Mon clin d’œil

Le Canadien devrait jouer au hockey au moins aussi longtemps qu’il neige.

Opinion

Le racisme banalisé et le smoking de René Lévesque

Le maire de Hampstead, William Steinberg, a qualifié de « nettoyage ethnique et de racisme » le projet de loi 21 du gouvernement Legault sur la laïcité. Appelé à commenter sur RDI dimanche dernier, cette déclaration inacceptable d’un élu, l’avocat Julius Grey, loin de se scandaliser, a déclaré : « Employer les termes “nettoyage ethnique” pour décrire le projet de loi 21, ce n’est pas la fin du monde ».

Ce sont ses termes mêmes. J’étais stupéfait ! Comment peut-on banaliser à ce point des expressions aussi lourdes de sens ? Associer, comme l’a fait l’élu de Hampstead, le projet de loi gouvernemental à une politique d’épuration de populations entières pour des raisons ethniques est carrément démagogique et déshonorant.

Si pour le juriste Grey l’emploi de ces termes n’est pas la fin du monde, l’épuration ethnique a signifié, elle, la fin du monde pour des millions d’innocents.

Précisément dimanche dernier, le Rwanda a entrepris un deuil de 100 jours en commémoration du génocide qui a fait 800 000 morts en 100 jours. Et le projet de loi du gouvernement Legault s’apparenterait à ces purifications ethniques, non pas menées par les armes certes, mais par la voie juridique. Dites-moi que je rêve ! Descartes, viens à mon secours ! Malheureusement, ces dérives rhétoriques et ces fureurs envers Québec ne sont pas nouvelles.

Je me rappelle au début de ma carrière de professeur, à la fin des années 70, comment on avait servi au gouvernement Lévesque ces mêmes épithètes odieuses pour contrer l’« intolérable » loi 101 sur la langue française. Le père de la loi, Camille Laurin, figurait dans le magazine Maclean’s comme le propagandiste nazi Goebbels, et René Lévesque comme un « fanatique dans un smoking de location ». De quel côté se logeait réellement le fanatisme ? Je vous laisse répondre. Paul Yonnet, Pierre-André Taguieff et Pascal Bruckner ont bien démonté ce dispositif de « racialisation » du conflit politique et religieux qui finit par recréer la malédiction qu’il prétend combattre. Le projet politique de loi 21 qui veut interdire les signes religieux dans quelques services publics serait donc raciste et génocidaire ? Raciste, ce projet de loi qui nous isolerait et nous rapetisserait aux yeux de la communauté internationale ? Allons donc !

La Norvège, le Danemark, la Belgique, la France, les Pays-Bas, l’Autriche, l’Italie, le Tadjikistan, la Bulgarie, le Tchad, le Cameroun, le Gabon, le Congo et le Sénégal, tous ces pays interdisent le voile intégral, non seulement dans les services de l’État, mais également dans l’espace public. Racistes, tous ces pays, vraiment ? La France interdit le port de signes religieux chez tous les fonctionnaires et les agents de l’État. Le voile est interdit aux élèves jusqu’à l’université. En Belgique, d’une manière générale, le port de symboles religieux est interdit pour les juges, les policiers, les militaires et les pompiers. Racistes, tous ces pays, vraiment ?

Monsieur Grey, se pourrait-il que, dans quelques années, vous finissiez par reconnaître qu’à l’instar de la loi 101, la loi sur la laïcité du gouvernement Legault aura eu des effets positifs sur le Québec ?

Après avoir en effet défendu bec et ongles jusqu’en Cour suprême l’affichage unilingue anglais, vous avez, 10 ans après l’adoption de la loi 101, reconnu les bienfaits de cette loi : « Si vous m’aviez dit, confiait-il à L’Actualité en 1977, que je reconnaîtrais maintenant que la loi 101 a des effets presque entièrement positifs, j’aurais été surpris. Mais je pense que c’est le cas. C’est une loi essentielle pour tous les Québécois » (Jean-Simon Gagné, Le Soleil, 19 août 2017). Fasse le ciel maintenant que, dans chaque camp à l’intérieur du débat sur la laïcité, personne ne lance à la légère ni ne banalise des accusations de racisme qui décrédibilisent leurs auteurs.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.