Élections provinciales

Voter pour un Québec américain

Ils sont une quinzaine, y vont de propositions parfois surprenantes, et ensemble, ils ont obtenu à peine 1 % des voix aux élections provinciales de 2014. Ce sont les petits partis dans l’ombre des grands. L’un d’eux propose que le Québec soit annexé par les États-Unis, en cette période où nos voisins et leur président sont plus mal aimés que jamais. Tour d’horizon.

UN DOSSIER D’AMIN GUIDARA

La 51e étoile des États-Unis

Quitter la fédération canadienne pour rejoindre l’union des États-Unis d’Amérique ? C’est le plan de l’avocat Hans Mercier, chef du Parti 51, qui voudrait entre autres une monnaie commune, la grande autonomie que permet le fédéralisme américain et la disparition des douanes. Le parti annexionniste, qui se présentera aux élections provinciales du 1er octobre, espère faire élire au moins un candidat.

Le premier Parti 51 a été fondé en 1989 par Serge Talon. À l’époque, la formation visait principalement les circonscriptions anglophones lors des élections générales. Elle n’a obtenu que 0,11 % des voix dans la province, et a été dissoute peu de temps après. Le parti renaît de ses cendres en octobre 2016 et compte maintenant 1100 membres un peu partout dans la province. La démarche de Hans Mercier ne sera pas la même cette fois-ci. « Le contexte était très différent, le souverainisme avait le vent dans les voiles. Ils avaient le fleurdelisé tatoué sur le corps », explique-t-il. « Les anglophones préféraient un État américain à une souveraineté. »

« On va chercher les gens qui ne votent plus, qui sont désillusionnés de la politique. » — Hans Mercier

Le Beauceron nie toutefois que son parti soit populiste et « antisystème ». Il serait libéral dans le sens classique du terme, c’est-à-dire qu’il prône les droits individuels et le libre marché. Pourtant, au sud de la frontière, le président Trump adopte plusieurs mesures protectionnistes, mettant parfois en danger les emplois de plusieurs. « C’est un argument qui fait écho aux hommes d’affaires. On ne serait pas affectés par ces mesures-là ni par les variations de taux de change », balaie-t-il.

Dissocier Trump des États-Unis

Il semble toutefois qu’un mouvement annexionniste à l’ère de Donald Trump soit un peu perdu d’avance. En effet, selon un sondage Léger réalisé en mai, l’immense majorité des Québécois – 89 % – voterait contre le président américain. « Il faut dissocier le président Trump et les États-Unis », répond d’emblée le chef du Parti 51. « Quand les gens avancent cet argument, je leur dis : sentez-vous que Trudeau, Couillard ou Harper vous représentent adéquatement ? » Il ajoute qu’en 2001, un autre sondage Léger montrait que 33,9 % des Québécois soutenaient l’annexion du Canada alors que George W. Bush était président, ce qui était nettement supérieur à la moyenne canadienne de 19,9 %. « Bush n’était pas non plus le président le plus populaire ici. »

Est-ce que les Américains voudraient du Québec au sein de l’union ? « Le bout facile, c’est l’acceptation des Américains ; le difficile, c’est de convaincre les Québécois », estime Me Mercier. « Tous les Américains à qui on en a parlé sont très ouverts à l’idée. » Il prend en comparaison Porto Rico, où il y a aussi un mouvement, soutenu par les démocrates et les républicains, pour devenir un État américain. L’économie y est nettement moins forte et les ressources naturelles, moins abondantes. Selon son calcul, le Québec serait le 12e État en matière de grands électeurs, ex æquo avec la Virginie. « Il y a un fond bleu au Québec, mais je pense que ce serait un swing state. » Pourtant, selon les sondages, même en 2012, 79 % des Québécois auraient réélu Barack Obama face à Mitt Romney.

Pour tout ce qui touche le fait français, Hans Mercier n’est pas préoccupé : il rappelle que les États-Unis n’ont pas de langue officielle.

« Les États-Unis, ce n’est pas un pays, ce sont 50 pays. Le Québec serait un État, la langue officielle de l’État serait le français. » — Hans Mercier

Il pense aussi que le fédéralisme à l’américaine permettrait un meilleur contrôle de la culture. « On vit déjà dans un océan d’anglophones, cette culture-là est omniprésente. Ce n’est pas un poste-frontière qui va changer cette dynamique », argumente l’avocat. Pourtant, le français prévalait en Louisiane et est maintenant en danger d’extinction, notamment à cause des politiques d’éducation. « Si les gens arrêtent d’être fiers de leur culture et de parler leur langue, ça ne change rien d’être dans une province canadienne ou un État américain », répond Me Mercier.

Un Canada séparé du Québec n’inquiète pas non plus le chef du Parti 51.

