Chronique

Des retraités qui cotisent au RRQ pour des miettes, ça suffit !

Avec la pénurie de main-d’œuvre et le vieillissement de la population, il est crucial d’encourager les travailleurs plus âgés à rester sur le marché du travail.

Présentement, le taux d’emploi des Québécois de 60 à 69 ans au Québec est largement inférieur à celui des Ontariens. Si on remontait au même niveau que celui de nos voisins, il y aurait 66 000 travailleurs de plus chez nous. Excellent pour faire rouler l’économie.

Alors je suis parfaitement d’accord pour bonifier l’aide fiscale aux travailleurs d’expérience, comme le suggère la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, qui a dévoilé hier son mémoire prébudgétaire.

Mais il me semble qu’on devrait commencer par éliminer les inconvénients financiers qui découragent les retraités de retourner au boulot. Le plus beau de l’affaire, c’est que ça ne coûterait rien à l’État.

Je parle ici des cotisations au Régime de rentes du Québec (RRQ). Les retraités qui continuent à travailler, par plaisir ou par obligation, ont souvent l’impression de cotiser « dans le beurre » au RRQ.

C’est le cas de Lucien Bergeron, 78 ans. Officiellement à la retraite depuis 2011, le Montréalais continue de faire de la formation et de la traduction pour l’industrie de l’assurance plusieurs heures par semaine. « J’adore encore ce que je fais, clame-t-il. Mais sur le plan économique, c’est un agacement. »

Même s’il touche déjà sa rente du RRQ, il doit continuer de cotiser au régime. Pour l’année 2019, tous les travailleurs québécois doivent verser 5,55 % de leurs revenus excédant 3500 $, jusqu’à concurrence d’un salaire de 57 400 $.

Ainsi, la cotisation maximale annuelle atteint presque 3000 $. C’est déjà beaucoup d’argent. Mais pour un travailleur autonome qui doit aussi verser la part de l’employeur, la cotisation double à près de 6000 $.

« C’est là où je trouve que c’est un petit peu abusif merci », avoue M. Bergeron. 

« Ça va à l’encontre des politiques qui veulent que les personnes plus âgées restent actives dans l’économie. C’est absolument aberrant ! », déplore-t-il.

Bien sûr, ces cotisations additionnelles permettent de bonifier la rente future. En fait, les travailleurs reçoivent un supplément de rente équivalant au vingtième de leur cotisation de l’année précédente.

Prenons un salarié qui gagne environ 11 000 $ cette année. Il cotisera 400 $ au RRQ, ce qui lui vaudra un supplément de rente annuelle de 20 $ jusqu’à sa mort. On parle d’à peu près 1,50 $ par mois.

Avantageux ou pas ? Ça dépend…

En fait, les cotisations sont plus « payantes » pour les jeunes retraités qui recevront le supplément de rente durant de longues années.

Pour une personne de 60 ans, le taux de rendement des cotisations au RRQ frôle 5 %. « C’est quand même un beau taux de rendement », estime l’actuaire en chef du RRQ, Jean-François Therrien, qui a réalisé les calculs à ma demande.

Mais ça se gâche avec l’âge. Pour une personne de 75 ans, le rendement n’est plus que de 1,3 %. Des miettes !

Et encore, les calculs tiennent compte d’une espérance de vie légèrement supérieure à la moyenne, car une personne qui travaille après la retraite est généralement plus en santé.

De plus, les calculs sont fondés sur l’hypothèse que le cotisant a un conjoint survivant qui touchera 60 % de la rente quatre ans de plus après la mort du cotisant. Sans conjoint, les taux de rendement seraient vraiment plus bas.

Et n’oublions pas que pour les travailleurs autonomes qui cotisent en double, les taux de rendement doivent être divisés par deux.

« Rendu à l’âge où je suis, j’arrêterais de cotiser, parce que les rendements sont tellement faibles », constate M. Bergeron.

C’est exactement ce que suggère le Réseau FADOQ dans un mémoire prébudgétaire diffusé la semaine dernière. L’organisme recommande qu’un travailleur actif qui retire déjà sa rente de retraite puisse arrêter de verser ses cotisations au RRQ.

Cela irait dans le même sens que le Régime de pensions du Canada, le frère jumeau du RRQ à l’extérieur du Québec, dont les cotisations sont facultatives à partir de 65 ans.

À tout le moins, Québec pourrait relever l’exemption actuelle de 3500 $ à 7000 $, voire à 10 000 $. Dans ce cas, il faudrait appliquer l’exemption non seulement sur les revenus d’emploi, mais aussi sur les revenus de travailleur autonome.

Cette mesure aiderait les aînés les plus démunis. C’est maintenant qu’ils ont besoin de l’argent. « C’est pour ça qu’ils retournent sur le marché du travail. Le but, c’est de leur en laisser le maximum », explique Danis Prud’homme, directeur général du Réseau FADOQ.

En ce moment, certains aînés travaillent carrément pour rien, comme je l’ai déjà exposé dans d’autres chroniques. Leurs revenus sont bouffés à 100 % par l’impôt, les cotisations au RRQ et la perte de prestations fiscales comme le Supplément de revenu garanti (SRG).

C’est insensé ! Si on veut que les aînés restent en emploi, il faut éliminer ces aberrations fiscales qui les découragent de travailler.

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