Zach Zoya sort son premier EP

Le rappeur montréalais Zach Zoya a dévoilé hier le vidéoclip de sa pièce Barely et lancé son tout premier EP, Misstape, aux Disques 7ième Ciel, en collaboration avec le beatmaker High Klassified.

— Jean-Thomas Léveillé, La Presse

Chronique

L’invisibilité de l’éléphant

Il fallait s’y attendre, le festival Présence autochtone, qui se déroule depuis une semaine, bénéficie d’un « effet Kanata ». Les conférences et les colloques sont très courus. Mardi soir, lors de la soirée d’ouverture, on se battait pour avoir des places afin de voir la sélection de courts métrages. À tous les spectacles, des foules importantes se massent devant les scènes.

Au cours des derniers jours, j’y ai vu des films très bien faits qui racontent des drames ou des choses loufoques. J’ai aussi vu des musiciens contemporains, d’autres plus près de leurs racines. Le public ? Surtout jeune, surtout curieux.

À chacun des événements auxquels j’ai assisté, j’avais la même pensée :

Les autochtones ont une place à part et on ne peut pas passer dans le même tamis les concepts d’appropriation culturelle ou de diversité quand il est question d’eux. C’est pourtant ce qu’on a fait.

Les conclusions de la Commission de vérité et réconciliation étaient pourtant claires : les autochtones ont été victimes d’un génocide culturel. Lorsque ce rapport est paru en décembre 2015, tout le monde était secoué, ému, prêt à tendre la main. Et puis… Et puis on est retombés dans nos habitudes : les cours de natation du p’tit, le yoga et Unité 9.

Des commissions de vérité et de réconciliation, il y en a partout dans le monde. En Afrique du Sud, en Tunisie, au Burundi, au Burkina Faso, au Pérou, au Togo. Dans certains cas, ça a marqué un changement. Dans d’autres cas, on a tressé des couronnes et on est passé à autre chose. C’est pas mal notre cas.

En voyant les films et les spectacles de Présence autochtone, j’ai beaucoup réfléchi au débat qui a entouré Kanata, un débat que plusieurs ont tenté de mettre dans les bras enveloppants et protecteurs de l’art.

L’art a eu le dos large dans cette affaire. On ne touche pas à l’art ! On ne touche pas à la liberté d’expression ! On n’impose pas de critères aux créateurs ! Euh… Voulez-vous qu’on parle des critères de toutes sortes que les créateurs rencontrent quand vient le temps de faire une demande de subvention en cinéma, en danse, en musique ou en théâtre ?

J’ai été renversé de voir, au cours des dernières semaines, des gens qui, en temps normal, dénigrent les « artisssssses téteux de subventions » changer complètement leur fusil d’épaule. Entre les « artisssssses téteux de subventions » et les autochtones, quel camp ont-ils choisi ? Je vous le donne en mille.

La rectitude politique a également eu le dos large. Tu oses créer un changement dans la société et hop ! tu es accusé de faire de la rectitude politique. Faudrait se calmer là-dessus. La rectitude politique a au départ de bonnes intentions et est basée sur le respect. Certains confondent ce concept avec celui que j’appelle la désuétude historique.

Vous savez ce que j’entends beaucoup ? « La rectitude politique est en train de nous envahir. » Et vous savez ce que je réponds à cela ? Si la rectitude politique fait avancer notre société, amenez-en, de la rectitude politique ! J’en veux, de la rectitude politique !

L’appropriation culturelle a aussi eu le dos large ! J’entends beaucoup que cette « folie » de l’appropriation culturelle va être partout bientôt. Les groupes minoritaires ne pourront plus être interprétés au théâtre et au cinéma par un « comédien ordinaire ». Faisons de la place aux groupes minoritaires dans notre théâtre et dans notre cinéma et le problème d’appropriation culturelle ne se posera plus.

Des blagues sur l’appropriation culturelle, j’en ai beaucoup reçu ces derniers jours par courriel. « Vous savez, M. Girard, Anne Franck ne pourra plus être interprétée par une comédienne qui n’est pas d’origine juive. » Cette façon de banaliser ce sujet, ce très important sujet qui nous est mis entre les mains, nous, les Québécois, me désole au plus haut point.

Après des semaines de débats sur SLĀV et Kanata, j’en arrive à mieux comprendre pourquoi on ne veut pas de commission sur la discrimination (on a retiré le mot racisme) systémique au Québec.

L’exercice ferait tellement mal, il viendrait tellement chambouler nos bonnes vieilles habitudes. Après tout, on a les cours de natation du p’tit, le yoga et Unité 9.

Il y a une campagne électorale qui s’amorce. Qui voudra aborder l’épineux sujet de la diversité sur les scènes, de l’appropriation culturelle et de la tolérance face à l’autre ? Je ne parierais pas cinq dollars là-dessus. Parler de ce sujet, c’est pas winner en campagne électorale, c’est trop risqué. On parlera des routes et des infrastructures, on parlera de santé et d’éducation. Et on fera semblant de parler de souveraineté.

Je suis d’accord avec vous, c’était plus simple avant. Dans les années 70, il y avait les féministes et les Noirs qui descendaient dans la rue. Aujourd’hui, tous les groupes minoritaires s’expriment. « C’est beaucoup trop à gérer », m’a dit un ami cette semaine. Il a raison : c’est beaucoup de choses à gérer.

Dans le dernier film de Denys Arcand, La chute de l’empire américain, il est question de l’argent, du pouvoir des riches et des Blancs. Après avoir raconté l’incroyable voyage que font des « milliards de milliards de dollars dans le monde », comme le dit l’avocat véreux interprété par Pierre Curzi, le film s’achève sur le symbole de notre propre misère : des visages de sans-abri autochtones.

Il est quand même fascinant que l’été qui s’achève soit marqué par ce film et l’affaire Kanata. Et qu’on n’arrive pas à faire le lien entre les deux. C’est même renversant. Les éléphants ont beau être avec nous, ils sont parfois invisibles.

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