MON CLIN D’ŒIL

« Happy New Year to every Montrealer ! »

— Valérie Plante

Réflexion

C’est par où la Révolution ?

J’ai beau chercher, je ne la trouve pas. J’ai demandé à des gens ici et là, à une préposée aux renseignements dans un centre commercial, et même au bureau d’information touristique de la région : « Euh oui, s’cusez-moi madame, c’est par où la Révolution ? » Personne ne comprenait de quoi je parlais. Chaque fois, je repartais bredouille en pestant. « Pfft ! »

L’affaire, c’est que je cherche la Révolution avec un grand R, une révolution plus ou moins tranquille, un soulèvement imminent, un virement de cap sociopolitique draconien qui remettrait les pendules environnementales à l’heure. Rien. Il ne se passe rien.

Vous êtes satisfaits, vous, de la manifestation pour la planète du 10 novembre dernier ? Moi pas. La semaine suivante, chers amis, six fois plus de gens étaient présents pour le défilé du père Noël au centre-ville de Montréal… N’importe quoi.

À mon humble avis, cela s’explique en grande partie par le fait qu’on n’apprécie pas la colère. Ici, dans ce pays (qui n’en est toujours pas un – il arrive quoi avec le rapatriement de la Constitution, au fait ?), bref, au Québec, c’est bien connu, on aime le consensus, la bonne entente, voire le silence oppressant, pour être bien sûr et certain de ne pas déranger personne. « Pas de chicane dans ma cabane… », on connaît l’expression.

Moi aussi, j’apprécie la bonne entente – quoiqu’en disent certains –, mais par moments, il faut également savoir se mettre en colère, se lever, s’indigner, s’insurger, mettre son pied à terre, et revendiquer, protester, contester, somme toute, exiger de notre bon gouvernement qu’il s’active au plus sacrant.

Car la colère contenue, réprimée, est non seulement nocive pour la santé, mais, pis encore, une fois intériorisée, elle se retourne alors contre soi et cause la dépression. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est écrit dans nombreux livres de psychologie. Des hommes, des experts en la matière, l’ont affirmé maintes fois depuis les années 70 et 80 – Jack Birnbaum, notamment, dans Cry Anger (1973) –, alors donc, c’est vrai. Des femmes brillantes aussi avaient souligné ce phénomène, mais, dans leur cas à elles, ça restait à être prouvé hors de tout doute raisonnable…

De là découle l’hypothèse suivante : en raison de cette colère réprimée, intériorisée, mon peuple est en dépression majeure depuis plusieurs années. Et je me demande sincèrement, depuis quelque temps déjà, c’est quoi l’antidépresseur, précisément, le traitement efficace pour extirper une nation entière de son état de torpeur, d’abattement, de morosité, d’engourdissement majeur ?

Est-ce chimique ? Cela m’étonnerait beaucoup, puisque les Québécois consomment [déjà] plus d’antidépresseurs que la moyenne canadienne.

Faut-il alors fouetter les troupes ? Personnellement, je n’ai jamais eu de tendance dominatrice – quoiqu’en pensent certains –, mais je suis prête à tout essayer pour provoquer le changement, exciter la colère populaire et favoriser son expression saine et naturelle, en la canalisant dans une splendide et retentissante Révolution, avec un grand R évidemment.

Y a-t-il des révolutionnaires dans votre salon ? Ou juste des cochons ?

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