« Le Canada serait coupé en deux seulement géographiquement. L’Alaska aussi est séparé et fonctionne très bien. » Il concède néanmoins que les relations diplomatiques suivant une annexion du pays seraient « difficiles ». Il ne serait pas non plus le premier député annexionniste au Canada : l’éphémère parti Unionest, en Saskatchewan, soutenait l’annexion des provinces de l’Ouest aux États-Unis. Il met toutefois en garde contre ceux qui le traiteraient d’anticanadien. « Je suis très fier de mon héritage canadien. Ce n’est pas parce qu’on rejoint les États-Unis que notre histoire disparaîtrait. »

Tous les champs politiques sont représentés dans son parti. « Il y a des gens très à gauche, très démocrates, et des gens pro-Trump. D’autres sont pour ou contre l’immigration. » Il se défend d’être proche des groupes identitaires. « On ne peut pas être libéral au sens classique et avoir des politiques purement identitaires. Les États-Unis, comme le Canada, sont des pays d’immigration. »

Même s’il ne se fait pas d’illusions pour les élections d’octobre, il est confiant pour l’avenir. « Les politiciens se demandent ce qu’on va dire d’eux dans le journal du lendemain. Moi, je préfère savoir ce qu’on va dire de moi dans les livres d’histoire. »

Qui est Hans Mercier ?

Originaire de Beauce, Hans Mercier pratique le droit en dehors de la politique. Il a défendu les familles des victimes de la tragédie de Lac-Mégantic ainsi qu’Angèle Grenier, une acéricultrice qui voulait vendre son sirop d’érable hors du contrôle de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec.

Les autres petits partis

Qui sont les autres partis marginaux en lice au Québec en 2018 ?

— Amin Guidara, La Presse

L’Alliance provinciale du Québec (APQ) propose d’offrir « aux Québécois des services efficaces pour atteindre la liberté individuelle nécessaire à son développement personnel dans le respect de la communauté ».

Les priorités du Parti vert du Québec sont les transports en commun, la protection de l’environnement et l’égalité sociale. En 2007, le PVQ a obtenu son meilleur résultat à vie au Québec, avec 3,85 % des voix. La formation présentait alors 108 candidats sur 125 circonscriptions, contre seulement 44 candidats au dernier scrutin, en 2014. 

Le Bloc Pot veut « mettre fin à la prohibition du cannabis ». Le gouvernement fédéral légalisera le pot le 17 octobre prochain.

Le projet de Changement Intégrité pour notre Québec (CINQ) est d’avoir « une économie au centre » et « une vision sociale à gauche et syndicaliste ».

Citoyens au pouvoir du Québec veut « convoquer une Assemblée constituante de citoyens libres de toute allégeance » afin de réformer les institutions démocratiques. Bernard « Rambo » Gauthier fut son porte-parole jusqu’en décembre 2017.

Le dernier-né Droit des sans-droits, fondé le 13 août dernier, n’a pas encore de plateforme connue.

Le programme de l’Équipe autonomiste est « d’abolir les partis politiques […], retirer les gadgets électroniques des classes jusqu’au secondaire, et fermer et barrer les frontières comme on le fait pour les portes de nos maisons ».

Le Nouveau Parti démocratique du Québec (NPDQ) se dit « progressiste » et propose de « sortir de l’impasse libérale ». Il n’est pas affilié à son homonyme fédéral.

Le Parti conservateur du Québec (PCQ) prône les libertés individuelles, le marché libre et la place du Québec au sein du Canada.

Le Parti culinaire du Québec veut instaurer une « gastronocratie » où « la gastronomie dicte les décisions, les règlements et les lois d’une société ».

Le Parti équitable est une formation « à caractère environnementaliste et en faveur d’un mode de scrutin proportionnel ».

Le Parti libre est une branche du parti municipal de Saint-Sauveur du même nom qui veut « éveiller la liberté de conscience ».

Le Parti marxiste-léniniste du Québec a pour but de « mobiliser les classes ouvrières […] pour mener à bien l’affirmation de la nation du Québec sur une base moderne ».

Un vote pour le Parti nul équivaut à un vote blanc, c’est-à-dire le fait de ne voter pour aucun candidat en guise de protestation. Le vote blanc n’est pas reconnu au Québec, donc il n’est pas comptabilisé.

Québec cosmopolitain défend « la justice sociale, la croissance économique et l’environnement ». Il a été fondé par Kamal G. Lutfi, ex-candidat de la CAQ expulsé pour avoir dit que les souverainistes étaient racistes.

Québec en marche (QM) semble tirer son nom du mouvement politique du président français Emmanuel Macron. Il est dirigé par Henriot Gingras, qui énonce ses idées politiques dans un blogue, dont la construction d’une ligne de métro entre Henri-Bourassa et le Stade olympique.

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