Hier, j’ai tenté, en vain, de trouver un chiffre que j’aimerais vraiment connaître depuis longtemps : le pourcentage de produits – fruits et légumes, fromages, œufs, fleurs, etc. – provenant vraiment de notre région – le sud du Québec – vendus dans les marchés publics de Montréal.

J’ai aussi tenté de trouver un autre chiffre, en vain : le pourcentage de produits vraiment d’ici que les élus de Projet Montréal et les gestionnaires de la corporation des Marchés publics de Montréal (MPM) aimeraient atteindre dans les différents marchés de la ville, en commençant bien sûr par Atwater et Jean-Talon.

Dans les deux cas, personne n’a pu me répondre. Pourtant, la Ville et MPM sont actuellement en discussion pour voir ce qui peut être fait pour augmenter la proportion de produits réellement locaux vendus dans les marchés. « C’est toujours au cœur de la mission », m’a dit hier en entrevue Isabelle Laliberté, directrice générale de MPM. Mais actuellement et depuis des années, même en plein cœur de l’été, les fraises et carottes d’ici côtoient avocats, citrons et autres produits venus de loin proposés à des comptoirs où les vendeurs ne sont pas là pour écouler leur récolte de la semaine, mais plutôt la commande de la semaine à un fournisseur parfois identique à ceux des supermarchés.

Robert Beaudry, de Projet Montréal, responsable du développement économique et commercial au comité exécutif de la Ville, croit qu’arriver à 100 % de produits locaux dans nos marchés est « utopique ».

Mais M. Beaudry nous assure qu’il fait tout pour qu’il y ait du changement. Dès cet été ? « C’est à voir, on aimerait le plus rapidement possible. »

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Pourtant, tout le monde s’entend pour le dire : la demande pour les produits locaux et naturels, voire bio, est en explosion. Et personne n’a envie d’attendre. Pas plus les jeunes producteurs qui veulent nourrir les Montréalais que les consommateurs.

C’est ce que croit Geneviève Cousineau, une ancienne de chez Corus, Cogeco et Astral devenue entrepreneure, qui croit qu’un marché proposant uniquement des produits locaux et biologiques non seulement est réaliste, mais qu’elle va en faire la preuve.

Le 15 mai, son entreprise, Le Marché bio-local, ouvrira à deux emplacements : à Candiac et à L’Île-des-Sœurs, où il prendra la relève du marché en place depuis huit ans.

« Ce ne sera que des produits certifiés bio québécois provenant de la région dans un rayon de 150 km et moins », explique la jeune femme.

Comment a-t-elle eu l’idée ?

Installée à La Prairie, la jeune mère de famille a réalisé un jour qu’elle pouvait faire jusqu’à 20 minutes en voiture pour trouver précisément le genre de produit qu’elle voulait, donc local et biologique. Une aberration. « Et au marché où j’allais, il y avait une file d’attente devant le seul kiosque de produits bio », raconte-t-elle. « Je ne pense pas que les gens vont au marché pour acheter des bananes ou des ananas. » Pour elle, il ne fait pas de doute que la demande existe.

Les deux marchés, qui ouvriront à la mi-mai, ne seront pas gigantesques. Pour l’instant, une douzaine de producteurs ont été recrutés. « Et il y en a qui vont aller aux deux marchés. » Il y aura des fruits et légumes, bien sûr, mais aussi des œufs, du miel, des thés, etc. L’offre sera diversifiée.

À Candiac, le marché se tiendra le mercredi après-midi. À L’Île-des-Sœurs, ce sera le dimanche. Dans les deux cas, les premières semaines seront surtout consacrées à la vente de pousses bio pour ceux qui voudront ensuite faire pousser ces plantes chez eux.

La jeune femme loue l’espace en collaboration avec les villes. À Candiac, la MRC a aussi prêté main-forte.

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Le projet de Mme Cousineau est encore petit et mené à bout de bras par sa volonté et sa capacité de lui consacrer des centaines d’heures encore bénévolement.

Mais autant l’enthousiasme de la jeune femme que l’appui des villes où elle s’installe montrent bien que l’esprit du temps est en faveur de ce genre d’initiative.

Il est temps que la Ville de Montréal et MPM s’ajustent à cela et augmentent substantiellement l’offre de produits locaux, voire bio, vendus sans intermédiaire, directement par les producteurs, par rapport à tout le reste que l’on retrouve actuellement. Un marché extérieur, ça devrait être ça. Sinon, on va au supermarché.

Voilà des années qu’on en parle à Montréal. Mais la Ville, jusqu’à présent, semble beaucoup plus préoccupée par la piétonnisation des marchés – surtout Jean-Talon –, ce qui n’est pas une mauvaise chose, que par la présence de producteurs locaux.

Mais est-ce que ça vous tente d’aller à pied jusqu’au marché, avec votre vélo ou votre panier à roulettes, pour acheter des tomates industrielles ? Du maïs OGM ? Des fleurs venues d’Afrique ou d’Amérique latine ?

C’est ce que je pensais.

Non seulement ouvrir plus de place aux producteurs locaux donne aux consommateurs ce qu’ils cherchent, mais cela permet à ce secteur, dont on a besoin, de grossir. La question ne devrait même pas se poser.

Mme Laliberté assure toutefois qu’il y a des places libres actuellement ouvertes aux producteurs locaux, surtout au marché Jean-Talon, mais aussi au marché Atwater, pour l’été qui s’en vient. Avis à ceux que cela intéresse. L’information est sur le site web de Marchés publics Montréal.

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